Le vendredi 13 novembre 2015, une des plus grosses opérations terroristes connues en France est sur le point de se produire. Il est 21h20 lorsqu’un premier commando, composé de 3 hommes font exploser leurs ceintures d’explosifs aux abords du Stade de France alors que se déroulait un match amical. Le bilan est d’un mort et une dizaine de blessés graves. Peu de temps après, vers 21h25, un second commando passe à l’action dans les 10ème et 11ème arrondissements de Paris, ouvrant le feu sur plusieurs terrasses de cafés parisiens entraînant la mort de trente neuf personnes et en blessant une trentaine d’autres. Un des terroristes participant à cette attaque se fait exploser et les deux autres sont en fuite. Vingt minutes après ces deux premières attaques, un troisième commando est sur le point de passer à l’action. Ce dernier groupe a comme cible la salle de spectacle du Bataclan. Le commando terroriste pénètre à l’intérieur, abat de sang froid quatre-vingt-dix personnes et en blesse plus d’une dizaine. Les forces spéciales de la police interviennent pour mettre fin au massacre. Au total ce sont cent trente personnes qui ont perdu la vie, et quatre cent treize blessés, victimes de la folie meurtrière d’hommes se réclamant de l’État islamique ; classé comme organisation terroriste, militaire et politique qui a proclamé l’instauration d’un califat sur les territoires qu’il contrôle au Moyen-Orient. La France vient de connaître en ce jour l’attentat terroriste le plus meurtrier perpétré sous la Vème République. L’état d’urgence fut instauré par la suite par les décrets du 14 et 18 novembre 2015.
LA SPÉCIFICITÉ DES INFRACTIONS DANS LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
Le dispositif actuel de lutte contre le terrorisme est le fruit d’une longue évolution législative qui fait suite à l’inadaptation du droit lorsque cette forme de criminalité a émergé en France. La loi du 9 septembre 1986 fut la première à être votée à la suite d’attentats et de crimes commis dans les années 1970/1980 et revendiqués par des mouvements politiques « radicaux » étrangers. A la suite de nouveaux évènements, l’arsenal répressif a été complété prenant en compte les multiples formes qu’empruntait le terrorisme.
Le dispositif à ce jour, trouve sa place au sein du Livre IV du Code pénal intitulé « Des Crimes et délits contre la Nation, l’État et la paix publique », dans un Titre deuxième « Du terrorisme » aux articles 421-1 à 422-7. Le législateur a fait le choix dans un premier temps d’incriminer les principaux actes de terrorisme par le prisme d’incriminations de droit commun, déjà existantes. Dans un second temps, des actes terroristes par assimilation furent ajoutés au Code pénal, dans un souci de réprimer la diversité des comportements que peuvent adopter leur auteur. La particularité de ces actes est lié au contexte de leur exécution, et fait du terrorisme l’objet d’incriminations particulières . De plus à travers les tragiques évènements récents (l’affaire Mohammed Mérah, les attentats de Charlie Hebdo, de l’Hyper cacher, et du Bataclan, pour ne citer qu’eux), le législateur en réponse à la diversité des formes qu’endosse cette criminalité particulièrement odieuse, a consolidé l’arsenal répressif contre le terrorisme par la création d’incriminations nouvelles et spécifiques .
Le terrorisme, objet d’incriminations particulières
Le terrorisme en tant que criminalité spécifique, emprunte plusieurs formes et porte atteinte à plusieurs valeurs sociales. Prenant en compte cette diversité, le législateur s’est employé à organiser une répression accrue, en élargissant au maximum les infractions pouvant emprunter une qualification terroriste , tout en exigeant, comme circonstances particulières de commission de ces infractions, un contexte terroriste .
Les infractions poursuivant une finalité terroriste
Les éléments communs aux différentes infractions terroristes par le biais de l’article 421-1 du Code pénal
L’article 421-1 du Code pénal dispose en son premier alinéa : « Constituent des actes de terrorisme, lorsqu’elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, les infractions suivantes (…) ». Puis, il énumère une liste longue et pourvue d’incriminations, qu’elles soient prévues par le Code pénal ou par d’autres textes codifiés (Code de la défense ou encore le Code monétaire et financier) pouvant emprunter la qualification d’actes de terrorisme en fonction de l’objectif poursuivi. Ces infractions à finalité terroriste ont comme support des infractions existantes et bien connues. Plus précisément, on observe que le législateur a emprunté à des infractions existantes leurs éléments constitutifs, pour en extraire une qualification terroriste, dès lors que ces dernières s’affilient à un schéma d’intimidation ou de terreur. Ce principe de prélèvement, qualifie ce terrorisme de dérivé. En outre, ledit article du Code pénal liste limitativement des comportements pouvant subir une mutation juridique et recevoir ainsi la qualification d’actes de terrorisme sous deux conditions communes et cumulatives : d’une part que ces infractions « soient intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective », et d’autre part qu’un contexte terroriste caractérise les circonstances de commission des infractions. Ce contexte terroriste, élément commun à ces différents comportements, doit donc être souligné.
Les incriminations visées par cet article du Code pénal sont de multiple nature et se voient étoffées au gré des évènements terroristes qui frappent la France et les autres pays. Le législateur par ces incriminations entend accroître la répression en la matière. Tout d’abord, les infractions du Code pénal comme support au terrorisme, appartiennent à trois classifications que sont : les atteintes aux personnes, les infractions contre les biens, et les atteintes à l’autorité de l’État et à la paix publique.
Pour les atteintes aux personnes, sont visées non seulement les atteintes volontaires à la vie, ou à l’intégrité des personnes, mais aussi l’enlèvement, la séquestration et le détournement de tout moyen de transport. Pour les atteintes aux biens, on peut citer les vols, extorsions, destructions mais également les infractions en matière informatique. Le recel des produits de ces infractions est également incriminé. Pour les atteintes à la Nation sont concernées les infractions relatives aux groupes de combat ou encore aux mouvement dissous (articles 431-13 à 431-17 du Code pénal). D’autres infractions non présentes dans le Code pénal sont énumérées à l’article 421-1. A titre d’exemple peuvent être citées les infractions en matière d’armes, de produits explosifs ou encore de matières nucléaires définies dans le Code de la défense. De même les délits d’initié prévus par le Code monétaire et financier, sont visés par le Code pénal.
Pour en terminer, la loi du 22 juillet 1996, le recel a introduit dans l’article 421-1, le recel au titre des infractions susceptibles d’emprunter la qualification de terrorisme. Le recel ici, joue le rôle de « dénominateur commun de la plupart des infractions visées ». Ainsi est prolongé le caractère terroriste des infractions relevées aux alinéas 1° à 4° de l’article 421-1 du Code pénal. La fonction première du recel, est de pouvoir incriminer tous les comportements intervenant en aval de la chaine de participation aux infractions terroristes. L’effectivité de la répression en est accrue. Pour que l’incrimination de recel soit caractérisée, la condition classique de la connaissance par l’auteur de l’origine du bien recelé ne suffit pas, pour l’application de la qualification de « terrorisme ». Il convient en plus que l’auteur connaisse la nature terroriste de l’infraction dont l’objet du recel est tiré. Enfin une dernière condition d’ordre psychologique doit être remplie. L’auteur du recel, par son comportement, doit avoir la volonté de troubler « gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ». Cette dernière condition est donc ajoutée aux deux autres conditions du recel de droit commun .
Parmi cette liste, on remarque des infractions obstacles (fabrication ou détention d’engins explosifs par exemple), qui démontrent une volonté préventive et une finalité de plus en plus répressive du législateur français. Celui-ci n’hésite plus à sanctionner l’accomplissement d’actes préparatoires, pour éviter le résultat redouté.
Plusieurs éléments communs peuvent être identifiés concernant les infractions mentionnées à l’article 421-1 du Code pénal. En premier lieu, la valeur sociale protégée. Même si chaque incrimination protège une valeur sociale établie en amont par le législateur, en matière de terrorisme les choses se complexifient. En effet, plusieurs valeurs sont protégées : la vie, la propriété pour ne citer que celles ci. Une valeur sociale particulièrement importante, se dégage derrière la multiplicité des intérêts protégés : L’État et la paix publique. En effet, le terrorisme a pour but de troubler gravement l’ordre public et à fortiori la paix publique. Le Livre IV du Code pénal en est l’illustration, car le législateur a priorisé la Nation comme objet de protection absolue contre le terrorisme. Le terrorisme dérivé est donc regroupé au sein d’un seul article dont le but est d’éviter son éclatement au sein du Code pénal. En second lieu, on remarque que la plupart des infractions citées au sein de l’article 421-1 du Code pénal sont des infractions matérielles, c’est à dire que le résultat réel (« le dommage envisagé dans sa dimension socialement redoutable » ) se confond avec le résultat légal de l’infraction (qui consomme l’infraction). Tel est le cas des incriminations de meurtre, d’assassinat, de vol, d’enlèvement et de séquestration, de recel etc… En outre, dans un souci de répression accrue, le législateur a introduit de plus en plus d’infractions formelles, c’est à dire d’incriminations de comportement délictueux indépendamment de tout résultat (par exemple les infractions en matière d’armes, ou encore l’empoisonnement).
Introduction |