Réactions des maraîchers face à l’érosion éolienne et à la salinisation
La volonté de réhabilitation des potentialités des dépressions inter-dunaires conduit les exploitants de ces terres à adopter des mesures plus ou moins adéquates. La majeure partied’entre eux subit les dégâts de ces phénomènes de manière simultanée, d’où des réactions uniques notées au niveau des terres de cultures.
Les différentes adaptations face au phénomène éolien
Diverses stratégies ont été déployées par les maraîchers pour endiguer l’ampleur des dépôts éoliens. La mobilisation des acteurs est importante car 99,2% affirment avoir entrepris une ou plusieurs voies et moyens pour rétablir l’équilibre pédologique (tableau 11).
Diagnostic des méthodes de lutte contre l’érosion éolienne
Impacts des méthodes de lutte sur les ressources pédologiques.
L’efficacité des méthodes de lutte contre le dépôt éolien s’apprécie en fonction de la protection des cultures pour les maraîchers. Le diagnostic des méthodes de lutte montre une mobilisation généralement individuelle et des protections établies aux limites des surfaces cultivées. Toutefois, la non-protection des aires de déflation et de transit qui surplombent ces parcelles entraîne du coup un dépôt notoire de sable. Les parcelles bien protégées (48,5%) se trouvent dans les espaces qui bénéficient de campagnes de reboisement effectuées par les organisations paysannes avec l’appui relatif des eaux et forêts. Les autres parcelles (50,7%) sont sous le joug du phénomène éolien du fait de leur protection temporaire. Les conséquences sont ressenties à travers les rendements (tableau 13)
Les réactions des maraîchers face à la salinisation des terres
Les réalisations notées au niveau des « Niayes » de la commune de Notto se traduisent par des actions biologiques (amendements d’engrais organiques) et mécaniques (perforation de puits). Les méthodes de lutte déployées par les exploitants montrent des réalisations individuelles face au phénomène. Les réalisations sont importantes et coûtent cher.
L’épandage d’engrais organique d’origine animale ou végétale est le moyen le plus utilisé par les maraîchers. L’inaccessibilité à cette méthode est visible à travers la cherté des matières dont l’acquisition se fait souvent depuis l’hinterland à savoir les zones sylvo-pastorales (Louga, Dahra,…) et dans le bassin arachidier (Kaolack, Diourbel, Fatick,…).
Les maraîchers ont recours aussi à la perforation de nouveaux puits. Leur réalisation est bénéfique grâce à des négociations, car le nouveau puits est généralement creusé en dehors de la propriété privée. Le creusement de puits sans expertise scientifique sur la qualité de l’eau comporte de nombreux inconvénients dont le puisage et le transport de l’eau et l’incertitude face à l’avancée du biseau salé.
L’utilisation de l’engrais chimique et l’abandon de la parcelle sont de plus en plus notés.
Ces formes de réactions sont plus remarquées dans les localités de Ngadiaga, de Notto et de Keur Mbir Ndao où le degré de salinité ne peut être corrigé par ces types de remèdes cités cidessus. D’où la nécessité d’effectuer un diagnostic des moyens utilisés. Toutefois, ces méthodes s’appuient sur le court terme, vu leur nature, leur importance et leurs résultats modestes.
Diagnostic des réalisations contre la salinisation des terres
Impacts des réalisations sur le sol
Les résultats fournis par ces différentes réalisations montrent que les méthodes sont relativement efficaces. La récupération des terres à travers ces actions de valorisations s’étend sur le court terme. La désalinisation est entreprise en amont de la culture et en fonction du calendrier cultural. Sur cette base, 50,8% des maraîchers ressentent des impacts importants tandis que 41,5% ne parviennent pas à rétablir les potentialités des terres arables (tableau 15).
Dans les surfaces non cultivées, la lutte contre l’avancée du sel semble ne pas intéresser pas les acteurs. La détérioration devient accrue d’autant plus que la désalinisation par le drainage est impossible.
Les effets de ces méthodes n’aboutissent pas à long terme au rétablissement normal des potentialités du sol. La non-exportation des différents types de sel ((Na, K, Ca, Mg, C1, SO4, HCO3, CO3) entraîne des modifications des cycles biogéochimiques. Ces réalisations, conjuguées avec la péjoration climatique, altèrent le régime hydrique du sol. La mise en place de croûtes et de structures poudreuses empêche le développement d’espèces végétales (sauf halophiles) et l’accélération du phénomène éolien. Le système racinaire est atteint d’où les conséquences désastreuses sur les rendements.
Perspectives locales pour l’amélioration du maraîchage
Les impacts de l’érosion et de la salinisation et les résultats relativement faibles obtenus dans la lutte poussent les maraîchers à dégager des perspectives pour l’avenir de l’horticulture dans les dépressions inter-dunaires. Plusieurs solutions ont été émises par les maraîchers (51,5%), allant du défrichement aux changements des espèces cultivées et des techniques. Par contre, certains (48,5%), aux emprises de l’avancée de la dégradation, ne sont plus en posture d’émettre une solution (figure 25).
Les organismes intervenant dans la zone
La multiplication des organismes dans cette zone est remarquable depuis quelques décennies.
L’essentiel des interventions est effectué dans le cadre de la coopération bilatérale et ne concerne généralement pas la lutte contre l’érosion et la salinisation. Les résultats obtenus sont relativement faibles du fait de la non-durabilité des ONG et du manque de coordination dans les opérations effectuées dans la zone et de l’accessibilité financière.
La coopération canadienne, à travers notamment les Projets de Conservation des Terroirs du Littoral (CTL-Nord et CTL-Sud), le Projet d’Appui à l’Entreprenariat Paysan (PAEP) et le Fonds d’Appui aux Niayes (FAN), ont largement soutenu le développement socioéconomique de la zone. Face à la menace d’ensablement des cuvettes qui pesait sur les potentialités, la réalisation de la bande de filaos a propulsé la capacité de production horticole de ces « Niayes ». Le développement horticole est renforcé par la construction de centre de stockage et de conditionnement (Ngadiaga).
De la problématique de la pérennisation de la bande de filaos du fait de l’absence de régénération sous-jacente est née l’Association des Unions Maraîchères des Niayes (AUMN). L’UGAPNS de Notto fait partie intégrante de cet organisme et coiffe sept (7) associations paysannes intervenant dans la culture d’espèces choisies (Chou, Tomate, Oignon, Piment, Aubergine, carotte et Mangue) et leur conservation.
Elle fournit aux producteurs et productrices des services aptes (motopompes, intrants,…) pour accroître durablement les revenus de ces membres et à promouvoir l’entreprenariat. Elle organise des séances de formation avec ces organisations paysannes pour une utilisation rationnelle et une harmonisation des pesticides et de l’engrais organique.
Le projet de restauration du milieu naturel et de promotion des systèmes production agricole (2006-2009), suivi du projet de reforestation intégrée (2010-2013) comportant divers volets, en collaboration avec SOS Sahel a été entrepris par le PADEN. En collaboration Direction des Eaux et Forêts, Chasse et Conservation des sols (DEFCCS), des campagnes de reboisement ont été réalisées dans plusieurs localités de la commune. Ce projet sensibilise sur l’utilisation abusive des produits phytosanitaires. Le reboisement couvre peu de surface sur les dunes qui surplombent les cuvettes et reste inefficace face à l’avancée des dunes.
Un suivi des pratiques culturales pour une utilisation équilibrée des ressources pédologiques, est assuré par le RESOPP en partenariat avec la coopération belge. Sa présence dans la zone (Keur Mbir Ndao) vise essentiellement l’atteinte de la sécurité alimentaire des populations rurales membres des coopératives du Réseau. À cet effet les activités menées concourent à la redynamisation de l’agriculture familiale par la mise en place d’intrants de qualité dont en premier lieu, l’utilisation de semences sélectionnées produites localement, d’un système d’encadrement rapproché, l’accès au crédit, entre autres.
Pour une meilleure conservation des ressources naturelles, l’État opte pour le développement des éco-villages en coopération avec le PNUD et le JICA. Les objectifs poursuivis sont un meilleur développement de l’horticulture à travers les énergies renouvelables et une préservation des ressources naturelles des « Niayes ». L’agriculture biologique est en phase de test dans le village de Notto Gouye Diama.
En plus du PADEN, plusieurs structures bancaires apportent des financements aux maraîchers. Des conventions de partenariat ont été signées avec des systèmes financiers décentralisés (CMS, REMEC Niayes, UM-PAMECAS) et une institution financière (CNCAS) évoluant dans la zone des Niayes.
Ces structures fournissent généralement de l’engrais et de semence. Les appuis bancaires restent aussi problématiques pour les maraîchers et surtout dans les systèmes d’exploitation traditionnels. Les prêts s’étendent essentiellement sur de courtes durées (01 an) avec des taux d’intérêts (25%) s’ils sont en différés qui dépassent les normes fixées par l’UEMOA. En2012, le taux d’accès au crédit est faible. Seulement, 7,8% des maraîchers bénéficient de prêts contre 92,2% selon la direction de l’horticulture. En outre, seulement 20% sont destinées à l’aménagement des terres de cultures. Cette vision montre la faiblesse de réactions des systèmes de crédits dans les perspectives de lutte contre les phénomènes dégradants des écosystèmes.
Ces organismes restent peu efficaces et n’interviennent pas directement dans la lutte contre l’érosion éolienne et la salinisation. Mais la réalisation des objectifs poursuivis, à travers les différents appuis aux organisations paysannes, aura des impacts importants sur la réduction de ces phénomènes. Ces projets ne rencontrent pas d’un grand succès, car ils ne s’accompagnent pas d’une médiatisation appropriée. Plus de 98% des maraîchers ne connaissent pas ces projets et les objectifs fixés.
Le non-accès à l’information s’accompagne d’une inaccessibilité financière. Plusieurs contraintes (garanties et taux d’intérêt élevés) constituent un frein à l’obtention d’un financement. Les campagnes horticoles deviennent de plus en plus aléatoires à cause des phénomènes érosifs et de la salinisation. Les difficultés de remboursement qui en découlent, exposent davantage les maraîchers aux risques de spéculations foncières. D’où l’expertise de l’ONG Green Sénégal pour une utilisation adéquate du foncier.
Conclusion partielle
La mobilisation contre l’érosion et la salinisation est importante dans les cuvettes maraîchères de la commune. Face à l’ampleur de l’érosion éolienne et de la salinisation les réactions s’opèrent de manière simultanée. Des réalisations de types naturels (reboisement, haies vives amendement d’engrais organiques,…) et mécaniques (perforation de puits) sont entreprises par es exploitants pour ralentir la dégradation des potentialités maraîchères. Toutefois, cesmoyens sont disproportionnés avec des impacts relativement faibles. Un surcroît de soutien provient des organismes nationaux et internationaux (banques, ONG, organismes,…). Ces derniers restent peu accessibles en raison des conditions de prêts contraignants et d’une médiatisation médiocre.