Les différentes formes de harcèlement
Il est vrai, que le harcèlement ou les agressions peuvent être appliquées de manières diverses. En effet, « ces actions peuvent prendre la forme d’agression physique (coups, pincements etc.), verbales (insultes, surnoms) ou de grimaces, signes, rumeurs, intimidation, ostracisme. » (Blaya, 2006, p.24). Par conséquent, il est nécessaire de faire la distinction entre les différentes formes de harcèlement qu’il existe. Unicef France (2012), énumère la liste des multiples formes de harcèlements existantes : – Harcèlement moral : moqueries, surnoms méchants, insultes et menaces. – Harcèlement physique: lorsqu’on reçoit des coups ou que l’on se retrouve souvent mêlé – sans le vouloir – à des bagarres, lorsqu’on est victime de violence physique. – Harcèlement d’appropriation: le racket en fait partie car c’est le vol de biens (objets ou argent) qui nous appartiennent. – Harcèlement sexuel: lorsqu’une personne cherche à embrasser, déshabiller ou toucher une autre personne contre sa volonté et de manière répétée. Ces différentes formes de harcèlements amènent toutes à des conséquences pour la victime, que ce soit «scolaires : décrochage scolaire, absentéisme, y compris chez les très bons élèves […], en termes de santé mentale les victimes de harcèlement subissent souvent anxiété et dépression, perte de l’estime de soi, malaises physiologiques et psychosomatiques. » (Debarbieux, 2013, p.2). Nous pouvons constater une augmentation des diverses formes de violences observables ; «cette forme de banalisation des conduites agressives tend à culpabiliser les victimes et à créer des phénomènes de renoncement, qui remettent en cause l’acte éducatif lui-même. […] Il semble admis que la relative impunité dont peuvent jouir les élèves agresseurs envers les autres membres de la communauté scolaire, favorise, sinon une augmentation de l’intensité des violences, du moins une augmentation du nombre des formes de violence. » (Joie, 2001, p.22).
Le profil des agresseurs / victimes
Selon moi, il est important de connaître les profils des agresseurs et des victimes afin de pouvoir repérer des comportements qui pourraient cacher une forme de harcèlement. « Selon une opinion fort répandue, les violences entre élèves seraient conséquence directe de l’esprit de compétition scolaire. Plus précisément, le comportement agressif des agresseurs envers leurs pairs s’expliquerait comme étant une réaction aux frustrations et échecs scolaires.» (Olweus, 1999, p.35). Il est vrai qu’il y a une relation probante entre une victime et un agresseur mais selon Bellon & Gardette (2010, p.74), il y aurait également une troisième personne qui prend une grande importance dans le harcèlement scolaire ; le public. « L’analyse des situations de harcèlement révèle l’omniprésence d’une organisation triangulaire entre la victime, 9 l’agresseur et le public. Ce point constitue la spécificité du harcèlement lorsqu’il a lieu en milieu scolaire. » (Bellon & Gardette, 2010, p.74). Il s’agit donc bien d’une dynamique liée à cette triangulation, comme le dit également Catheline (2008, p.30) «le bullying n’est pas un fait relationnel statique mais une dynamique mettant en œuvre une série d’interactions complexes entre agresseurs, victimes et spectateurs. L’intimidation est une relation dialectique dans laquelle s’instaure entre victimes et agresseurs un processus dynamique de réactions pathologiques ; il y a parfois alternance des rôles et interventions de « voyeurs » ou de tierces personnes qui influencent directement le processus. Le rôle de cet adjuvant, le spectateur plus ou moins actif, n’est pas suffisamment mis en avant alors qu’il nous semble fondamental. Etre humilié ou insulté, par exemple, est difficile à supporter, certes, mais encore plus lorsqu’il y a des spectateurs : être vu décuple le problème ». Le spectateur est donc une personne également importante dans le harcèlement scolaire. De plus ces derniers ne dénoncent généralement jamais les faits, « les attitudes de banalisation des faits s’appuient sur la conviction que ce qui vient de se passer « n’est pas si grave, tout le monde le fait un peu… ». Elles se traduisent aussi par une qualification à la baisse, sur le plan moral et juridique, de ces faits : « ce n’est pas de la violence ; la violence, c’est les coups, le sang, les blessures,… » » (Tartar Goddet, 2011, pp.12- 13). Les spectateurs ont également peur de dénoncer le harcèlement car ils risquent eux-mêmes ne pas se faire aimer ou de se faire harceler eux aussi. En effet, « la plupart des témoins n’oseront pas agir par peur des représailles. » (Castanheira, 2013). Quel est le profil d’un enfant victime de harcèlement ? Premièrement, il faut savoir qu’un enfant harcelé ira très rarement parler de son problème à d’autres personnes car « l’une des premières motivations de ce silence est la crainte de la réaction de l’agresseur » (Bellon & Gardette, 2010, p.67). Les victimes de harcèlement scolaire « sont plus angoissées et souffrent d’un manque de confiance (« insecure ») plus grand que l’ensemble des élèves. De plus, ce sont des élèves timides, sensibles et calmes. » (Olweus, 1999, p.37). De plus, selon Catheline (2008), les enfants qui sont victimes de harcèlement ont «des difficultés à s’affirmer. Ils pleurent facilement, sont très émotifs. Ce sont parfois des enfants en difficulté (langage, coordination motrice…) » (Catheline, 2008, p.38). Venons-en maintenant au profil de l’agresseur ou du harceleur. Il est clair que les connaissances que nous pouvons avoir à propos des enfants harceleurs sont moindres comparé à celle des harcelés car ces derniers ne se lamentent pas de cette condition (Catheline, 2008, p.42). D’après Olweus (1999, p.39), les agresseurs sont généralement des enfants agressifs autant envers les adultes que auprès de leurs camarades de classe. « En général, les agresseurs ont une attitude plus affirmée que l’ensemble des autres élèves vis-à-vis de la violence et du recours aux moyens violents. En outre, ils se caractérisent souvent par une impulsivité et un besoin impérieux de dominer les autres, et éprouvent très peu d’empathie à l’égard des victimes. » (Olweus, 1999, p.39). De plus, toujours selon Olweus, les élèves agresseurs sont «en fait angoissés et souffrent d’un manque de confiance caché. » et «les agresseurs ressentent un grand besoin de pouvoir et de domination » (Olweus, 1999, pp.39-40). Pour terminer, il est fondamental de préciser que ces profils de harcelés et de harceleurs sont des exemples mais il reste difficile d’en définir le portrait exact : «on ne peut pas définir de profil harcelé ou de harceleur. C’est une dynamique qui se met en place en réponse à une attaque concernant la différence. […]Et la réponse de la personne porteuse de cette différence, en situation d’être harcelée, n’est pas la bonne réponse, en tout cas pas celle qui est attendue par le groupe. C’est ainsi que le harcèlement va se mettre en place. » (Catheline, 2011, pp.18-19).
Rôles et responsabilité des enseignants
Venons-en maintenant aux enseignants et les rôles et responsabilités qu’ils peuvent avoir. Les enseignants sont-ils aussi responsables du harcèlement qu’il peut y avoir dans leur classe et ont-ils un rôle à jouer afin de prévenir ce problème? Comme le dit Lorrain (1999, p.24), «certains chercheurs se montrent critiques envers l’institution scolaire à qui ils reprochent de ne pas être suffisamment adaptée. Ils affirment que l’école ne peut plus se cantonner uniquement dans la transmission des savoirs mais qu’elle doit se transformer afin de répondre à l’évolution des publics scolaires. Ces derniers remettent en cause la formation initiale des enseignants en institut universitaire de formation des maîtres qui ne prend pas assez compte la diversité des publics scolaires. ». D’après Olweus (1999, p.29), «environ 40% des 11 élèves concernés en primaire et presque 60% au collège ont déclaré que les enseignants avaient essayé « d’arrêter ça » seulement « de temps en temps » ou « presque jamais », et d’après 65% des élèves persécutés en primaire l’instituteur ou l’institutrice n’avait pas discuté avec eux de ces agressions ». Il est vrai que les enseignants devraient être les premiers concernés par ces situations et l’école devrait être la première à devoir prendre en compte ce phénomène, mais « la violence entre élèves dans la cour de récréation est souvent banalisée par les adultes. Elle est pourtant bien réelle du point de vue des élèves, les enquêtes le montrent. » (Carra, 2010, p.4). « Le deuxième facteur essentiel concerne l’éventuel laxisme du responsable de l’enfant en cas de comportement agressif de ce dernier. Si cette personne se montre généralement laxiste et « tolérante » sans imposer de limites précises à des comportements agressifs envers pairs, fratrie, et adultes, le niveau d’agressivité de l’enfant est voué à augmenter. » (Olweus, 1999, p.44). De plus, d’après Bellon (2011, p.7), la prévention n’est pas assez présente, «les enseignants ne se rendent pas toujours compte des situations de harcèlement. Pour qu’ils y soient sensibles, il faudrait qu’on leur en ait parlé, ce qui n’est en général pas le cas. ». Ce phénomène serait-il donc également lié à un manque d’informations sur le sujet ? Nous faisons face à un avis partagé quant aux rôles des enseignants. Si pour certains, l’enseignant a un rôle primordial dans la prévention de ce problème, par exemple Bellon & Gardette (2010, p.173) qui nous disent que «la lutte contre le harcèlement ne prendra une réelle envergure qu’avec l’appui de dispositifs institutionnels.», d’autres, comme Bayart & Liatard (2011, p.20) pensent que « l’action des adultes reste limitée car les situations qui sont portées à leur connaissance ne représentent qu’une minorité des situations de harcèlement. Et c’est, sans aucun doute, les pairs eux-mêmes qui sont le mieux placés pour aider leurs camarades, d’autant plus qu’ils ont repéré depuis longtemps la situation. ». Olweus (1999, p.33) est également du même avis que Belon & Gardette en disant que « les attitudes des enseignants face aux problèmes agresseur/victime ainsi que leur comportement lors de situations d’agression sont d’un impact capital sur l’étendue des problèmes agresseur/victime dans l’école ou la classe. ». La négligence des enseignants serait également liée « au changement rapide de la société » (Catheline, 2008, pp.131-132), en effet, « les enseignants se sentent d’autant 12 plus dévalorisés que leur mission est jugée complexe ou contradictoire. Comment enseigner et éduquer à la fois ? Comment s’adresser à des classes si hétérogènes ? […] Ces changements fragilisent les enseignants qui, de ce fait, ne sont plus aussi impliqués auprès des élèves. […] En classe, l’attitude de l’adulte est déterminante dans le phénomène du souffre-douleur. La manière dont l’enseignant se sent impliqué quant à l’intégration de l’élève dans le groupe favorisera ou non l’apparition du phénomène. » (Catheline, 2008, pp.131-132).