Les discours du CLEMI : définir et valoriser l’éducation aux médias
Définitions et périmètre de l’EMI de 2010 à 2019 Dans son travail doctoral, Marlène Loicq a étudié les ressources produites par le CLEMI, ciblant les futurs enseignants, intitulées « Education et médias, on apprend ! ». Ces documents permettent à la fois d’apporter des éléments définitoires au sujet de l’éducation aux médias, d’argumenter en sa faveur et d’en présenter les modalités pédagogiques. Ces ressources occupent donc selon elle une place primordiale dans l’éducation aux médias à la française, puisqu’elles sont conçues pour les enseignants souhaitant la déployer dans leur pratique.
Elle Les opérateurs des ministères le Centre pour l’Education aux Médias et à l’Information (CLEMI) et le Landesmedienzentrum (LMZ) 245 remarque que la définition du domaine se précise et s’affirme entre 2006 et 2011, prenant en compte les changements médiatiques et institutionnels – la première brochure fait écho à la publication du Socle Commun et s’y rattache explicitement. Cependant, elles tiennent leur public à distance en utilisant peu d’adresses directes, privilégiant la troisième personne du singulier. Elle en déduit que le discours remplit sa fonction programmatique, mais pas auprès du public qui semble visé – l’enseignant ; il s’adresserait en réalité aux ministères. Alors qu’il devrait avoir une visée didactique avant tout, ce discours « occupe finalement les fonctions de motivation et de légitimation des pratiques d’éducation aux médias chez les enseignants, auprès de l’institution622 ».
Le texte donne en outre une place centrale à l’école en tant qu’institution, le projet d’éducation aux médias trouvant sa légitimité dans une « démarche de protection de l’Ecole contre les changements623 », afin de conserver sa forme traditionnelle et ne pas bousculer les modes de transmission des savoirs, les médias étant présentés comme des éléments transformant le rapport à ceux-ci. L’éducation aux médias, dans son analyse, trouve sa légitimité dans sa convergence avec les « missions fondamentales » de l’école : « l’école doit intégrer les médias pour les ordonner, leur donner du sens et dissiper les filtres, les écrans qu’ils placent dans l’accès au savoir, à la société et au réel624 ». Cela induit un paradoxe, car les discours du CLEMI portent conjointement l’argument de l’introduction des médias au cadre scolaire pour moderniser l’éducation, tout en minimisant les changements que ceux-ci apporteraient à l’institution
Thématiques et supports abordés : quelle médiation des savoirs ?
Qu’est-ce que l’EMI recouvre entre 2010 et 2019, selon les discours du CLEMI ? Pour répondre à cette interrogation, nous avons procédé à la codification thématique du contenu de la brochure annuelle « Education et médias, on apprend ! ». Nous souhaitions ainsi caractériser plus finement l’approche de cet opérateur et déterminer sur quoi portent ses productions discursives. Chaque article correspond à un item, auquel nous avons associé des codes. Nous avons codé 9 brochures publiées entre 2010 et 2019 pour un total de 370 articles, parmi lesquels 210 fiches pédagogiques et 153 fiches informatives destinées à informer les enseignants sur des dispositifs, des pratiques ou des phénomènes médiatiques631 .
Dans notre code-book, nous distinguons quatre catégories : les modalités de transmission des savoirs sur les médias, les supports médiatiques, les acteurs et dispositifs institutionnels et les thématiques abordées dans les articles. La thématique du journalisme et de l’information d’actualité est représentée dans 149 items composant la brochure « Education et médias, on apprend ! » entre 2010 et 2019, soit 40% d’entre eux ; plus précisément dans 50% des fiches pédagogiques et 25% des fiches informatives.
Le nombre de ressources pédagogiques consacrées spécifiquement à l’information d’actualité a augmenté de manière régulière entre 2010 et 2019, ce qui montre que cette thématique demeure à l’agenda et tend même à se renforcer. On observe néanmoins une diversité des thématiques codées, au-delà du journalisme : l’éducation à l’image (essentiellement de presse mais pas seulement) est la deuxième thématique la plus représentée, loin derrière le journalisme avec 34 items, suivie par la publicité (24), les fausses informations (10), les stratégies de vérification (7) et l’économie des médias (5) particulièrement depuis 2016 ; l’identité numérique (5), la vie privée (6), les données personnelles (7) et les traces numériques (1) ; l’information scientifique (5) et la datavisualisation (7) ; le droit d’auteur (9) ; les représentations de genre (4) ; l’histoire des médias (4) ; les faits divers (3) ; les débats dans les médias (8) ; l’information météorologique pour le niveau primaire (5). Les nouveaux supports d’information tels que la bande dessinée (2) et les story Snapchat (1) font une percée en 2019.