Les dynamiques de coopération dans le projet du Jardin des Deux Rives
Le schéma ci-dessous représente les dynamiques de coopération dans le projet du Jardin des Deux Rives. A travers une schématisation chronologique des initiatives françaises, allemandes et binationales, il vise à qualifier les relations de coopération entre les acteurs dans l’élaboration des trois projets que sont le jardin, la passerelle et le festival. Dans le schéma ci-dessus, il apparait qu’entre mars 1995 et mars 2001 la majorité des initiatives ont été binationales. En effet, après que l’idée d’un jardin commun soit apparue au sein des conseils municipaux de chacune des deux villes, un grand nombre d’actions ont été menées conjointement. Les phases de programmation et de conception du jardin et de la passerelle ont fait l’objet d’une coopération accrue de part et d’autre de la frontière, entre les élus (consensus sur le choix du projet), les techniciens (élaboration conjointe du cahier des charges pour l’aménagement du jardin) et la société civile (participation à des colloques de réflexion sur la programmation du jardin). Cependant, la mise en place en septembre 2000 à Kehl, de la société « Landesgartenschau Kehl 2004 Gmbh » illustre le fait que les villes de Kehl et Strasbourg n’envisageaient pas de créer un comité de pilotage binational pour l’organisation des festivités de la Landesgartenschau. Ceci peut s’expliquer par des motifs culturels puisque la Landesgartenschau est une fête traditionnelle allemande, et qu’ainsi la société mise en place était constituée de professionnels spécialisés dans cet évènement. Durant la période considérée, les seules autres initiatives monopartites ont été les validations aux conseils municipaux des APS et APD. L’impossibilité de mettre en place une maîtrise d’ouvrage commune a justifié le recours aux logiques nationales pour la prise de décision. Les phases de programmation et de conception ont ainsi été marquées par une coopération entre toutes les catégories d’acteurs qui a abouti sur la réalisation de plans d’aménagement communs.
la coopération comme outil nécessaire à la sortie de conflit
La période de mars 2001 à février 2003 regroupe les phases de nouvelle conception de la passerelle et de la rive française du jardin, ainsi que les études d’APD de la passerelle et du jardin français. Le tableau ci-dessus montre que de mars 2001 à février 2003, le projet a majoritairement été conduit par des initiatives françaises, ce qui illustre le fait que la volonté de modification des plans d’aménagement ait été initiée par la municipalité strasbourgeoise. Ce constat traduit également l’inégal rapport de force entre les parties prenantes puisque le nouveau travail de conception a été mené entre les décideurs politiques français et les techniciens uniquement. Après l’établissement des nouveaux plans, ceux-ci ont été soumis aux kehlois. L’étude menée dans la partie précédente montre que cette période a été marquée par divers conflits entre les acteurs. Entre septembre 2001 et octobre 2002, des accords binationaux ont été conclus illustrant la nécessité de coopération entre les parties prenantes pour la sortie de conflit par l’établissement d’un consensus. Après la validation de l’APD de la passerelle par les conseils municipaux des deux villes, le temps des initiatives allemandes a repris puisque la ville de Kehl était maître d’ouvrage. Cette période a été marquée par une réduction du « degré de coopération » entre les acteurs. La coopération a majoritairement été d’ordre politique bien que des revendications de la société civile aient conduit les militants à coopérer afin de gagner en crédibilité.
Le tableau ci-dessus montre que les phases de réalisation du jardin, de la passerelle et du festival ont été menées de manière indépendante de part et d’autre de la frontière. En effet, bien que supervisés par le cabinet allemand Brosk, les aménagements paysagers ont été réalisés par des entreprises et/ou services techniques différentes pour chacune des deux rives. De plus, la réalisation des aménagements paysagers et l’organisation du Festival des Deux Rives n’ont pas été menées simultanément comme l’illustre le titre d’un article des Dernières Nouvelles d’Alsace « Deux rives, deux rythmes »2. Alors que les aménagements de la rive allemande ont commencé en février 2001 ceux de la rive française ont commencé en novembre 2002. Ceci est dû notamment à la modification des plans d’aménagement de la rive française. De même, la maîtrise d’ouvrage de la passerelle ayant été confiée à la ville de Kehl, le suivi des travaux a été assuré unilatéralement. Enfin, l’organisation du festival initiée en septembre 2000 côté allemand, a débuté en avril 2003 à Strasbourg et a été gérée par deux organes différents (la société privée « Landesgartenschau Kehl 2004 » et la mission du Festival des Deux Rives à la Communauté Urbaine de Strasbourg). La ville de Strasbourg a effectué l’organisation du festival en régie « ce qui est un cas unique en France »3 et a commencé seulement « un an et un jour »4 avant l’ouverture. Ceci s’explique notamment par le fait que « le désir de l’organisation du festival par les élus était mesuré pour ne pas dire plus »5. « C’est une opération qui, compte tenu de sa dimension, aurait nécessité plus de trois ans de travail »6. Ainsi, la mission strasbourgeoise «a fait les choses au jour le jour »7 ce qui explique le manque de coopération entre les techniciens de part et d’autre de la frontière. De plus, la coopération entre les deux structures a été délicate : « On a eu beaucoup de difficultés à travailler ensemble parce qu’il y avait des tensions politiques assez fortes à l’époque»8. La fréquence des réunions de coordination était « en dents de scie » mais « entre techniciens il y avait la volonté de réussir une belle manifestation pour le public et une belle manifestation transfrontalière». Ainsi, la période de réalisation du projet du Jardin des Deux Rives n’a pas été l’objet de coopérations politiques importantes ce qui a conduit à une scission dans la phase de réalisation : un projet, deux jardins. Cependant, l’envergure et la symbolique du projet ont été des éléments moteurs à la coopération entre techniciens malgré les obstacles existants.