Les différents types de rétrodiffusion dans un environnement océanique

Architecture du sonar

Les deux grandes catégories de sonar sont les sonars actifs et les sonars passifs. Cette distinction actif-passif est déterminée par l’origine de l’énergie captée par le sonar. Un sonar actif s’intéresse à l’énergie renvoyée par le milieu marin quand cette énergie est la réponse du signal émis par le sonar lui-même. En contrepartie, le sonar passif capte le bruit émis par des sources externes dans l’eau. Ce dernier est utilisé, par exemple, dans le contexte militaire pour détecter les sous-marins. La première étape dans le processus du sonar actif est la génération d’une impulsion électrique, d’une fréquence, durée et amplitude données, par l’émetteur. Ce signal électrique est ensuite converti par le transducteur électroacoustique qui peut être constitué de céramique piézoélectrique qui se dilate et se contracte sous l’application du champ électrique afin de générer une impulsion acoustique de pression oscillante dans l’eau. Cette impulsion se propage à travers la colonne d’eau puis elle sera réfléchie ou diffusée par le fond et les objets présents dans la colonne d’eau ou posés sur le fond. Une partie de cette énergie est réfléchie vers l’antenne de réception qui convertit les vibrations de pression en un signal électrique qui est amplifié et converti en signal numérique par le module de réception.

L’ensemble du processus est géré par l’unité de commande qui synchronise le fonctionnement et contrôle l’émission et la réception des signaux électriques. L’unité de commande comprend généralement un dispositif pour afficher et enregistrer les signaux renvoyés. D’autres fonctions de contrôle sont aussi incorporées dans l’unité de commande pour permettre à l’opérateur de sélectionner des paramètres tels que la fréquence centrale, la fréquence de répétition des impulsions ou la portée. Il convient de noter que le sonar ne mesure pas réellement la profondeur ou la distance, mais fournit le temps aller-retour de l’onde. Dans le cas du sonar actif, le temps aller-retour est le temps mis par une impulsion de son émission à sa réception après interception avec un diffuseur [Bel95]. En mode émission, le transducteur se nomme projecteur ou base acoustique alors qu’en mode réception, il se nomme hydrophone dans le cas d’un récepteur ponctuel ou antenne pour un récepteur constitué de plusieurs transducteurs élémentaires ou capteurs. De par leur conception, les antennes favorisent certaines directions d’arrivée du signal et par extension, localisent précisément la cible [Qui01]. Les premiers sonar actifs sont : le sondeur mono-faisceau, le sondeur multi-faisceau et le sonar latéral. Ce dernier étant celui qui nous intéresse pour la suite de l’étude, nous détaillerons ensuite son fonctionnement et ses spécificités.

Spécificités des images sonar

Le signal acoustique rétrodiffusé est transformé en signal électrique et est ensuite traité pour construire l’image du fond avec les éventuels objets posés dessus, enfouis ou se trouvant dans la colonne d’eau. Généralement, l’énergie des ondes rétrodiffusées reçue par le sonar est codée sur 256 niveaux de gris. Les nuances de gris reflètent l’intensité de l’onde rétrodiffusée, qui dépend des propriétés des sédiments ou des matériaux et de la topographie (ou l’incidence) [Ehr03]. A un type de sédiment correspond un indice de rétrodiffusion du fond : par exemple la roche, les galets ou les graviers apparaissent plus clairs que les sables et les vases. Des images sonar de bonne résolution reflètent la rugosité, l’impédance acoustique et la granulométrie du fond. Le coefficient de réflectivité de certains matériaux est proche de 1 (100%), tels que l’acier ou l’aluminium (pour les ondes courtes). Ces matériaux apparaissent beaucoup plus clairs car l’énergie reçue est quasiment renvoyée sans atténuation due à l’absence de la transmission (paragraphe 2.3.4.4).

Le relief (ou la présence d’objet) influe aussi sur l’intensité de l’onde rétrodiffusée : les surfaces perpendiculaires à l’onde incidente apparaissent plus claires. Certains reliefs (ou objets) créent une zone d’ombre qui fournit une information sur leur hauteur et leur forme géométrique dans certaines configurations. La zone qui se trouve sous le sonar est appelée zone aveugle puisque cette partie du fond n’est pas correctement couverte. L’étendue de cette zone dépend de l’ouverture en site et du choix de l’angle de rasance maximale (figure 2.6). La figure 2.5 présente un exemple de l’amplitude du signal reçu dans une voie sonar (l’échogramme enregistré pour un ping sonar). En effet, la première zone (A) d’une image sonar (dite zone aveugle) correspond à la durée minimale avant que le signal émis touche le point le plus proche du fond. (B) est la réponse spéculaire du fond (à incidence normale). Les zones (C), (D) et (E) correspondent à la réverbération du fond. Les zones sont présentées séparées dans cette figure puisque la valeur moyenne de réverbération dépend de l’indice de rétrodiffusion de chacun des trois types du fond. L’écho d’une cible (F) se produit lorsque celle-ci est touchée par le signal sonar. Généralement, derrière une zone écho arrive la zone d’ombre (G). Cette zone correspond à la partie du fond (et l’environnement) occultée par la cible. Les images obtenues sont la projection sur un plan oblique des données enregistrées sur le fond. La figure 2.6 illustre la procédure de calcul des distances obliques Dmin et Dmax de début et de fin de portée à partir de la fauchée sonar sur le fond délimitée par dmin et dmax et de H la hauteur du sonar au dessus du fond. En fait, la projection se fait selon des arcs de cercles indiqués en traits pointillés.

Réverbération

L’onde émise par le transducteur peut atteindre la surface de la mer ainsi que les inhomogénéités se trouvant dans le volume d’eau (bulles d’air, aspérités, etc.) et être diffusée dans des directions aléatoires. Une partie de cette énergie sera retournée au transducteur et modifie ainsi l’image finale. Ce phénomène a deux effets : la réduction de la quantité d’énergie qui pourra atteindre le fond d’où l’augmentation de la perte qui limite la portée du signal et la génération d’un niveau constant d’une énergie parasite qui est susceptible de masquer la réponse du fond ou de la cible. Si la cellule de résolution du sonar est suffisamment grande, la rétrodiffusion de l’énergie émise répond à un phénomène appelé réverbération. La partie rétrodiffusée par la surface de la mer est la réverbération de la surface, celle rétrodiffusée par les inhomogénéités dans le volume d’eau est la réverbération du volume et la partie rétrodiffusée par le fond est la réverbération du fond. La réverbération de la surface dépend de l’état de la mer et de la position du sonar. En effet, si la surface de la mer est calme, sa contribution est une colonne étroite ayant un niveau de gris élevé, la position de cette colonne est définie par la position du sonar par rapport au fond et à la surface de la mer.

Si le sonar est plus proche de la surface, la ligne va apparaître avant la première réponse du fond est elle sera très brillante. Si le sonar est plus proche du fond, la ligne va apparaître après la première réponse du fond et sera superposée à la réverbération du fond. Dans le cas où la mer est agitée, les réflexions sur les faces internes des vagues vont produire des sortes de tâches aléatoires sur l’image sonar. Ces effets indésirables peuvent être minimisés en pointant le transducteur le plus loin possible de la surface de la mer ou en améliorant la directivité en site. Chaque type de fond est caractérisé par un coefficient de rétrodiffusion qui définit l’amplitude moyenne de l’onde rétrodiffusée. Autour de cette amplitude, des fluctuations importantes du signal reçu donnent l’aspect granulaire du fond qui est dû, principalement, au bruit de speckle (paragraphe 2.3.4.1). Sur l’image sonar, deux niveaux de speckle sont présents : un fort niveau qui est lié à la réverbération du fond et un faible niveau qui représente uniquement la réverbération de volume et éventuellement la surface, que l’on peut voir sur les zones d’ombre acoustique(absence de réverbération du fond) [Qui01].

La célérité

Le paramètre qui influe sur le chemin de propagation du son dans la colonne d’eau est la vitesse du son (en plus de son gradient), qui a une valeur nominale de 1500ms−1. La vitesse du son dans l’océan est une fonction de trois variables : température, salinité et la profondeur (ou pression). Elle change donc de manière significative avec la saison, l’heure de la journée, la météo et la position géographique, etc. Plusieurs formules ont été utilisées par la communauté des acousticiens pour caractériser cet attribut, et il n’y a pas totale unanimité sur la meilleur formule existante. Medwin [CM77] a proposé une expression simple de la vitesse du son c exprimée en m.s−1 (3.5). D’autres formules plus complexes ont été proposées par Del Grosso [DG74], Chen et Millero [MW97]. c = 1449.2 + 4.6T − 0.055T2 + (134. − 0.010T)(S − 35) + 0.016z (3.5) où T est la température en degrés centigrades, S la salinité en parties par millier et z est la profondeur en mètres. L’équation 3.5 a été proposée par Medwin pour une combinaison réaliste des variables dans l’intervalle de température de 0◦ à 35◦ centigrades, pour une salinité de 0‰ à 45‰ et pour des profondeurs jusqu’à 1km de la surface.

La propagation acoustique peut également être fortement influencée par un phénomène de nature océanographique : les ondes internes. Ces ondes constituent un des facteurs prépondérants dans la dynamique et la variabilité des océans. Elles sont parmi les principales causes des phénomènes de mélange en eaux profondes et contribuent fortement à la circulation océanique. Elles sont, de plus, à l’origine des mouvements de la thermocline. De telles fluctuations du profil de température sur différentes échelles de temps et d’espace induisent des variations du profil de vitesse du son dans la colonne d’eau. Les ondes internes ont donc un effet direct sur la propagation de l’onde [Bou06]. L’eau de l’océan est souvent divisée en 3 classes : eau profonde, thermocline ou proche de la surface. Les profils de vitesse de deux zones sont différents. En dessous de la surface de la mer la température décroît rapidement avec la profondeur ce qui constitue la principale cause de la thermocline. Sous la thermocline on arrive à une région de température constante, ce qui entraîne l’augmentation du profil de la vitesse. A température et salinité constantes, la vitesse du son augmente avec la profondeur (3.5). Près de la surface, le mélange causé par le vent produit souvent une colonne d’eau presque isotherme qui donne lieu à un profil de célérité linéaire avec un gradient positif. Un exemple de profil de la célérité du son dans l’océan est présenté dans la figure 3.1.

Table des matières

Résumé
Abstract
Remerciements
Table des matières
Liste des figures
Liste des tableaux
Abréviations
Symboles
1 Introduction générale
1.1 Motivation
1.2 Contributions
1.3 Organisation du manuscrit
2 Généralités et traitements sur les images sonar
2.1 Introduction
2.2 Notions utiles du sonar
2.2.1 Architecture du sonar
2.2.2 Principe de fonctionnement du sonar latéral
2.2.3 Antenne et directivité
2.2.4 Attributs de l’environnement
2.2.4.1 Paramètres physiques de l’eau de mer
2.2.4.2 Phénomène de réverbération
2.2.4.3 Bruit ambiant
2.2.5 Equation du sonar
2.2.6 Perte par propagation
2.2.6.1 Perte par absorption
2.2.6.2 Perte par divergence géométrique (par diffusion)
2.3 Imagerie par sonar latéral
2.3.1 Formation des images sonar
2.3.2 Spécificités des images sonar
2.3.3 Résolution du sonar latéral
2.3.3.1 Pouvoir de résolution en distance
2.3.3.2 Pouvoir de résolution en gisement
2.3.3.3 Résolution spatiale
2.3.3.4 Echantillonnage
2.3.3.5 Dimension du pixel
2.3.4 Sources d’imperfections (dégradations)
2.3.4.1 Le bruit multiplicatif (speckle)
2.3.4.2 Réverbération
2.3.4.3 Bruits
2.3.4.4 Trajets multiples
2.3.5 Distribution statistique des pixels (images sonar)
2.3.6 Signaux et traitements des données brutes
2.3.6.1 Fréquences et contraintes
2.3.6.2 Emission
2.3.6.3 Réception et traitements
2.4 Formation de la réponse acoustique d’une cible
2.4.1 Réponse acoustique (théorique) d’une cible rigide immergée dans un fluide
2.4.2 A-scan
2.5 Conclusion
3 Modélisation des images sonar
3.1 Introduction
3.2 Techniques de modélisation en acoustique sous-marine
3.2.1 Intérêt de la modélisation
3.2.2 L’équation d’onde
3.2.3 La célérité
3.2.4 Effet de la célérité sur la propagation d’onde
3.2.5 Modèles de la propagation
3.2.5.1 Méthode des rayons
3.2.5.2 Méthodes ondulatoires
3.2.6 Modèles de la rétrodiffusion
3.2.6.1 Description du phénomène de rétrodiffusion
3.2.6.2 Les différents types de rétrodiffusion dans un environnement océanique
3.2.6.3 Les modèles physiques de diffusion acoustique
3.2.6.4 La rétrodiffusion à partir d’un fond marin
3.2.6.5 Conclusion sur les modèles de rétrodiffusion du fond
3.2.6.6 La rétrodiffusion à partir d’un objet
3.2.6.7 Conclusion sur les modèles de rétrodiffusion d’un objet
3.3 Etat de l’art des simulateurs d’images sonar
3.3.1 Domaine fréquentiel
3.3.2 Domaine temporel
3.4 Motivations
3.5 Choix de la technique de modélisation
3.5.1 Approche
3.5.1.1 Optique géométrique et optique physique
3.5.1.2 Modèle simplifié de Freedman
3.5.1.3 Principe de Huygens
3.5.2 Hypothèses et Approximations
3.5.3 Le lancer de rayons optiques
3.5.4 Différences entre images optiques et images sonar
3.6 Description du modèle
3.6.1 Modèle de la propagation
3.6.1.1 Lancer de rayons acoustiques
3.6.1.2 Propagation multi-trajets
3.6.1.3 Méthode du “Photon mapping” dans l’optique (H.W.Jensen)
3.6.1.4 Méthode du “Sonel Mapping” dans l’acoustique des salles
3.6.1.5 “Roulette Russe” adaptée
3.6.1.6 Méthode du “Sonel Mapping” dans l’acoustique sous marine
3.6.1.7 Bilan de la technique des trajets multiples en SIS
3.6.2 Modèle de rétrodiffusion des cibles
3.6.3 Modèle de rétrodiffusion du fond (réverbération)
3.7 Implémentation de la méthode de lancer de rayons simple
3.7.1 Géométrie de la scène
3.7.2 Images Simulées
3.8 Effets de la célérité sur l’écho simulé d’une cible cylindrique
3.9 Comparaison des images simulées avec et sans prise en compte des trajets multiples
3.10 Conclusion
4 Classification des mines sous marines
4.1 Introduction
4.2 État de l’art des systèmes de classification des mines sous-marines
4.2.1 Classification Mine/Non Mine
4.2.2 Identification des cibles
4.2.2.1 Classificateurs basés sur l’ombre acoustique
4.2.2.2 Classificateurs qui utilisent l’écho acoustique
4.2.3 Classificateurs basés modèle
4.2.4 Appariement de gabarits
4.2.4.1 Principe
4.2.4.2 Apprentissage
4.2.4.3 Mesure de similarité
4.2.4.4 Différentes approches d’appariement
4.2.4.5 Choix de l’approche : motivations
4.3 Sélection des attributs
4.3.1 Motivation
4.3.2 Méthodes de sélection d’attributs
4.4 Méthode proposée pour la classification des mines sous-marines
4.4.1 Appariement d’A-scans
4.4.2 Phase 1 de la classification : Filtrage adapté
4.4.3 Phase 2 de la classification : gestion des ambiguïtés
4.4.3.1 Ajout de nouveaux descripteurs
4.4.3.2 Enrichissement de la base d’apprentissage
4.5 Conclusion
5 Expérimentations et résultats
5.1 Introduction
5.2 Résultats de simulations
5.2.1 Paramètres de configuration
5.2.2 Modélisation des cibles
5.2.3 Modélisation des fonds
5.2.4 Prise en compte de l’orientation
5.3 Résultats de la classification
5.3.1 Résultats de la corrélation (phase 1 de l’algorithme) sur des images réelles
5.3.2 Résultats de la corrélation sur des images simulées (phase 1 de l’algorithme)
5.3.2.1 Configurations des données
5.3.2.2 Définitions des états possibles de l’algorithme
5.3.2.3 Résultats à courte distance
5.3.2.4 Apport de la deuxième phase à courte distance
5.3.2.5 Résultats à plus grande distance
5.3.2.6 Apport de la deuxième phase à grande distance
5.3.3 Performances du classificateur
5.3.3.1 Matrice de confusion 1 (pour ECH1)
5.3.3.2 Matrice de confusion 2 (pour ECH2)
5.3.3.3 Comparaison des résultats aux 2 distances : 20m et 43m
5.3.4 Apport de l’utilisation de l’A-scan pour l’identification
5.3.4.1 Ambiguïtés levées
5.3.4.2 Objets de formes complexes
5.3.5 Robustesse du classificateur en fonction du type de fond
5.4 Conclusion
6 Conclusion générale
6.1 Bilan
6.2 Perspectives
A Annexe A
A.1 Modèles géométriques des mines simulées
A.2 Autres objets
B Annexe B
B.1 Le B-scan
B.2 Combinaison du traitement sur A-scan et B-scan
B.2.1 Limites de la corrélation 1D : Cas de l’ambiguïté MC/MM
B.2.2 Apport de la fusion A-scan/B-scan
Bibliographie

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