Les données de surface et de stock de bois sur pied des forêts françaises
Introduction
L’étude de la dynamique de la surface et du stock sur pied des forêts françaises a été réalisée à partir de deux ensembles de données : les données de l’inventaire forestier national (IFN) et celles de statistiques anciennes de la fin du XIXème siècle et du début du XXème siècle (statistiques agricoles de 1892 et 1929 et statistique Daubrée de 1908). Les données de l’IFN ont connu une rupture majeure de plan de sondage, passant d’un inventaire départemental décennal et désynchronisé depuis 1961 jusqu’à 2005 à un inventaire national systématique annuel par la suite (Hervé et al., 2014 ; IGN, 2014). Cette multiplication des sources des données et de méthodes a nécessité un important travail d’appropriation et d’homogénéisation de ces données. Pour analyser la localisation des changements étudiés, nous avons décidé de travailler soit à l’échelle départementale, soit à celle des régions écologiques identifiées par l’IFN (Grandes Régions ECOlogiques ou GRECO ; IFN, 2011a). Alors que l’échelle départementale apporte une précision spatiale plus importante (90 départements IFN contre 11 GRECO), les GRECO ont l’avantage de présenter une homogénéité d’un point de vue climatique, géologique et topographique (Cavaignac, 2009) et ainsi permettre d’étudier l’effet de ces facteurs sur l’expansion. Cependant, les limites de ces régions ne correspondent pas à celles des départements et une analyse par GRECO n’est donc pas envisageable avec l’inventaire départemental de l’IFN, au moins dans une première période (1961-1982) où les coordonnées géographiques exactes des points d’inventaire ne sont pas documentées, et où on ne possède d’information que pour le département d’appartenance. Un travail de rattachement de chaque département à une GRECO a donc dû être effectué. Le changement de méthode de l’IFN a également entraîné des changements au niveau de la définition des surfaces forestières. Il est important de bien comprendre ces changements pour utiliser de façon appropriée les deux jeux de données, avant et après 2005, conjointement. Dans ce chapitre, nous présentons dans un premier temps les différentes données utilisées et leur homogénéisation. Ensuite, deux études préliminaires sur les données sont introduites : le rattachement des départements aux GRECO et l’analyse des changements de surface entre les deux méthodes d’inventaire.
Présentation des données
Deux types de données ont été utilisées pour nos études : les données de l’IFN (depuis 1961) et des données provenant de statistiques anciennes (statistiques agricoles de 1892 et 1929 et statistique Daubrée en 1908). Nous présentons tout d’abord les différents types de données utilisées puis la façon dont ces données ont été homogénéisées pour permettre une lecture séculaire des phénomènes de dynamique forestière.
L’inventaire forestier national
La mission d’inventaire forestier a été créée en 1958 sur ordonnance du Général de Gaulle et a été initiée en 1961, avec le département de la Gironde. L’inventaire forestier a pour mission d’inventorier de façon permanente l’ensemble des ressources forestières françaises publiques et privées. Il apporte une connaissance à la fois de la surface des forêts françaises mais aussi du stock sur pied et de la production des forêts. Seule la forêt dite de production (i.e. forêt dont le terrain permet la production de bois et dont rien n’empêche la production) a été prise en compte dans notre étude. Cette forêt représente actuellement 95% de la surface forestière totale (16 millions d’hectares).
Méthodes d’inventaire et bases de données
L’inventaire, basé sur des placettes temporaires, a été, dans un premier temps, départemental (« ancienne méthode » ou AM ; Figure 2.1), chaque département étant inventorié de façon indépendante et non-synchrone environ tous les 10 ans. Il est devenu national (« nouvelle méthode » ou NM) en 2005. Un seul inventaire départemental AM a été effectué après 2004 (inventaire du département du Loiret en 2006). Afin d’étendre au maximum la période d’étude, une base de données informatique ancienne, appartenant à l’AM, relative aux premiers cycles de l’inventaire forestier et remontant jusqu’en 1971 (dit base « archéodendro ») a été mobilisée, ainsi que des tableaux de résultats départementaux standards (dite base « paléodendro ») depuis l’origine (1961 ; Tableau 2.1). Dans le cadre de cette thèse, aucune information de composition provenant de ces données anciennes n’a pu être utilisée.
La définition de la forêt et son évolution
Avant 2005, était considérée comme « formation boisée » toute formation végétale 1) occupant une superficie d’au moins 5 ares, 2) ayant une largeur en cime d’au moins 15 m, 3) étant soit « constituée de tiges recensables (diamètre à 1,30 m supérieur ou égal à 7,5 cm) dont le couvert apparent (projection de leurs couronnes sur le sol) est d’au moins 10% de la surface du sol » ou présentant « une densité à l’hectare d’au moins 500 jeunes tiges non recensables (plants, rejets, semis) vigoureuses, bien conformées et bien réparties » dont la hauteur à maturité in situ est de 7 m (IFN, 1985). A l’intérieur de ces formations, une différence était opérée entre forêts, boqueteaux et bosquets (Tableau 2.2). Les premières ont une surface supérieure à 4 ha et une largeur en cimes d’au moins 25 m. Les deuxièmes ont une surface entre 50 ares et 4 ha et une largeur moyenne en cimes supérieure à 25 m. Les derniers ont une surface comprise entre 5 et 50 ares et une largeur moyenne en cime supérieure à 15 mètres, et ne présentent pas de limite de surface quand leur largeur ne dépasse pas 25 m. Lors de la mise en œuvre de la nouvelle méthode, l’IFN a adopté la définition internationale de la forêt définie par la FAO (FAO, 2004) comme étant un « territoire couvert à plus de 10% par des arbres (végétaux ligneux capables d’atteindre au moins 5 m à maturité in situ), d’une superficie d’au moins 50 ares et de plus de 20 m de large » (IFN, 2008). A ce titre, les bosquets (surface comprise entre 5 et 50 ares) ne font plus partie de la forêt. Cependant, on notera la très grande proximité existant entre cette définition actuelle, et la définition des boqueteaux et forêts de l’ancienne méthode d’inventaire, laissant supposer un lien entre inventaire français et définition FAO, sans que nous ayons pu formellement l’identifier. Cela favorise en effet grandement l’homogénéisation des données entre méthodes d’inventaire.
L’opération d’inventaire
Ancienne méthode
Avant 2005, un inventaire départemental était effectué en 3 à 5 ans. Il était composé de deux phases distinctes (Figure 2.2) : – Un Sondage systématique sur photographies aériennes avec photo-interprétation des formations à inventorier (phase 1). Cette phase donne une première estimation de l’importance de chaque formation, et classer les points de sondage en points forestiers ou non. – Un contrôle au sol (sous-échantillonnage) des classements de la phase 1 et un inventaire au sol des points appartenant à des formations forestières de production (description de la station et des arbres ; phase 2).
Nouvelle méthode
Depuis 2005, l’ensemble du territoire est couvert selon un échantillonnage systématique se basant sur une grille de mailles carrées de 1 km de côté. Chaque année, un dixième du réseau est parcouru (1 point tous les 10 km², Figure 2.3). La grille est fractionnée en deux sousgrilles, formant ainsi deux sous-ensembles quinquennaux. Ainsi, le territoire est inventorié de façon uniforme dans le temps et l’espace. Chaque fraction annuelle comporte environ 6 000 points d’inventaire de phase 2, levés sur le terrain.
Levés de terrain
Le levé de terrain est composé d’une description du peuplement (structure, composition, etc.) sur une placette de 25 m de rayon, d’un relevé floristique à l’intérieur d’un cercle de rayon de 15 m, d’une description du sol au centre de la placette et de l’inventaire et la mesure des arbres sur des placette de 6 m (pour les arbres dont le diamètre à 1,30 m est compris entre 7,5 et 22,5 cm), 9 m (pour les arbres dont le diamètre à 1,30 m est compris entre 22,5 et 37,5 cm) et 15 m de rayon (pour les arbres dont le diamètre à 1,30 m est supérieur à 37,5 cm ; Figure 2.4). Des nombreuses mesures ou caractéristiques sont relevées sur les arbres. Parmi celles-ci, on peut retenir : – l’essence de l’arbre. Dans le cas général, l’essence désigne une espèce d’arbre forestier mais elle peut également faire référence à une sous-espèce ou variété présentant un intérêt particulier ou bien à un groupe d’espèces (exemple : « autre feuillu indigène ») – son état de végétation (vivant ou mort) – la circonférence à 1,30 m des arbres vivants dont le diamètre est supérieur à 7,5 cm