Les effets de mise forme et d’orientation cristalline

Structure cristalline des barreaux injectés

Dans cette partie préliminaire, nous présentons quelques observations de microscopie donnant un aperçu de la structure de nos échantillons. Pour tous les systèmes renforcés de polyamide-12 de cette étude, les barreaux de choc injectés sont constitués, dans des proportions variables, de trois zones : un cœur (C) globalement isotrope, une large zone intermédiaire (I) orientée selon les lignes d’écoulement de l’injection et une peau (P) très orientée d’environ 100-200 µm d’épaisseur. Ces régions apparaissent distinctement sur les photos de la Figure 77 obtenues par microscopie optique entre polariseurs croisés. Cette structure macroscopiquement hétérogène reflète les écoulements et les gradients de température subis par la matière lors de son entrée dans le moule.
La matière qui pénètre dans le moule est fondue à des température de l’ordre de 250°C (cf. Annexe A1). Au contact des parois froides du moule (40°C), les chaînes de polymère subissent des étirements importants et n’ont pas le temps de relaxer. Elles se figent dans cette conformation étirée formant ainsi une peau très orientée. Toutefois, les polymères diffusent mal la chaleur et la matière située au cœur des barreaux met nettement plus de temps à refroidir. Leur diffusivité thermique est typiquement de l’ordre de 10-7 m2 /s. Dans le cas présent, (température de la matière de 250°C et paroi du moule à 40°C), la résolution de l’équation de la chaleur pour un milieu immobile indique qu’il faut environ 10 s pour que la température de cristallisation du polyamide-12 (~150°C) soit atteinte à 1 mm de la paroi.
Cette valeur est à mettre en relation avec les temps typiques de désenchevêtrement des chaînes qui sont ici de l’ordre de 10-1-10-2 s.137 Ainsi, pour des épaisseurs de barreaux importantes, les chaînes peuvent reprendre une conformation en pelote avant de cristalliser de façon isotrope en formant des sphérolites. Entre la peau et le cœur, des comportements intermédiaires se produisent où les chaînes ne disposent pas d’un temps suffisant pour relaxer complètement et cristallisent en gardant en partie de leur conformation étirée. A cette compétition entre cristallisation et relaxation des chaînes s’ajoute le phénomène de cristallisation induite par les écoulements qui peut jouer un rôle important.
Cet effet des écoulements provient du fait que l’étirement des chaînes facilite leur cristallisation: les chaînes étirées sont dans une configuration proche de celle dans l’état cristallisé141 et les barrières cinétiques à franchir pour la cristallisation sont moins importantes que dans une configuration en pelote statistique. L’orientation des cristallites ainsi formés est alors fortement corrélée à la direction des écoulements. Sur la Figure 78, nous avons fait tourné l’orientation de la polarisation. Les zones les plus lumineuses se déplacent suggérant que l’orientation cristalline de la région intermédiaire suit les lignes d’écoulement lors de l’injection. Il est difficile de relier simplement les observation en lumière polarisée à une orientation des chaînes toutefois le déplacement des zones lumineuses reproduit qualitativement les écoulements fontaines typiquement observés lors de l’injection des polymères.
Les observations de la Figure 77 révèlent également des différences importantes entre le polyamide pur et les systèmes renforcés. La peau des systèmes renforcés est plus épaisse et la texture cristalline plus fine. Ceci apparaît de façon plus évidente sur la Figure 79 avec des observations en contraste de phase143 . On y voit l’évolution de la structure cristalline selon l’épaisseur lorsque l’on passe d’un bord au cœur d’un barreau. Dans le polyamide-12 pur (Figure 79a), on distingue une première région située juste sous la peau (1) où l’organisation cristalline semble fortement orientée formant des lignes inclinées à 45° avec la surface du barreau. Dans une deuxième région (2), l’orientation semble plutôt être parallèle à la direction d’injection et la texture devient de plus en plus grossière au fur et à mesure que l’on s’approche du cœur. Enfin, la région restante qui constitue la majorité du barreau est formée d’une structure sphérolitique où les sphérolites font quelques µm de diamètre. Ces sphérolites sont eux-même sensiblement orientés et font apparaître des lignes d’écoulement.

Sensibilité à l’effet de peau

Les fibres très orientées de polyamide sont extrêmement résistantes lorsqu’elles sont soumises à une traction dans la direction d’orientation des chaînes.144 C’est aussi le cas de la peau orientée des barreaux injectés lors d’un test de choc Charpy. Pour certaines pièces injectées de faible épaisseur, le comportement mécanique particulier de la peau influence significativement le comportement de l’ensemble de la pièce et ne peut plus être négligé.145 Il est donc important de savoir dans quelle mesure une telle peau peut influencer l’amorçage et la propagation d’une fissure afin d’interpréter correctement les résultats de choc. Pour cela, nous avons réalisé des entailles latérales qui permettent de ne plus solliciter la peau lors des tests.
Les systèmes étudiés sont ceux des chapitres 4 et 5 pour les compositions suivantes :
• Polyamide-12 AESNO pur (PA12)
• Polyamide-12 renforcé par 10 et 20% de copolymère SBM.
• Polyamide-12 renforcé par 10 et 20% de copolymère réactif EPRm.

La technique des entailles latérales

En effectuant des entailles latérales suffisamment profondes de part et d’autre des barreaux comme illustré sur la Figure 82, il est possible de ne plus solliciter la peau lors de l’impact. De telles entailles ont été réalisées sur une profondeur d’environ 250 µm avec la même géométrie que l’entaille « standard » : angle d’ouverture de 45° et rayon de courbure de 0.25 mm. D’après les observations en microscopie optique présentée sur la Figure 77 cette profondeur d’entaille est suffisante pour traverser la peau.
Avant d’interpréter les résultats des test de choc, il est essentiel de noter que les entailles latérales entraînent aussi un changement de la géométrie de l’échantillon.146 Lors d’un choc sur un barreau sans entailles latérales, la matière située au voisinage des faces libres et celle située dans l’épaisseur de l’échantillon ne subissent pas les mêmes états de contrainte. Au voisinage des faces libres, aucune contrainte ne s’applique selon la normale aux faces. La matière est dans un état dit de « contrainte plane ». Au contraire, au cœur de l’échantillon, les déplacements selon la normale aux faces sont limités et les contraintes sont distribuées dans toutes les directions. La matière est dans un état dit de « déformation plane ».
En contrainte plane, les niveaux de cisaillement en tête d’entaille sont plus élevés et la déformation plastique s’étend dans un plus grand volume qu’en déformation plane. Ceci apparaît clairement sur la Figure 83a montrant les zones plastiques en tête d’entaille calculées pour ces deux états.147 Pour une rupture ductile, la déformation plastique est plus étendue et donc la dissipation d’énergie plus importante près des faces libres comme illustré sur la Figure 83b.
En présence d’entailles latérales, les déplacements latéraux selon la normale aux faces libres sont empêchés par les tranches de matière non-sollicitée situées de chaque côté du barreau. Les zones en contrainte plane privilégiant la déformation plastique sont supprimées et l’ensemble de l’échantillon se trouve en état de déformation plane. Ainsi, la présence d’entailles latérales génère des conditions d’impact plus sévères. L’énergie dissipée avec une telle géométrie est de toute façon plus faible qu’avec la géométrie standard, que la peau ait un effet ounon.

Cas des échantillons recristallisés

Les travaux présentés dans le chapitre 5 montrent qu’un traitement thermique permet d’obtenir des barreaux recristallisés macroscopiquement isotropes et ne présentant plus de peau. Afin de préciser les interprétations précédentes et déterminer le rôle éventuel de la peau, les essais avec entailles latérales ont aussi été réalisés sur des barreaux recristallisés. Les résultats obtenus sont reportés sur la Figure 90.

Sensibilité à l’orientation cristalline

En prélevant des barreaux dans des plaques injectées, il est possible de faire varier la direction de sollicitation par rapport à la direction d’injection pour mettre en évidence la sensibilité des propriétés mécaniques à l’orientation cristalline des polymères semi-cristallins. Par exemple, les travaux de Schrauwen et al.134 illustrés sur la Figure 91 montrent que des barreaux de HDPE non renforcé prélevés dans des plaques injectées ont un comportement ductile lorsque l’impact est perpendiculaire à la direction d’injection et fragile lorsqu’il est parallèle. Nous appliquons ici cette technique à des systèmes renforcés de polyamide-12 afin d’étudier la sensibilité du renforcement à l’orientation cristalline.

Résultats

Morphologie des dispersions

Pour relier les éventuelles variations de propriétés mécaniques à des changements d’orientation cristalline, nous nous sommes assurés que les particules sont dispersées de façon homogène au sein d’une même plaque. Pour cela, la dispersion de particules de SBM a été observée par MET en différents endroits d’une plaque et caractérisée par la méthode d’analyse d’image présentée au chapitre 3. Des films ultraminces sont prélevés près (A) et loin (C) du seuil d’injection, au centre de la plaque (B) et près d’un bord latéral (D) comme illustré sur la Figure 93. Ces coupes sont prises au cœur de la plaque et dans un plan perpendiculaire à la direction d’injection.
Les résultats des observations et de l’analyse d’image montrent que les distributions en taille en chacun des endroits étudiés sont comparables. De la même façon, des mesures faites en A sur des films coupés parallèlement à la direction d’injection ne révèlent pas de différences importantes ni sur la taille ni sur la forme des particules (cf. Figure 94). La dispersion des particules est donc relativement homogène et isotrope dans l’ensemble d’une plaque injectée.

Orientation cristalline

L’organisation cristalline des plaques est caractérisée par des mesures de diffraction des rayons X aux grands angles (WAXS) décrites dans l’annexe A1. Cette technique met en évidence l’organisation locale des chaînes et les éventuelles orientations cristallines des échantillons. Des mesures de diffraction ont été effectuées en différents points A, B, C et D des plaques injectées comme indiqué sur la Figure 95a. Un cliché typique est reproduit sur la Figure 95b.
Ce cliché révèle trois anneaux caractéristiques de la phase cristalline γ pseudohexagonale du polyamide-12 qui correspond à un arrangement des chaînes représenté sur la Figure 96. Nous mesurons les paramètres de maille suivants : a = 4.87 Å, b = 32.2 Å (axe de fibre), c = 9.38 Å et β = 121.5° qui sont identiques à ceux déjà identifiés dans la litérature148 . Les deux anneaux les plus proches du centre correspondent aux deux ordres de diffraction (020) et (040) entre les plans perpendiculaires à l’axe des chaînes (b). Le troisième anneau le plus intense indexé par (001),(200) correspond en réalité à la superposition des diffractions entre les plans (001), (200) et (201) qui contiennent les chaînes et du halo de diffraction produit par les chaînes dans les régions amorphes.

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