Les effets de la ligne à grande vitesse sur les territoires traversés

L’IMPACT ECONOMIQUE

Qu’il s’agisse d’effets positifs ou négatifs, il est évident que la ligne à grande vitesse a eu, pour les régions Bretagne et Pays de la Loire, une incidence sur l’emploi (§1) ainsi que sur la compétitivité des entreprises et sur le tourisme (§2).

L’emploi

Dans un contexte économique difficile, les acteurs de la ligne à grande vitesse notamment régionaux, espéraient, grâce à ce projet relancer le marché du travail. S’il est évident que des besoins humains importants ont été nécessaires en phase de construction (A), le devenir de ces emplois une fois le chantier achevé reste incertain (B).

La phase de construction

La formation. Dans le cadre du contrat de partenariat signé entre SNCF Réseau et Eiffage Rail Express, le titulaire du contrat est aussi le maître d’ouvrage de la ligne. Afin de réaliser la conception et la construction de la LGV, il a fallu trouver des moyens humains. La plupart des métiers nécessaires à la réalisation du chantier existaient déjà au sein du Groupe Eiffage. En effet, le groupe est composé de quatre branches, à savoir Eiffage construction, Eiffage infrastructures avec notamment les métiers du génie civil, Eiffage énergie et enfin Eiffage concessions. Toutefois, du fait de l’ampleur du projet et des besoins en moyens humains, le maître d’ouvrage a eu recours à la formation. La priorité a été donnée aux personnes non qualifiées pour ces travaux et localisées dans les alentours des chantiers. Pour se faire, un dispositif a été mis en place par CLERE, la filiale du groupe Eiffage en charge de la conception et de la construction de la LGV, en partenariat avec Pôle Emploi. Des formations expresses ou des alternances, financées par les régions, ont été proposées à des personnes en insertion professionnelle ou sans emploi, dans le domaine des travaux publics. Selon les chiffres donnés par Eiffage Rail Express, 800 recrutements locaux ont été réalisés dont 200 en Bretagne et 600 en Pays de la Loire, principalement dans les domaines du génie civil et du terrassement.
La sous-traitance locale. Compte tenu des besoins en main d’œuvre que représente le projet de ligne à grande vitesse Bretagne-Pays de la Loire, le maître d’ouvrage a eu recours à la sous-traitance, soit parce que le personnel du groupe n’était pas suffisant, soit que la qualification recherchée n’existait pas au sein du groupe. Eiffage Rail Express s’est alors engagé à sous-traiter 8% des travaux à des entreprises autres que celles du groupe et de préférences de très petites et petites entreprises locales. Ainsi, des sociétés locales ont été sollicitées par exemple en matière de terrassement. Il s’agit de l’opération consistant à modifier le relief du terrain pour permettre la construction des ouvrages ou de l’installation ferroviaire en elle-même. C’est une entreprise bretonne qui a réalisé le terrassement du 1er lot du chantier dans la région de Rennes. Finalement, l’engagement du maître d’ouvrage a été respecté puisque ce sont, non pas 8%, mais 30% des travaux qui ont été soustraités à des entreprises autres que des filiales du Groupe Eiffage.
La phase de construction a généré environ 10 000 emplois tous métiers confondus. Cependant, la question du devenir de ces emplois après la mise en service commerciale de la ligne se pose.

L’après chantier

La maintenance et l’entretien de la ligne. Le titulaire du contrat de partenariat a livré à SNCF Réseau le 15 mai 2017 la ligne à grande vitesse BretagnePays de Loire. Se pose alors la question du devenir des emplois créés pour les besoins du chantier en phase de conception et de construction de la ligne. Eiffage Rail Express a alors indiqué que des moyens humains seront encore nécessaires durant la phase d’exploitation de la ligne. En effet, le titulaire du contrat de partenariat, durant cette phase, est responsable de l’entretien et de la maintenance de la ligne. Ainsi en 2015 et 2016 une centaine de recrutements ont été effectués dans ces domaines111.
Une délocalisation probable du personnel formé en phase de construction.
Concernant le devenir des emplois créés pendant le chantier de la ligne à grande vitesse, les acteurs du projet mettent en avant la formation et l’insertion professionnelle. Cependant, peu d’informations sont disponibles sur le devenir des personnes formées. Marc LEGRAND, Président d’Eiffage Rail Express, affirme que, dès que les conditions le permettront, ces personnes seront embauchées au sein du Groupe Eiffage112. Cependant, il ne semble pas possible de pouvoir proposer à ce nouveau personnel qualifié un emploi dans leur département ou région d’origine. Il semble probable que si des propositions d’embauche seront faites, celles-ci impliquent une délocalisation au gré des chantiers du Groupe. Outre le chantier de la ligne à grande vitesse en lui-même, l’impact de ce projet se mesure également sur les entreprises et activités touristiques des régions concernées.

L’accroissement du tourisme

Préservation du territoire pendant les travaux. Lors de la phase de chantier, de nombreux aménagements ont été réalisés afin de préserver le patrimoine, les activités de loisir comme les pistes de VTT par exemple et les paysages. En effet, le gain de temps était l’objectif principal du projet, néanmoins il ne doit pas se faire audétriment de l’environnement et des infrastructures présentes sur les territoires traversés. L’objectif est que la région Bretagne reste attractive et attire davantage de touristes une fois la ligne mise en service. Ainsi de nombreuses fouilles archéologiques mises en œuvre par Eiffage Rail Express avant et pendant les chantiers ont permis de préserver le patrimoine archéologique. Il convient de rappeler que selon l’article L 531-14 du Code du patrimoine, toute « découverte fortuite » doit faire l’objet d’une déclaration immédiate auprès de la commune. Par ailleurs, des mesures relatives au tourisme ont été prises suite aux travaux. Par exemple, les chemins pédestres ont été rétablis ou déviés, aussi, des indemnités ont été prévues pour les propriétaires d’infrastructures de loisirs ayant subi une perted’activité durant les travaux de la ligne.
Les effets suite à l’ouverture de la ligne. Une importante campagne de publicité intitulée « Passez à l’ouest » a été financée et diffusée par la région Bretagne à compter du mois de mars 2017. En effet, dans pratiquement toutes les gares bretonnes des affiches décrivant les atouts de la région sont visibles. Largement relayée sur les réseaux sociaux, cette campagne évoquait « La Bretagne à 1h30 de Paris ». Selon le Groupe SNCF, les réservations des billets de trains sur le site internet Voyagesncf.com pour la Bretagne aurait augmenté de 20% à l’été 2017114. Il est certain que le gain de temps réalisé depuis Paris va permettre d’attirer des voyageurs pour de courtes durées comme les week-ends et petites vacances scolaires.
Au regard du nombre de voyageurs descendants dans les gares bretonnes par le train en provenance de Paris du vendredi soir, et notamment dans les gares de Lamballe et Saint-Brieuc, il semble que le pari soit gagné. Ainsi, à la descente, sur le train direct Paris-Saint-Brieuc arrivant aux alentours de 21h, il était possible de décompter plus d’une centaine de voyageurs à la descente. Cependant, l’objectif pour les grandes villes touristiques bretonnes, comme Vannes par exemple, va maintenant être de réaliser sur le long terme des aménagements sur l’offre hôtelière ou encore concernant les espaces publics.
La poursuite de la ligne à grande vitesse à l’Ouest lancée en 1989 avec l’arrivée du TGV Atlantique, a eu pour effet de désenclaver la Bretagne et a participé à son développement économique. Cette tendance devrait se poursuivre dans les prochaines années. Néanmoins, ces avancées techniques doivent aussi être appréhendées vis-à-vis du développement durable et de l’environnement en général.

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L’IMPACT ENVIRONNEMENTAL ET SOCIETAL

Les signataires du contrat de partenariat ont exprimé et manifesté leur volonté de construire ensemble une infrastructure ferroviaire respectueuse de l’environnement.
Ces efforts, qui ont déjà fait l’objet de développements, doivent être désormais analysés du point de vu des riverains de la ligne à grande vitesse (§1) ainsi que des usagers quotidiens des lignes régionales (§2).

Les riverains de la ligne à grande vitesse

Depuis la mise en œuvre des études d’avant-projet, des revendications concernant la construction de la ligne à grande vitesse ont émergé. L’une des plus récurrentes concerne l’acoustique dans les campagnes traversées par le tracé (A). Ces revendications ne s’arrêtent pas à la ligne à grande vitesse Bretagne-Pays de la Loire. Un mouvement « anti LGV » (B) est en train de se développement notamment dans le Sud Ouest.
Le point de vu des riverains. Il semble que les riverains de la ligne à grande vitesse estiment que les engagements qui avaient été pris n’ont pas été respectés. En témoigne une pétition lancée le 21 juillet 2017 par un groupement d’associations bretonnes. Les revendications portent principalement sur les nuisances sonores et les vibrations causées par le passage des trains sur la LGV. Ils demandent la prise en compte des pics sonores ainsi que la dévaluation foncière subie par leur habitation.
En effet, leur bien immobilier est désormais situé à proximité d’une LGV, la perte de valeur est donc importante. Cet impact sur l’immobilier n’a pas été pris en compte par les acteurs du projet dans le cadre des indemnités d’expropriation. La pétition a été signée par plus de 300 personnes à ce jour. Les témoignages de riverains évoquent également, en plus de nuisances sonores allant jusqu’à 80 décibels, l’augmentation de la fréquence de trains à grande vitesse passant à proximité de leur habitation. Les élus des communes traversées ainsi alertés par de nombreuses réclamations de riverains, en ont fait part aux services de l’État. Il semble en effet que les mesures anti bruit prévues soit insuffisantes et que l’entretien des abords de la ligne ne soit pas entretenus. C’est ainsi qu’au mois de septembre 2017 a été prévue une rencontre avec le maître d’ouvrage afin de trouver un consensus et remédier aux nuisances sonores.
Ces revendications régionales ne concernent pas que les régions Bretagne et Pays de la Loire. Les projets ferroviaires prévus dans le Sud Ouest de la France risquent, du fait de l’action des associations et particuliers, d’être compromis.

Le développement du mouvement des antis LGV

Le cas du Sud-ouest. Nuisances sonores, dévaluation de l’immobilier, perte d’activité, les revendications « anti LGV » se multiplient et dépassent les Régions Bretagne ou Pays de la Loire. Dans la région de Bordeaux, au mois de juin 2016, la fédération des sociétés pour l’étude, la protection et l’aménagement de la nature dans le Sud-ouest a saisi le Conseil d’État. Les revendications portaient sur le tracé de la ligne à grande vitesse Bordeaux-Toulouse. La modification de l’environnement était susceptible d’impacter les vignobles alentours. Ainsi les associations et particuliers demandaient la prise en compte de ces données par le maître d’ouvrage de la ligne. Finalement, le Tribunal Administratif de Bordeaux a fait annuler au mois de juin 2017, l’arrêté préfectoral déclarant le projet de ligne à grande vitesse au sud de Bordeaux d’utilité publique. Des éléments comme un bilan négatif tant économique qu’écologique ou encore l’endettement du Groupe SNCF expliquent cette décision.
Explications. La construction des lignes à grandes vitesse s’inscrit dans une politique de développement durable, dans une stratégie nationale vers une économie verte. Les gains de mobilité réalisés entre les grandes villes ne doivent pas se faire au détriment des « petites gares » ou des communes traversées. Professionnels, touristes, travailleurs quotidiens et agriculteurs doivent, s’ils n’en tirent pas de bénéfice, pouvoir continuer leur activité sans encombre dans les mêmes conditions qu’auparavant. Ainsi, l’émergence du mouvement « anti LGV » en France est ancien.Pour ce qui est du projet de LGV Bretagne-Pays de la Loire, il a débuté en 2000 lors des études menées pour sa mise en œuvre. Cependant, la multiplication des revendications qui souvent viennent des campagnes traversées par les LGV démontre un déséquilibre des intérêts. L’action des opposants à la LGV a même aboutie, dans le Sud-ouest, preuve que leurs revendications sont fondées. L’impact de la ligne à grande vitesse n’a pas affecté que les riverains situés dans les communes traversantes. Les travailleurs ou les scolaires empruntant les lignes régionales au quotidien ont vu leurs habitudes modifiées.

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