Les dispositifs techniques et financiers de gestion des déchets solides ménagers à TOUBA

La gestion communautaire ou le ramassage des ordures par charrette (ROC)

Faute de pouvoir bénéficier d’un service de collecte officiel, les ménages se font évacuer les ordures par des charretiers privés qui se font payer à la fin du mois : c’est pourquoi on parle d’un système de ramassage des ordures par charrette (ROC).
Effectivement, deux voire trois fois dans la semaine, un charretier privé passe pour collecter les ordures des ménages qui acceptent de s’abonner. Le coût mensuel pour chaque ménage se situe entre 750 et 1 500FCFA. Chaque charretier peut collecter une cinquantaine voire soixantaine de ménages.
Le choix du jeudi s’explique en ce sens que cela correspond à la veille du vendredi, jour de la grande prière. Ces opérations de nettoiement se déroulent sur toute l’étendue de la ville sainte et mobilisent énormément de monde avec le sentiment d’accomplir un devoir religieux. Lesdéchets issus de ces opérations de salubrité sont évacués par des charretiers privés le plus souvent sur des terrains vagues, des parcelles inhabitées ou des dépotoirs sauvages et rarement vers des décharges autorisées. En vérité, cela constitue le hic de ces vastes opérations de lutte contre l’insalubrité.
Dans le même ordre d’idées, le vendredi matin est le jour de balayage et de nettoyage des édifices religieux, des concessions des dignitaires religieux, des marchés et des gares routières de la part des hommes. Le Conseil Rural participe à ces opérations en mettant à la disposition des « dahiras » et autres associations ses moyens lourds de collecte et de transport.
En effet, l’association « Kanzul Muthadina » est donnée comme exemple de « dahira » regroupant les petites filles de Serigne Touba fortement engagée dans ces opérations de nettoiement des domiciles des grands marabouts.

La gestion des déchets solides pendant le grand magal

Pendant longtemps, à la veille du grand Magal de Touba, ce sont les services nationaux et les sociétés de nettoiement de Dakar avec l’appui de certains privés qui assuraient les opérations de salubrité dans la ville sainte.
De 1969 à 1983, la SOADIP, société privée concessionnaire du nettoiement de la région de Dakar qui, avec ses propres moyens, procédait aux opérations de salubrité. De 1985 à 1995, c’est au tour de la SIAS, société dans laquelle l’Etat était majoritaire, de conduire des opérations de nettoiement de Touba.
Après la dissolution de la SIAS, c’est AMA-Sénégal, société privée évoluant à Dakar, de prendre le relais en organisant des opérations de nettoiement dans lesquelles elle était accompagnée par beaucoup de privés avec leurs propres moyens (APROSEN, 2010 d).
Depuis 2008, on assiste à de grandes mutations dans l’organisation du grand Magal qui va connaître une certaine modernisation. Un comité d’organisation est mis en place et structuré en plusieurs commissions dont la commission assainissement avec la mission d’organiser et de coordonner toutes les opérations de salubrité d’envergure qui ont lieu à la veille du Magal. Ces opérations devant se dérouler avant et après le grand Magal mobilisent des moyens considérables provenant du public et du privé.
Auparavant, par arrêté du PCR de Touba, un comité de salubrité avait vu le jour et où étaient représentées les différentes autorités et structures de la ville sainte qui, d’une manière ou d’une autre étaient impliquées dans l’organisation du grand Magal. A ce comité, il était assigné un certain nombre d’objectifs parmi lesquels nous pouvons citer :
 « préparer et planifier les opérations de nettoiement et de collecte des ordures ménagères dans la ville sainte de Touba » ;
 « évaluer les moyens matériels et logistiques nécessaires à la conduite du programme de nettoiement » ;
 « identifier les partenaires locaux et extérieurs pouvant aider au financement du programme. »
En effet, c’est après le rappel à Dieu de Serigne Saliou Mbacké (5ème khalife) le 27 décembre 2007 et dans le contexte de l’appel lancé par le khalife Serigne Mohamadou Lamine Bara Mbacké (6ème khalife) en faveur du nettoiement de la ville que le comité de salubrité a été fondu dans la commission assainissement qui a la responsabilité de la gestion des déchets solides dans la période du grand Magal (APROSEN/Diourbel, 2011).
Ainsi, entre 2008 et 2012, cinq grandes campagnes de lutte contre l’insalubrité à Touba ont été conduites et coordonnées par la commission assainissement dans le contexte du grand Magal.
Dans un souci d’organisation et d’efficacité, à chaque campagne, la ville sainte est divisée en quatre zones d’intervention à la tête desquelles, de fortes personnalités religieuses, accompagnées d’équipe de supervision, sont chargées de conduire et de coordonner les grandes opérations de salubrité. Pour les besoins de leur mobilité, ces équipes de supervision et de coordination sont dotées chacune de trois véhicules de liaison.
Concernant la mobilisation des moyens et la réalisation des actions pour l’édition de 2008, à titre d’exemple, ce ne sont pas moins de 9 pelles mécaniques et 110 camions bennes de différentes capacités (8 m3 , 16 m3 , 20 m3 , 30 m3 ) qui ont servi dans les opérations de collecte et de transport des déchets, principalement vers les décharges publiques. Toutefois, l’action qui a le plus retenu l’attention des populations est l’éradication des grands dépotoirs sauvages comme celui du marché syndicat à Sékhawga. Selon les agents de l’APROSEN, « son éradication a duré deux journées entières avec plus d’une quarantaine de rotations de camions de 20 m3 . »
A propos des quantités de déchets évacuées pendant ces grandes opérations qui se sont déroulées en deux phases (3 jours avant le Magal et 2 jours après le Gamou), les tableaux n°15 et 16 donnent une certaine indication.

Analyse des coûts et rentabilité économique du service

La gestion des déchets ménagers est une opération très coûteuse. Le 1er facteur de durabilité d’une gestion des déchets est la permanence de son financement (Le Jallé, 2004 ; Sow, 2009). Au Sénégal, les collectivités locales sont, de très loin, la 1ère source de financement du service de collecte des ordures ménagères. Or, elles sont confrontées à de sérieuses difficultés financières. Les différentes ressources tirées de fonds propres (taxes et impôts) et des allocations de l’Etat (fonds de dotation, d’emprunt et de concours) sont insuffisantes pour le financement des projets et programmes de développement.
Ainsi, toute intervention sur la gestion des déchets doit se pencher d’abord sur la réforme du budget des collectivités locales (Code des collectivités locales, 1996).
Aujourd’hui, beaucoup de collectivités locales ont recours, de plus en plus, à de nouvelles démarches comme la coopération décentralisée et/ou le partenariat public/privé (PPP) dans le financement de certains projets de développement ou services de base (Cissé, 2001a). Cette nouvelle démarche ne se différencie guère fondamentalement de l’aide publique au développement (APD) dont certains spécialistes estiment que c’est l’une des causes de l’échec des politiques de développement dans les pays du Sud.
C’est une erreur de croire que la gestion des déchets peut être financée par la valorisation des déchets en produisant du compost et de l’énergie. Même si ces activités de valorisation sont à encourager, il ne faut pas perdre de vue qu’il se pose un problème de rentabilité (Thonart et Diabaté, 2005).
Dans les pays industrialisés du Nord, partout où ces activités de valorisation sont menées, il y a un accompagnement des pouvoirs publics en terme de subvention. Au Sénégal, à Rufisque par exemple, l’expérience de la production de compost a été arrêtée à cause des difficultés derentabilité (Rouyat et al. 2006) La question du financement se pose à deux niveaux :
 le financement des infrastructures (centres de collecte et de transfert, décharges…) et de la logistique relevant des dépenses d’investissement ;
 le financement pour l’exploitation, l’entretien et le renouvellement des équipements relevant des dépenses de fonctionnement.
Il existe un 3ème niveau dont il faut tenir compte dans le financement de la gestion des déchets.
A ce propos, Pape S. Sow (2009) écrit : « Il n’est plus permis d’analyser cette dimension [le financement de la gestion] à partir de ses seuls coûts apparents que constituent les charges récurrentes d’exploitation. Il faut désormais aller au-delà, c’est-à-dire jusqu’aux coûts cachés qui sont le plus souvent sociaux. »
En réalité, ces coûts sociaux (Cf. 3ème partie) ne sont rien d’autres que les effets sur la santé des populations d’une mauvaise gestion des ordures ménagères. Ces effets ne sont pas toujours bien compris par les décideurs faute d’études sur cette question.
Pour un financement efficace et durable de la gestion des déchets, il faut résolument envisager la participation des populations (Le Jallé, 2004 ; Sow, 2009 ;Thonart et Diabaté, 2005).
C’est notamment le cas de Touba où celles-ci paient une redevance mensuelle à un service de ramassage des ordures par charrette (ROC). Ce système de collecte ne cesse de gagner du terrain dans la ville. Même dans certains marchés, les commerçants sont obligés de recourir à cette forme de collecte pour se faire évacuer les ordures (Cf. photos 4 a et b et 5 a).
Dans la gestion de la redevance collectée, il faut faire preuve de beaucoup de rigueur et de transparence. L’argent collecté doit servir à financer les opérations auxquelles il est destiné et les populations doivent être responsabilisées dans sa gestion. Outre le risque de manque de transparence qui peut faire naître des soupçons chez les usagers, l’autre risque pourrait être l’irrégularité dans les opérations d’enlèvement des ordures ménagères.
La participation des populations n’exclut pas l’implication du Conseil Rural. Autrement dit, elle ne doit pas absoudre le Conseil Rural de ses responsabilités. Il est de sa mission d’assurer une bonne gestion des déchets dans la cité. Dans le financement de la gestion des déchets, il doit avoir à la fois une approche budgétaire et une approche emploi.

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