Les difficultés reliées à l’écriture du français
Nous entendons souvent que les élèves ont de plus en plus de difficulté à écrire sans fautes. Les médias se font parfois un plaisir de déplorer la piètre qualité de la langue française, notamment à l’écrit. Et ils n’ont pas tort, car les performances des élèves en orthographe grammaticale se sont dégradées au cours des deux dernières décennies (Fayol & Jaffré, 2014). Plusieurs chercheurs, au sein de la francophonie, s’intéressent d’ailleurs aux difficultés en orthographe des élèves. À ce sujet, une étude a été menée en France par Manesse & Cogis (2007) durant laquelle une dictée identique a été passée à 3048 élèves en 1987 et à 2767 élèves en 2005. L’objectif était de comparer le niveau d’orthographe des élèves français à près de vingt ans d’intervalle. Cette recherche a permis de constater que les résultats des élèves ont considérablement baissé entre 1987 et 2005. En effet, les élèves de 2005 ont fait 37 520 erreurs alors que ceux de 1987 en avaient fait 27 062. Le nombre moyen d’erreur, qui était de 8 en 1987 est ainsi passé à 13.5 en 2005 (Manesse & Cogis, 2007). En 1987 comme en 2005, ce sont les erreurs grammaticales qui étaient les plus fréquentes. Non seulement ces erreurs ont pris une place plus importante en 2005 qu’en 1987, passant de 40% à 52% des erreurs du texte, mais elles ont aussi doublé chez les élèves de 2005. En effet, ces derniers ont fait plus de 19 000 fautes grammaticales au total, alors que les élèves de 1987 en avaient fait moins de 8 500 (Manesse & Cogis, 2007).
Ce constat par rapport à la situation en France conduit à se demander si le même phénomène est observable chez les élèves québécois. Au Québec, l’apprentissage du français a aussi été questionné à quelques reprises. En 1986, le ministère de l’Éducation a soumis les élèves de cinquième secondaire à une première épreuve ministérielle de français écrit. Les résultats ont révélé que 53,7% des élèves ont obtenu une note inférieure à 60% et que leurs principales difficultés concernaient l’orthographe grammaticale, la syntaxe et la ponctuation (Ministère de l’Éducation, 1987). La faiblesse des résultats des élèves de cinquième secondaire a poussé le ministre de l’Éducation de l’époque, Claude Ryan, à lancer une vaste consultation sur la qualité du français écrit et parlé (Ministère de l’Éducation, 1987). Dans un texte accompagnant cette consultation, on pouvait lire que « les élèves de cinquième année du secondaire maîtrisent très mal les règles concernant l’usage du singulier et du pluriel, l’usage des genres, l’emploi des temps et des modes ainsi que l’accord des verbes ; ils écrivent souvent comme s’ils n’avaient jamais étudié la grammaire et la syntaxe » (Conseil supérieur de l’éducation, 1987, p.4). L’objectif de cette consultation était de « recueillir l’avis de tous les milieux concernés sur les meilleurs moyens à prendre pour améliorer l’apprentissage du français » (Ministère de l’Éducation, 1987, p.5). Dans le rapport publié à la suite de cette consultation, on évoquait, entre autres, qu’un temps trop limité était consacré à l’enseignement de l’orthographe et de la grammaire, que les élèves n’écrivaient pas assez en classe et qu’il faudrait davantage de rigueur dans les programmes, dans l’enseignement et dans l’évaluation des apprentissages en français (Ministère de l’Éducation, 1987). À la suite de la publication de ce rapport, le Conseil supérieur de l’éducation publiait un avis dans lequel il soulignait que « l’état de la qualité du français des élèves est un problème grave, qu’il constitue un enjeu individuel, scolaire et collectif majeur » (Conseil supérieur de l’éducation, 1987, p.35). Cet avis contenait différents moyens à mettre en place pour favoriser l’amélioration de la qualité du français des élèves. On y recommandait notamment que chaque établissement scolaire se dote d’un plan d’action, que le ministre de l’Éducation mette à jour les programmes de français et que les enseignants pratiquent une pédagogie axée sur des situations d’apprentissage signifiantes (Conseil supérieur de l’éducation, 1987).
En 2007, le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport se penchait une fois de plus sur la question et formait un comité d’experts pour revoir l’apprentissage du français au Québec. Deux questions principales soutenaient leur recherche : Comment soutenir l’élève dans le développement de sa compétence à écrire ? et Quels sont les gestes à accomplir pour mieux l’accompagner dans son apprentissage de l’écriture ? (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2008a, p. 3). De là est né le Plan d’action pour l’amélioration du français à l’enseignement primaire et secondaire contenant vingt-deux mesures à mettre en place dans les classes de français du primaire et du secondaire (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2008b). Parmi ces mesures, la première recommandation concerne l’harmonisation des programmes du primaire et du secondaire :
Comme le programme d’enseignement du français à l’ordre primaire et le programme d’enseignement du français à l’ordre secondaire ont été écrits par des personnes différentes à des époques différentes, le Comité recommande que le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport mette sur pied une seule équipe de rédacteurs pour procéder à leur harmonisation. L’écriture ultérieure du programme de cinquième secondaire devra s’arrimer à cette harmonisation (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2008b, p. 12).
La quinzième mesure, quant à elle, vise plutôt le développement du goût d’écrire des élèves par le biais d’approches pédagogiques innovatrices : Le Comité recommande que le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport entreprenne une recherche visant à explorer de quelle façon pourrait être exploité le goût des jeunes pour une écriture spontanée dans le but de développer leur compétence à l’écrit. Une telle recherche devrait viser la conception d’approches pédagogiques innovatrices (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2008b, p. 25).
Différentes raisons peuvent expliquer les difficultés reliées à l’écriture du français, notamment le fait que l’orthographe du français compte parmi les plus complexes au monde (Brissaud & Cogis, 2011) et qu’elle n’est pas un domaine dans lequel une stratégie unique garantit la réussite (Fayol & Jaffré, 2008). Des stratégies comme la phonographie (représentation graphique des sons), l’analogie orthographique (reconnaitre une similitude dans l’orthographe de deux mots), la morphologie dérivationnelle (formation de mots nouveaux à partir de mots existants) ou la morphologie flexionnelle (variation des formes lexicales des mots en raison de facteurs grammaticaux, par exemple l’accord au pluriel d’un mot) peuvent toutes être employées à un moment ou à un autre lorsqu’un élève écrit un mot. Il est aussi nécessaire de prendre en compte que l’apprentissage de l’orthographe de la langue française nécessite beaucoup de temps et qu’il ne peut se faire que sur plusieurs années de pratique (Fayol & Jaffré, 2014). Ainsi, malgré le fait que les enseignants de français pensent souvent que les notions de grammaire apprises au primaire sont maitrisées une fois que l’élève arrive au secondaire, la recherche de Manesse & Cogis (2007) indique qu’elles ne le sont pas nécessairement.
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