Aurélie :
Depuis que je travaille en crèche, j’ai souvent entendu dire qu’il est préférable d’avoir un autre système de garde que la crèche, telle une personne de la famille, une maman de jour ou une fille au pair. Et ceci à cause du prix élevé de la crèche et du manque de place. En effet, ces problèmes existent mais les bienfaits de la crèche sur le développement global de l’enfant, notamment au niveau social, sont à prendre en considération. D’ailleurs, certains parents placent leur enfant en crèche pour qu’il se socialise. Il existe aussi des parents réticents à la crèche. Cependant, beaucoup nous remercient ensuite de notre collaboration et de l’aide que nous leur apportons. Ils se trouvent surpris du travail des éducateurs et éducatrices de l’enfance (EDE) et des progrès de leur enfant. A vrai dire, je me suis moi-même étonnée des changements et améliorations d’un enfant qui, durant ses premiers mois en crèche, avait de la peine à s’adapter. Il faut aussi savoir que lorsque l’enfant a du plaisir à retrouver ses copains ou les EDE à la crèche et parle d’eux à la maison, les parents sont rassurés de le laisser durant la journée. De plus, plusieurs enfants demandent à leurs parents d’inviter leurs copains à la maison. Je remarque les liens qu’ils peuvent créer entre eux et que nous pouvons créer nous-mêmes avec eux. Il est alors temps que les personnes voient la crèche comme un moyen de soutenir l’enfant dans son développement plutôt que comme une obligation, par défaut de trouver un autre système de garde.
Je peux expliquer aux personnes qu’il est utile pour un enfant de fréquenter une crèche car cette dernière l’accompagne dans son développement de diverses manières, mais je suis parfois à court d’arguments. De plus, je souhaite, pour les raisons citées auparavant, pouvoir mettre en avant les apports de la crèche au niveau du développement des enfants. Une EDE doit, et ceci est inscrit dans les processus 1 et 2 de notre PEC : (Ortra et al., 2008, p.7) : « accueillir l’enfant dans une structure collective extra-familiale » et (p.8) : « soutenir le développement de l’enfant dans sa globalité ». J’ai alors choisi de m’étendre sur la socialisation car je pense que c’est à ce niveau que l’enfant progresse le plus grâce à la crèche. Il est vrai qu’un enfant jusqu’à 5 ans peut avoir des contacts avec des enfants de son quartier ou des amis de la famille, mais les relations ne sont pas les mêmes. En crèche, un enfant cohabite avec des adultes et des enfants et apprend les règles de vie. Ce qui n’est pas la même chose que de jouer avec d’autres enfants quelques heures par jour.
Elodie :
Je travaille à la crèche « carré de sable » à Courtepin dans le canton de Fribourg. Habitant le même village, j’entends souvent les discours suivants : la crèche ne sert à rien, il y a les grands-parents pour garder les enfants et le personnel éducatif s’amuse toute la journée. Cependant, de plus en plus de familles sont intéressées à placer leur enfant dans cette structure. Certains habitants de Courtepin ne comprennent et/ou ne voient pas l’importance d’une crèche pour les enfants ainsi que pour leurs parents. Certains sont en formation ou travaillent et doivent s’assurer que leur enfant soit placé chez des personnes en qui ils ont entière confiance et qui apportent tout ce dont leur chérubin a besoin pour se développer. La crèche est un endroit qui répond à ces critères ainsi qu’à ceux de la socialisation. Effectivement, dans les crèches il y a des normes et des limites à respecter et les enfants cohabitent avec d’autres qui ont une nationalité, une culture et une religion différente. Depuis quelque temps l’équipe éducative accueille des enfants placés dans le but de se socialiser avec leurs pairs. Et ce, alors même que la maman est mère au foyer. Je me pose la question suivante : la socialisation est-elle plus importante que les autres développements ? Selon notre PEC, le Plan d’Etude Cadre – notre bible en tant qu’EDE – : ( Ortra et al., 2008, p.8) : « L’EDE encourage et valorise la tendance naturelle des enfants à la rencontre avec les autres, le partage, l’échange des connaissances et l’exploration. Il-elle soutient l’enfant dans son développement et l’acquisition de ses compétences selon son rythme propre et dans son intégration sociale ». Les EDE ont un rôle à tenir dans le développement social des enfants en crèche et c’est ce que je souhaite montrer au sein de notre travail. Je trouverais également intéressant d’aller à la rencontre des parents et de partager leurs points de vue sur le sujet de la socialisation de leur enfant. De plus, ce travail me permettrait de valoriser les bénéfices de la crèche sur l’enfant et ainsi être capable de partager mon point de vue avec certains habitants de la commune qui sont contre le système de garde qu’est la crèche.
L’enfant et son contexte
Au sein des crèches, nous sommes en prise directe avec l’évolution des enfants. Si l’on veut les accompagner au mieux dans leur développement, il est essentiel que les EDE les suivent d’une manière systémique : prendre en compte tout ce qui entoure l’enfant (famille, environnement et divers contextes) car ces facteurs influencent l’enfant de différentes manières et inversement. Connaître le contexte familial et l’enfant nous aide à comprendre certaines situations et à mener pleinement notre accompagnement.
Aussi, « Le milieu familial est d’une importance prépondérante pour l’enfant dans la mesure où il est le lieu des premières relations et des premiers apprentissages. Le milieu familial remplit trois fonctions principales : assurer la survie du nouveau-né, son développement et préparer son insertion dans les institutions et groupes sociaux. Les conceptions et attitudes éducatives parentales influenceront profondément et durablement le devenir de l’enfant ». (Baudier [et al.], 2010, p.129) .
Il y a de nombreuses caractéristiques influençant la socialisation des enfants tels que la fratrie, le style éducatif, le niveau socioculturel de la famille et bien sûr l’enfant luimême selon son profil de comportement, ses compétences sociales mais aussi son sexe et son tempérament, etc. Sa socialisation dépend des expériences que nous lui permettons de vivre. Je décrirai en bref certaines de ces influences. Cependant, je souhaite mettre en garde que celles-ci ne sont que des constatations et que ce ne sont en aucun cas des généralités.
• L’enfant à l’intérieur de sa fratrie
Il paraît évident qu’un enfant vivant déjà avec d’autres enfants vit avec eux les prémisses de sa socialisation. Sa fratrie et ses parents constituent son premier groupe d’appartenance. Avoir des frères et/ou sœurs lui permet de vivre, très tôt, des relations et des situations relationnelles variées. Les relations et interactions sont plus riches lorsqu’une triade existe. Par exemple, selon une observation (Beaumatin [et al.], 2004, pp. 164-165) faite sur des enfants uniques avant et après la naissance du cadet, il s’avère que ces enfants chercheront davantage d’interactions avec leur mère dans les moments où celle-ci s’occupe du nouveau-né. De plus, le fait que les parents focalisent leur attention sur le nouveauné crée chez l’enfant de la jalousie. Cette jalousie fraternelle est importante, selon Rufo cité dans le livre (Baudier [et al.], 2010, p.127), afin que l’enfant se construise et se surpasse. Bien sûr, cette jalousie peut exister entre chaque enfant d’une fratrie .
1. Introduction |