Les données de l’instrument VAULT
VAULT est un acronyme pour Very high Angular resolution ULtraviolet Telescope. Ce télescope UV à très haute résolution a été conçu et construit par l’équipe de Physique Solaire du Naval Research Laboratory à Washington, D.C.. VAULT est un programme de vols fusée réalisant des observations du soleil à très haute résolution spatiale dans le but d’améliorer la compréhension des structures fines et des processus intervenant dans le chauffage de la couronne solaire. La raie H-Lyman α est particulièrement bien adaptée à l’étude de la relation entre la partie supérieure de la chromosphère et la partie basse de la région de transition. Ce programme comporte plusieurs vols fusée avec une instrumentation quasiment identique à chaque tir. Deux vols ont déj à été effectués en mai 1999 et en juin 2002, le troisième vol a eu lieu en juillet 2005. Les deux premiers vols dédiés à la raie H-Lyman α ont été réalisés avec le support d’instruments au sol et embarqués sur les satellites TRACE et SOHO. Le premier vol a eu lieu le 7 mai 1999 ; 14 images du Soleil ont été enregistrées avec des temps de pose allant de 2 à 6 s correspondant à un total de 5 minutes d’observation, la figure 4.3 montre l’une des images enregistrées. La comparaison des données obtenues lors de ce vol avec les données de la voie à 17.1 nm du satellite TRACE a permis d’établir une corrélation entre les structures de la couronne et celles de la basse région de transition ([Vourlidas et al., 2001a]), notamment au niveau d’une région active. Cette corrélation suggère que l’atmosphère au-dessus de la région active comprend à la fois des boucles “ chaudes ”, dont la température est supérieure à 2 million de Kelvin, et des boucles “ tièdes ”, dont la température se situe autour de 1 million de Kelvin. Le second vol a utilisé au maximum les capacités techniques de l’instrument en réalisant 21 images avec un temps de pose de 1 s, sur une durée totale d’observation de 6 minutes. La résolution spatiale de ces images est de 0.3 secondes d’arc, ce qui est la meilleure résolution obtenue à ce jour dans la raie H-Lyman α. Les images montrent un long filament vu en absorption au-dessus de deux régions actives. Ces observations sont particulièrement intéressantes puisque jusqu’ à présent, aucun filament n’avait été correctement observé dans la raie H-Lyman α. Leur faible visibilité sur les images TRC ([Bonnet et al., 1980]) avait même fait avancer l’hypothèse que les filaments ne pouvaient être distingués en imagerie H-Lyman α, ce qui était particulièrement inattendu en raison de l’importante opacité de cette raie. Grâce à l’amabilité de Angelos Vourlidas, nous avons eu accès aux données brutes du second vol de VAULT, et j’ai donc pu réaliser une étude de ce filament bien distinct et résolu après avoir traité et étalonné les données. 2 Description de l’instrument L’instrument VAULT est un télescope de type Cassegrain suivi d’un spectrohéliographe à dispersion nulle ([Vourlidas et al., 2001b]). Les éléments principaux de l’instrument sont reproduits sur le schéma optique de la figure 4.3. Le miroir primaire du télescope est de diamètre 30 cm, ouvert à f /24.6, et ayant une obscuration de 25%. Un diaphragme de champ est placé à l’entrée du spectrohéliographe. Dans ce dernier, le faisceau est collimaté et dispersé par le premier réseau de diffraction sphérique, puis replié par un miroir plan pour être recombiné et focalisé sur le détecteur CCD par le second réseau de diffraction. La combinaison assure la compensation de la dispersion tout en sélectionnant une bande passante de 15 nm autour de la raie H-Lyman α. Un filtre UV de bande passante étroite est placé juste devant le détecteur afin d’éliminer toute lumière visible parasite. La caméra CCD utilisée est recouverte de lumogène et comporte 2048 x 3072 pixels permettant d’obtenir un champ de vue de 4.3 arcmin x 6.4 arcmin, soit environ 2,5% de la surface du Soleil. Les optiques du télescope d’entrée de l’instrument sont d’excellente qualité : λ/16 RMS à 121.5 nm (soit λ/25 PV à 633 nm) ; la coma et l’astigmatisme sont inférieurs à 0.01 seconde d’arc sur tout le champ couvert. La qualité du schéma optique et un système de contrˆole d’attitude performant ont permis d’obtenir des images de grande qualité.
Traitement des données
Sur les 21 images enregistrées au cours du second vol fusée, 17 ont le même pointage : le champ de vue de l’instrument montre une zone de Soleil calme et une zone de régions actives sur laquelle un long filament est vu en absorption. Les 3 autres images ont un champ de vue permettant d’observer le bord solaire et de fines protubérances. Ces images ont été enregistrées le 14 juin 2002 entre 18 h 12 min 01s et 18 h 17 min 47 s.
Soustraction du courant d’obscurité
La première étape du traitement des données avant leur analyse est de corriger les contributions du détecteur au signal. Je n’ai pas eu accès au fichier de calibrations de l’instument et du détecteur, mais une image a été prise au cours du vol avant l’ouverture de la porte de l’instrument. Cette image permet d’obtenir le courant d’obscurité du détecteur. Cette image et son histogramme sont présentés sur la figure 4.4. Cette contribution a été soustraite aux images brutes fournies par l’instrument. L’une de ces images brutes et son histogramme sont donnés sur la figure 4.4, de même que l’image corrigée et son histogramme.
Etalonnage des données
Afin de pouvoir étudier quantitativement les données de ce vol fusée, il est nécessaire d’étalonner photométriquement les images. Pour cela, j’ai obtenu la valeur de l’irradiance totale H-Lyman α pour la journée du 14 juin 2002 grâce aux données de l’instrument TIMED SEE (Solar EUV Experiment). L’irradiance totale H-Lyman α vaut 4.58 1011ph.cm−2 .s−1 , ce qui correspond à une radiance moyenne de 6.74 1015ph.cm−2 .s−1 .sr−1 . J’ai ensuite utilisé une image à 30,4 nm de l’instrument EIT à bord de SOHO (voir figure 4.5) pour connaître la proportion de régions actives dans le disque solaire entier et en déduire la radiance moyenne du Soleil calme en H-Lyman α. Je considère pour cela que les régions actives contribuent 5 fois plus au flux H-Lyman α que les régions de Soleil calme. Les régions actives couvrent approximativement 6.7% du disque solaire le jour des observations. La radiance moyenne du Soleil calme vaut donc 5.31 1015ph.cm−2 .s−1 .sr−1 . J’ai ensuite cherché une zone de Soleil calme sur les images VAULT ; une de ces zones est représentée par la zone 2 sur la figure 4.6. Enfin, j’ai calculé la valeur moyenne de l’intensité des zones de Soleil calme sur les 16 images ayant un pointage et un temps de pose identiques (17 ont le même pointage mais l’une d’entre elles a un temps de pose de 5 secondes). J’ai par la suite fait correspondre cette valeur moyenne à celle calculée grâce aux données TIMED SEE et EIT. Les 17 images ne montrant pas le bord solaire présentent un très fort gradient d’intensité de l’ouest vers l’est (pente de −5 1011ph.cm−2 .s−1 par pixel), ce qui est clairement illustré par la figure 4.7. Afin de s’assurer qu’il n’y a pas de contribution instrumentale à ce gradient d’intensité, j’ai calculé le profil moyen sur chaque image d’une zone relativement uniforme de Soleil calme représentée par la zone 1 sur la figure 4.6. Un de ces profils est représenté sur la figure 4.8, il présente une pente 5 fois plus faible (−0.9 1011ph.cm−2 .s−1 par pixel). Cela suggère que le fort gradient est dˆu à la présence de la région active sur la partie ouest des images et non à un effet instrumental.
Etude d’un filament
Même si les caractéristiques du plasma qui constitue les filaments et les protubérances sont bien connues ([Patsourakos and Vial, 2002]), il reste beaucoup de choses à découvrir au sujet de ces structures (qui sont en fait les mêmes structures mais vues respectivement en absorption sur le disque solaire et en émission hors limbe). En particulier, les éjections de matière coronale sont souvent liées à des éruptions de filaments ; il est donc indispensable de mieux comprendre la structure magnétique des filaments, leur formation et leur évolution vers un état instable et éruptif. Les données fournies par l’instrument VAULT sont uniques et donc particulièrement intéressantes pour deux raisons : ce sont les premières observations de filament de région active, en imagerie, dans la raie H-Lyman α et l’excellente résolution des images permet pour la première fois dans l’ultraviolet de résoudre des structures fines dans le filament, comme c’est déj à le cas dans le domaine visible grâce au Swedish Telescope (voir figure 4.9). La contrepartie d’un vol fusée est hélas le faible volume de données : un seul filament et en tout 21 images. La figure 4.10 montre un agrandissement du filament observé, sujet de l’étude dans cette section, et la figure 4.11 montre le profil du filament moyenné sur une portion de 11 secondes d’arc. Les figures 4.12, 4.13 et 4.14, montrent les histogrammes respectifs d’une portion du filament (zone Filament sur l’image 4.6), d’une zone de région active (zone AR sur l’image 4.6), et d’une zone de Soleil calme (zone 2 sur l’image 4.6) On peut ainsi calculer les rapports de radiance entre les différentes zones ; les résultats sont notés dans la table 4.1. On remarque notamment que le rapport de radiance du filament à la radiance de la zone de Soleil calme différe des résultats obtenus avec l’instru- 4 Etude d’un filament 49 Fig. 4.5: Image EIT 30.4 nm du 14 juin 2002. On observe, un peu au dessus de l’équateur à gauche du disque solaire, le long filament présent sur les images VAULT. 50 4. Les données de l’instrument VAULT Fig. 4.6: Image VAULT. Zone 1 : zone de région active pour le diagnostic d’effet instrumental. Zone 2 : zone utilisée pour le calcul de la valeur moyenne de l’intensité du Soleil calme. RA : zone de région active. Filament : partie du filament observé. . Cependant, dans le cas présent le filament se trouve au-dessus d’une région active et il est concevable que l’émission de la région active sous-jacente explique cette différence. Afin de mieux comprendre les processus de formation des filaments, leur implantation dans les différentes couches de l’atmosphère solaire, il est nécessaire comparer les observations d’un même filament dans différents domaines de longueur d’onde correspondant à différents domaines de température de formation et de façon moins directe à différentes altitudes dans l’atmosphère solaire. J’ai donc recherché les différentes observations de ce filament disponibles. Plusieurs instruments au sol ont observé ce filament. J’ai choisi les données Hα de l’observatoire Big Bear car la co¨ıncidence temporelle était la meilleure. D’autre part, les satellites SOHO et TRACE observaient également.