Les dégénérescences rétiniennes héréditaires

Les autres dégénérescences rétiniennes

L’amaurose congénitale de Leber (LCA) est une affection autosomique récessive distincte des autres dystrophies rétiniennes et responsable d’une cécité congénitale. Cette pathologie est la forme la plus sévère des dystrophies rétiniennes héréditaires car le diagnostic est généralement posé à la naissance ou au cours des premiers mois de vie chez un enfant atteint de cécité totale (Perrault et al., 1996). Seize gènes différents ont été identifiés comme responsables de l’ACL.
Ces gènes sont tous exprimés dans les photorécepteurs ou l’épithélium pigmentaire rétinien, mais sont impliqués dans des mécanismes complètement différents. Les patients souffrantd’achromatopsie ont peu ou pas de fonction des cônes et une absence totale de perception des couleurs (Hirji et al., 2018; Kohl et al., 2000; Kohl et al., 1998). La maladie de Stargardt (STGD1) provoque une dégénérescence progressive des photorécepteurs de la macula au centre de la rétine qui se caractérise généralement par une perte progressive de la vision centrale entraînant une vision trouble et aggravant parfois la difficulté de s’adapter à l’obscurité. Lavision périphérique est généralement normale (Allikmets, 1997). Cette pathologie apparait en général entre l’âge de 6 et 15 ans. Contrairement à la RP, les dystrophies cônes-bâtonnets sont caractérisées par la séquence inverse de la RP, c’est-à-dire une atteinte primaire des cônes ou par une perte concomitante des deux types de photorécepteurs (Hamel, 2007). Il existe d’autres dégénérescence rétiniennes héréditaires moins handicapantes. Dans la cécité nocturne congénitale stationnaire (CSNB) caractérisé par la perte de la vision nocturne, seuls les bâtonnets sont affectés puisqu’ils sont non fonctionnels, mais viables (Zeitz et al., 2015). Toutes ces maladies décrites ci-dessus constituent les principales maladies rétiniennes héréditaires non syndromiques (Cremers et al., 2018). Parmi les formes syndromiques, on trouve le syndrome d’Usher, la cause la plus fréquente de surdité héréditaire provoquant également une RP (Eudy et al., 1998; Weil et al., 1995) et le syndrome de Bardet Biedl qui est une ciliopathie caractérisée par une dystrophie rétinienne accompagnée d’obésité, de polydactylie, d’insuffisance rénale, d’hypogonadisme et de troubles cognitifs (Katsanis et al., 2000; Mockel et al., 2011). Les gènes qui causent ce syndrome participent à la formation d’un complexe protéique stable nommé le BBSome impliqué dans le trafic vésiculaire via le cil connecteur entre le segment interne et externe des photorécepteurs (Nachury et al., 2007).
La génétique des dégénérescences rétiniennes héréditaires est très complexe (Table I).
Parmi les gènes de la RP dont le profil a pu être examiné, le profil d’expression type bâtonnets représente 45% (Blond and Leveillard, 2019). La liste des gènes porteurs de mutations causant la RP est enrichie en gènes exprimés par les photorécepteurs (bâtonnets et cônes). Pratiquement tous les gènes impliqués dans la cascade de phototransduction et dans le cycle de la vitamine A portent des mutations chez des patients souffrant de dégénérescences rétiniennes héréditaires (Humphries et al., 1992; Thompson and Gal, 2003). Il est intéressant de s’arrêter sur le gène RPE65 qui a été identifié comme un gène codant une protéine de 65 kDa exprimée spécifiquement par l’EPR (Hamel et al., 1993). RPE65 est impliqué dans l’amaurose congénitale de Leber, la seule forme de dégénérescence rétinienne héréditaire traitée par thérapie géniquecorrective à ce jour (Acland et al., 2001; Bainbridge et al., 2008; Cehajic-Kapetanovic et al., 2020; Cideciyan et al., 2013; Maguire et al., 2008; Patel et al., 2016; Russell et al., 2017).

Les thérapies des dégénérescences rétiniennes héréditaires

La thérapie génique

Les dégénérescences rétiniennes héréditaires sont des maladies génétiques dont les signes cliniques sont hétérogènes, mais qui mènent inexorablement à la cécité. Ces maladies émergent désormais comme cibles de thérapies géniques pour des essais cliniques (Kumaran et al., 2018; Takahashi et al., 2018; Trapani and Auricchio, 2019). La ferveur pour ces thérapies est motivée par le récent traitement de l’amaurose congénitale de Leber (LCA) une maladie cécitante grave avec mutation autosomiques récessives du gène RPE65 (LCA2) par un vecteur viral adénoassocié recombinant (AAV) qui corrige le déficit génétique chez ces patients (Apte, 2018; Kaiser, 2011). La protéine RPE65 a été découverte en 1993 comme étant une protéine de 65 kDa exprimée spécifiquement par l’EPR (Hamel et al., 1993). Le même groupe a rapporté en 1997 que des mutations perte de fonction dans le gène codant RPE65 causent certaines formes de LCA (LCA2) (Marlhens et al., 1997), et que RPE65 est essentiel pour la trans-isomérisation des esters tout-trans rétinol, en observant une accumulation de ces esters dans l’EPR de la souris Rpe65-/- (Redmond et al., 1998). L’accélération de cette recherche est liée à la découverte d’un modèle animal de LCA2 de grande taille, un chien briard (Aguirre et al., 1998). En 2001, un consortium de vétérinaires, de cliniciens et biologistes a montré le bénéfice pour la vision de l’injection sous-rétinienne d’un AAV de sérotype 2 codant RPE65 dans ce modèle canin (Acland et al., 2001). Lancelot, le premier chien briard dont la vision de l’œil traité a été restaurée a été pris en photo devant le congrès américain lors d’une réunion destinée à redonner espoir dans la thérapie génique après des années de doute (Barbour, 2000; Lehrman, 1999; Marshall, 1999). Cela a encouragé trois groupes indépendants à lancer les premières études chez l’homme. Celles-ci ont conduit au succès de la phase I d’essais cliniques, publiés en 2008 (Bainbridge et al., 2008; Cideciyan et al., 2008; Maguire et al., 2008). Néanmoins, le bénéfice du traitement sur une longue durée était controversé (Ledford, 2015). Le groupe dirigé par Jean Bennett a rapporté l’absence d’effets indésirables associés au traitement de l’œil controlatéral des patients (Bennett et al., 2012), tandis que les deux autres groupes ont signalé l’absence de bénéfice pour les patients traités sur le long terme (Bainbridge et al., 2015; Cideciyan et al., 2013; Jacobson et al., 2015b). L’absence de persistance du bénéfice du traitement chez certains patients a été interprétée en s’appuyant sur l’histoire naturelle de la maladie (Beltran et al., 2015; Boye et al., 2014). L’absence de conversion du tout-trans-rétinol en 11-cis-rétinal lié à une mutation du gène RPE65 interrompt la réapprovisionnement des photorécepteurs en opsines fonctionnelles et sensibles à la lumière (Wright et al., 2015). L’administration d’une copie fonctionnelle de RPE65 par thérapie génique correctrice rétablit ce déficit visuel. Mais, comme les patients LCA2 subissent une dégénérescence des photorécepteurs dès la première décennie de vie, la thérapie ne semble pas enrayer le processus de perte des photorécepteurs qui se poursuit après traitement ce qui limite le bénéfice de cette thérapie (Caruso et al., 2010). Par conséquent, si la maladie a progressé jusqu’à un certain stade, la restauration de la fonction de RPE65 améliore la fonction visuelle mais ne serait pas en mesure de stopper la dégénérescence des photorécepteurs. D’un autre côté, Les résultats d’un essai clinique randomisé de phase 3 financé par Spark Therapeutics sur les bénéfices de l’injection sous-rétinienne d’AAV2-hRPE65v2 développée par Jean Bennett ont été publiés en juillet 2017. Cette étude inclut des patients pour lesquels la vision a été préservée pendant 3 ans (Russell et al., 2017). La food and drug administration (FDA) des États-Unis a approuvé la thérapie génique utilisant AAV2-hRPE65v2 (Luxturna®) pour le traitement des patients présentant des mutations bialléliques RPE65 en décembre 2017, suivie par l’agence européenne des médicaments (AEM) en novembre 2018 (Apte, 2018). La société Spark Therapeutics a annoncé que la société suivra les patients traités pendant 15 ans. Jean Bennett et son équipe ont été les premiers à se lancer dans cette grande aventure. De nombreuses autres dégénérescences rétiniennes héréditaires récessives pourraient être traitées en restaurant la fonction du gène altérée par les mutations en introduisant une copie normale de ce gène (Trapani and Auricchio, 2019). Le seul argument négatif contre cette approche est un coût très élevé pour la société car il existe plus d’une centaine de gènes qu’il faudrait corriger un par un (Darrow, 2019). Les problèmes de coût par rapport aux avantages deviendront de plus en plus importants à mesure qu’une vague de nouvelles thérapies coûteuses sera testée sur des populations de patients d’effectif de plus en plus réduit seront développées et approuvées (Blond and Leveillard, 2019).
Pour les formes dominantes de dégénérescences rétiniennes héréditaires, la situation est plus complexe comme l’illustrent les mutations dominantes du gène du facteur d’épissage PRPF31 (Vithana et al., 2001). Étonnamment, la plupart des pedigrees familiaux contiennent des individus porteurs affectés et non affectés. Ceci s’explique par une haplo-insuffisance

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L’édition du génome

Les progrès récents dans l’édition du génome à l’aide de la technologie CRISPR/Cas9, qui consiste de manière simple et efficace à couper l’ADN à un endroit bien précis du génome dans n’importe quelles cellules, ont conduit au développement d’approches thérapeutiques de la RP par édition du génome in vivo (Suzuki et al., 2016; Vagni et al., 2019). Le ciblage in vivo du gène neural retina-specific leucine zipper (NRL) au sein des bâtonnets à l’aide de la technologie CRISPR-Cas9 a été utilisé pour réprimer la différenciation des bâtonnets afin de contourner l’effet délétère des mutations de gènes exprimés par les bâtonnets lors de leur maturation (Moreno et al., 2018).

La neuroprotection

D’autres approches de thérapie indépendantes des mutations ont été développées, visant à prévenir un événement commun de la perte des bâtonnets dans la RP. Les chercheurs ont commencé par cibler l’apoptose puisque c’est le destin final des bâtonnets dans les modèles animaux et chez les patients atteints de RP (Marigo, 2007; Samardzija et al., 2006). La surexpression de l’histone désacétylase 4 (HDAC4), ou même de son domaine N-terminal, supprime la mort cellulaire et prolonge la survie des bâtonnets dans un modèle autosomique récessif de RP, la souris rd1, un modèle autosomique de RP (Guo et al., 2015). L’administration du facteur neurotrophique ciliaire (CNTF) protège les photorécepteurs de divers modèles murins de RP (Lipinski et al., 2015), mais son utilisation comme traitement de la RP n’a pas été confirmée lors de l’essai clinique de phase 3 (Birch et al., 2016). La régulation à la baisse de l’activation de la microglie à l’aide du microARN, miR-204 (Karali et al., 2020) ou de la fractalkine, une forme soluble de la chimiokine CX3CL1 prévient la mort cellulaire des photorécepteurs dans plusieurs modèles murins de RP (Wang et al., 2019a). Les dommages oxydatifs ont été ciblés avec succès en délivrant le facteur nucléaire du facteur de transcription, erythroid 2 like 2 (NFE2L2), connu aussi sous le nom de NRF2, qui régule des centaines de gènes qui protègent les photorécepteurs des effets délétères du stress oxydant (Xiong et al., 2015). Le fer est sans doute impliqué dans les dommages résultant de l’oxydation puisque la transferrine injectée par voie intrapéritonéale empêche la dégénérescence des photorécepteurs chez les souris rd10, un modèle autosomique de RP (Picard et al., 2010). D’autres approches ont été utilisées pour subvenir aux besoins métaboliques des photorécepteurs (Petit and Punzo, 2015; Zhang et al., 2016).
La limite principale de ces approches ciblant les bâtonnets est que les patients atteints de RP sont souvent identifiés par les ophtalmologistes après une consultation entreprise à un stade où les photorécepteurs à bâtonnets sont déjà morts. La dégénérescence des bâtonnets conduit à la cécité nocturne. Ainsi, pour les patients vivant en milieu urbain, les problèmes de vision nocturne peuvent ne pas apparaître avant que la maladie rétinienne ne soit à un stade avancé.
Par conséquent, prévenir la dégénérescence des bâtonnets ne sera plus dificile pour ces patients.
Il existe également des preuves d’un excès de stress oxydatif dans les yeux des patients atteints de RP. La N-acétylcystéine (NAC) est un dérivé de la L-cystéine qui neutralise ellemême les espèces réactives de l’oxygène, mais qui est également convertie en cystéine utilisée pour biosynthétiser le glutathion, un composant majeur dans le maintien du potentiel redox du cytoplasme de la cellule. Dans le modèle de souris rd10 de RP, l’administration orale de NAC a favorisé la survie prolongée des cônes et le maintien de la fonction électrorétinographique des cônes. Une étude de phase I visant à évaluer l’innocuité, la tolérabilité et les effets du traitement par la NAC a été réalisée (Campochiaro et al., 2020). Trente sujets ayant reçu un diagnostic clinique de RP avec des symptômes d’héméralopie et de réduction du champ visuel périphérique ont été recrutés dans l’étude. Les résultats suggèrent qu’une partie de la réduction de la sensibilité maculaire observée dans les yeux des patients non traités atteints de RP modérément avancée est probablement due initialement à un dysfonctionnement des cônes plutôt qu’à la mort de ces derniers et que la réduction du stress oxydatif par l’administration de NAC peut améliorer la fonction des cônes, entraînant une amélioration de la sensibilité maculaire et de légères améliorations de l’acuité visuelle. Mais un total de 70 événements indésirables (EI) sont survenus pendant les 36 semaines de l’essai. On a estimé que 11 EI étaient probablement liés à la NAC et 9 d’entre eux concernaient le système gastro-intestinal. La plupart étaient d’intensité légère à modérée et se sont résolus spontanément sans interruption de la posologie. Cependant, chez 3 sujets, l’apparition des symptômes a coïncidé avec une augmentation de la dose, de sorte que le bénéfice du traitement est contrebalancé par les effets secondaires de la molécule synthétique.

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