Les effets du changement climatique sur les émissions volatiles des grandes cultures et forêts du Sud de la France
Etude de la variabilité intraspécifique des COVs : choix des variétés de Zea mays
Le criblage des COVs s’est effectué sur différentes variétés de maïs réparties en deux grands groupes : les cultivars qui sont des variétés hybrides cultivées en champs et les lignées qui sont des variétés pures non-commerciales. On dispose de six cultivars : les graines des cultivars Ronaldinio, P0725, Enterprice et Overland ont été obtenues auprès du fournisseur ARVALIS, le cultivar Delprim a été fourni par l’équipe de Ted Turlings (Université de Neuchâtel, Suisse) et le cultivar DEA par le LEPSE (Laboratoire d’Ecophysiologie des Plantes sous Stress Environnementaux), INRA Montpellier. Parmi ces six cultivars, quatre sont des variétés de maïs grains (Delprim, Ronaldinio, P0725, DEA), destinées à l’alimentation animale et deux sont des variétés de maïs doux Zea mays saccharata (Enterprice et Overland), destinées à l’alimentation humaine. On dispose également de quinze lignées pures non-commerciales de maïs fournies par le LEPSE. Afin de maximiser et de représenter au mieux la diversité existante, nous avons échantillonnés des lignées pures de trois des groupes génétiques précédemment définis par Camus-Kulandaivelu et al., (2006) : les lignées tropicales (Trop) caractérisées par un long cycle de vie, les lignées européennes (UE), caractérisées par un cycle de vie court et un grain « corné » avec un important albumen vitreux et les lignées nord-américaines (US) caractérisées par un cycle de vie intermédiaire et un grain « denté » long, plat avec un important albumen farineux qui lui donne la forme d’une incisive. Notre panel comprend 2 lignées tropicales, 8 lignées américaines et 5 lignées européennes et leurs caractéristiques ont été résumées dans le tableau ci-après (Tableau 3). matique : choix et obtention du matériel végétal L’étude de la variabilité intraspécifique des COVs des 21 variétés de maïs a permis de sélectionner le cultivar Overland pour l’étude de l’effet de la température et du CO2 sur les émissions. Ce cultivar doux est un fort émetteur de terpènes et notamment de sesquiterpènes. Les grains de cultivars ont été obtenus auprès de Syngenta au début de l’année 2017. Les graines de l’armoise annuelle (Artemisia annua) ont été obtenues auprès du fournisseur ChilternSeeds (UK) et ont été cultivées d’avril à août 2018. Les glands de chêne vert (Quercus ilex) ont été échantillonnés sur 15 arbres adultes poussant sur un site proche du site expérimental de Puéchabon (34), durant 4 campagnes de récolte les 09, 16, 22 et 30 novembre 2017 et ont été cultivées d’avril à septembre 2018.
Conditions de culture des plantes
Les graines de Zea mays ont été plantées dans des pots en PVC cylindriques (2,8 L de volume, 15 cm de diamètre, 16 cm de hauteur). Le fond de chaque pot a été recouvert d’une 33 couche de gravier pour permettre un meilleur drainage avant d’être rempli avec un substrat constitué à 75 % de terreau et 25 % de sable grossier. Les graines d’Artemisia annua ont été mélangées avec du sable fin avant d’être dispersées à la surface du substrat. Environ 8 semaines après le semis, des plantules individuelles et bien développées ont été transplantées dans les mêmes pots cylindriques que ceux utilisés pour le maïs. Les pots utilisés pour le maïs et l’armoise étaient doublés à l’intérieur d’une feuille de Téflon (FEP, épaisseur 50 µm) qui, du côté du pot ouvert supérieur, était pliée deux fois sur la bordure et fixée avec une bague d’étanchéité en silicone en prenant soin de laisser environ 10 cm de feuille de Téflon s’étendre au-delà de la bordure de pot. Les glands de Quercus ilex ont été identifiés et pesés après leur récolte avant d’être stockés dans des boîtes avec de la vermiculite humidifiée. Les glands ont été placés dans une chambre froide à 4 °C après leur récolte et jusqu’à leur germination en début du printemps 2018. Les glands en germination ont ensuite été mis en pot dans des tuyaux en PVC (diamètre 16 cm, hauteur 1 m) contenant un mélange de sable et de terre.
Traitements de croissance (long-terme)
Etude de la variabilité intraspécifique des COVs
Les plantes de maïs ont été gardées dans un compartiment de serre à environnement contrôlé au CEFE-CNRS Montpellier sous les conditions suivantes : 15-17 °C la nuit et 20-22 °C le jour, avec une humidité relative de 60 % et une photopériode J12:N12. Les plantes ont été arrosées quotidiennement et ont été utilisées pour les expériences environ 10 jours après la germination (stade 4-5 feuilles). b. Expériences sur le changement climatique Quatre compartiments de serre identiques à l’institut du CEFE-CNRS Montpellier ont été mobilisés et deux régimes de température ont été associés à deux régimes de CO2 : température et CO2 ambiant (« Témoin », température : 25/15 °C jour/nuit, [CO2] = 400 ppm), température élevée et CO2 ambiant (« +T », température : 30/20 °C, [CO2] = 400 ppm), température ambiante et CO2 élevée (« +CO2 », température : 25/15 °C, [CO2] = 800 ppm), 34 ainsi que température et CO2 élevés (« +T+CO2 », température : 30/20 °C, ([CO2] = 800 ppm). Le traitement « Témoin » est considéré comme les conditions climatiques actuelles avec des températures jour/nuit typiques de la fin du printemps et du début de l’été dans la région de Montpellier. Le traitement « +T+CO2 » représente les conditions climatiques futures possibles attendues à la fin du siècle selon les scénarios de changement climatique publiés par Pachauri et al. (2014). Pendant toute la période, les plantes ont été régulièrement déplacées à l’intérieur des compartiments de serre ainsi qu’entre les compartiments de serre après avoir changé au préalable les températures de croissance et les régimes de CO2 (Figure 5). Figure 5 : Illustration des quatre traitements de croissance.
Induction du traitement au methyl jasmonate chez Zea mays L.
La méthode d’induction de stress choisie a été l’application d’une phytohormone. L’acide jasmonique (JA) ou son methylester, le methyl jasmonate (MeJA) sont des membres importants de la famille des jasmonates. Ils sont synthétisés via les voies de biosynthèse d’octadécanoïdes et d’hexadécanoïdes lors d’une attaque d’herbivores et activent une réponse de défense. Ils sont connus pour éliciter la réponse au stress contre des herbivores, mais sont aussi connus pour avoir des rôles dans le développement de la plante comme la senescence des feuilles ou l’inhibition de croissance et du développement floral. Thaler et al., (1996) ont montré que l’application de jasmonates en faibles concentrations sur les feuilles de jeunes plants de tomate (Lycopersicon esculentum) induisait de manière dose-dépendante la même réponse que lors d’une consommation par l’insecte. Dans notre étude, il a donc été choisi d’induire un stress simulé de type herbivorie chez les plantes de maïs par vaporisation de 2,5 mL d’une solution 10 mM de MeJA (95% [w/w] pure, Sigma-Aldrich) dissolue dans de l’eau déminéralisée (Martin et al., 2002) (Figure 6). La concentration de MeJA choisie est la concentration couramment utilisée dans la littérature pour l’induction d’un stress et le volume 35 vaporisé est le volume pour lequel les feuilles sont saturées (Boughton et al., 2005). La partie aérienne a été gardée ensachée après la vaporisation de la solution pendant 30 minutes pour garantir un traitement homogène puis mise à évaporation jusqu’à l’analyse des COVs des plantes 24 heures après le traitement au MeJA, pour laisser suffisamment de temps pour l’induction d’une de-novo synthèse des monoterpènes et sesquiterpènes (Turlings et al., 1998 ; Halitschke et al., 2000). Figure 6 : Schéma simplifié du design expérimental de l’induction du stress à l’aide d’une phytohormone végétale (MeJA) chez Zea mays.
Prélèvement des COVs de Zea mays et d’Artemisia annua
Description du système de prélèvement Les COVs de Zea mays et d’Artemisia annua ont été déterminés par la technique de l’headspace dynamique à l’aide d’un système permettant d’étudier les émissions de COVs de l’ensemble du feuillage de plantes entières vivantes dans des conditions environnementales contrôlées. Le système est composé de deux chambres en verre à double paroi installées côte à côte, fermées sur le dessus par un couvercle en verre amovible et ouvertes en dessous pour permettre l’installation des plantes en pot (Figure 7). Le volume intérieur des chambres est d’environ 5 L. Le brassage et l’homogénéisation de l’air dans les chambres est maintenu par de petits ventilateurs en téflon fixés sur les couvercles des chambres. Avant l’installation des plantes à l’intérieur des chambres, la feuille de téflon dépassant la bordure supérieure du pot a été doucement serrée autour de la base de la tige avec un ruban de téflon pour séparer le 36 sol avec le système racinaire des parties aériennes. Le diamètre des chambres correspond au diamètre des pots cylindriques en PVC, si bien qu’une fois le système installé, les rebords des chambres reposent sur ceux des pots formant ainsi un ensemble étanche. Les chambres ont été alimentées en continu avec de l’air ambiant filtré au charbon via des tubes en PFA à des débits constants contrôlés par des régulateurs de débit massique (Mass Stream, M + W Instruments GmbH, Leonhardsbuch, Allemagne). Du CO2 pur a été injecté à partir d’une bouteille de 5 L via des régulateurs de débit massique de haute précision (El-Flow Select, Bronkhorst France S.A.S., Montigny-les-Cormeilles, France) pour atteindre les concentrations de CO2 voulues à l’intérieur des chambres. Les concentrations de CO2 ont été ajustées avant et pendant les phases d’acclimatation des plantes aux conditions court-terme et ont généralement peu changé une fois que la photosynthèse a atteint son état d’équilibre. Les concentrations de CO2 de l’air entrant et sortant des chambres ont été mesurées et enregistrées en continu par des analyseurs de gaz infrarouges (Li-COR 840 combiné au Li-COR 7000, LI-COR Inc., Lincoln, Nebraska, USA). Les deux appareils ont été interconnectés en série de manière à ce que le Li-COR 840 servait au Li-COR 7000 comme valeur de référence en mesurant les concentrations de CO2 et H2O absolues de la voie A en amont. Ce mode permet de mesurer l’échange de gaz plus précisément qu’avec un seul appareil. Les deux Li-COR ont été régulièrement calibrés avec de l’air artificiel sans CO2 pour réaliser le zéro, et occasionnellement pour les valeurs « span » en utilisant du gaz étalon de CO2 et un générateur de point de rosée (Li-COR 610). Le contrôle de la température dans les chambres a été effectué en faisant circuler de l’eau depuis un bain-marie dans l’espace de la double paroi des chambres en verre. Le contrôleur de température du bain-marie est programmable et a régulé en permanence la température de l’eau de manière à réchauffer ou refroidir les chambres en fonction de la température mesurée par un thermocouple du bain-marie placé à l’intérieur d’une des chambres. Deux thermocouples supplémentaires (Chrom-Constantan, OMEGA) ont été placés dans chacune des chambres pour surveiller la régulation effectuée par le bain-marie. La densité de flux de photons photosynthétiques (PPFD) a été contrôlée à l’aide d’un capteur (LiCor, PAR-SB 190, Lincoln, NE, USA) situé à l’extérieur des chambres à mi-hauteur des plantes. Une lampe à LED programmable (LX60 Heliospectra AB, Göteburg, Suède) a éclairé tout le long de l’expérience les chambres avec un PPFD d’env. 600 ± 4 µmol m-2 s-1. La température et les valeurs PPFD ont été enregistrées par un enregistreur de données (21x; 37 Campbell Scientific Ltd., Shepsherd, UK). L’air des chambres contenant les COVs a été aspiré à un débit fixe pendant une durée déterminée par des pompes reliées à des régulateurs de débit massique. Les COVs dans l’air des chambres ont été piégés sur des cartouches absorbantes (acier inoxydable, Perkin Elmer, Villebon, France) remplies de deux polymères d’absorption (Tenax TA et Carbotrap).
Remerciements |