Les divergences d’ordre symbolique entre Tours et Saint-Pierre-Des-Corps
Cette partie a pour but de présenter l’analyse des différents éléments recueillis lors de l’étude de terrain sur le cas de Tours et Saint-Pierre-Des-Corps. Elle vise notamment à argumenter le fait que les séparations au sein du couple Tours / Saint-Pierre-Des-Corps sont essentiellement perçues dans les représentations que se font les habitants, les élus et les techniciens de ce couple. Les entretiens que nous avons réalisés avec cinq habitants de Tours, cinq habitants de Saint- Pierre-des-Corps et un élu de chaque commune nous ont permis de mettre en exergue les représentations des relations entre ces deux villes. Nous ne pouvons pas appuyer de généralité grâce à ces entretiens car ils n’ont pas pour but d’être représentatifs de tous les tourangeaux et de tous les corpopétrussiens58. Nous avons cependant pu comprendre les grandes lignes de ces représentations, et ainsi comprendre que ce couple vit une phase déterminante pour son avenir après être passé par une période de fortes tensions59. Nous verrons également au court de cette partie que ces tensions concernent essentiellement les sphères politiques et l’aspect symbolique des représentations des habitants. La séparation entre Tours et Saint-Pierre-des-Corps dans les représentations s’exprime d’abord dans l’image que les habitants ont de leur ville et de la ville voisine. Nous avons pu appréhender cette séparation essentiellement à travers les dix entretiens semi-directifs réalisés auprès des tourangeaux et des corpopétrussiens60. Des rencontres plus informelles dans les rues de Tours et Saint-Pierre-des-Corps nous ont également permis de confirmer ce premier résultat.
Dans les deux cas, le discours des habitants s’appuie sur l’Histoire, sur des symboles, des valeurs marquantes ou sur des ressentis. Ces éléments sont issus à la fois de leur propre expérience du territoire, mais également des échos qu’il peut y avoir au sujet des deux villes ou encore du discours politique mené par chaque municipalité. L’analyse du discours des habitants met en évidence le décalage existant entre les deux communes, ainsi que celui existant dans les représentations des tourangeaux et celles des corpopétrussiens. Nous nous intéressons dans un premier temps à la ville de Tours. Nous distinguons les représentations des tourangeaux de celles des corpopétrussiens. Bien qu’elles fassent appel à des éléments communs, nous pouvons observer des différences marquantes entre l’avis des corpopétrussiens et celui des tourangeaux. Ceci se traduit par une certaine opposition des deux communes dans les représentations. Les corpopétrussiens interrogés semblent avoir une image plus précise de la ville de Tours par rapport aux tourangeaux, et ressentent un certain rapport de force notamment sur le plan politique.
Tours, une ville agréable et appréciée par ses habitants
L’analyse des cinq entretiens approfondis avec les habitants de Tours permet de faire émerger une première représentation générale de la ville, qui pourrait être précisée par la réalisation d’autres entretiens. Les points de vue convergent sur un certain nombre d’éléments, ce qui permet d’élaborer une première figure générale de la ville d’après la vision des habitants rencontrés. Le cadre de vie agréable de la ville est omniprésent dans le discours des tourangeaux, qui utilisent des adjectifs et mots positifs pour décrire les avantages de leur ville tels que « beauté » ou encore « agréable », et qui dans l’ensemble, peinent davantage à parler des points négatifs ou d’éléments qu’ils n’aiment pas. Cependant, cette relation entre un habitant et la ville où il réside parait courante. Ainsi, l’image positive que les tourangeaux ont de leur ville est liée au fait qu’ils y habitent et qu’ils s’y « sentent bien » (entretiens avec les habitants de Tours et Saint-Pierre-des-Corps, novembre 2013). Par ailleurs, ils n’ont que très peu abordé l’aspect politique pour parler de l’identité de leur ville. Une des caractéristiques principales qui est apparue au cours de ces entretiens est la suivante : Tours est considérée comme une ville à taille humaine qui profite à la fois des avantages d’être une ville importante sans subir certains désavantages que connaissent des grandes métropoles françaises.
Les avantages de la taille de la ville concernent les aspects pratiques : l’accès aux équipements (hôpitaux, universités, équipements culturels…), aux infrastructures (transports par exemple) et aux services. Bien que nous ayons pu ressentir que ces éléments concernent beaucoup le centre-ville, il apparait globalement que Tours est une ville où les habitants rencontrés disent disposer de nombreux services et où un certain dynamisme est présent (activités, vie sociale, étudiants…). La ville est vue comme un « bon compromis » et une « ville à taille humaine » dans le sens où il n’existe pas le sentiment d’oppression des très grandes villes, mais plutôt une certaine douceur (entretiens avec les habitants de Tours et Saint-Pierre-des-Corps, novembre 2013). Une des personnes interrogées a notamment pris l’image des bords de Loire pour exprimer cette douceur et ce « tempérament ligérien » (Ibid.). Ces avantages sont de l’ordre du ressenti. Pour certaines personnes, la comparaison se fait par rapport aux grandes villes et notamment Paris: les rapprochements entre Tours et la capitale française semblent relativement imprégnés dans l’esprit des personnes que nous avons rencontrées, d’où l’expression de « Petit Paris » parfois utilisée pour caricaturer ou caractériser Tours (Ibid.).