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Avant propos : Une thèse CIFRE : pourquoi, comment ?
Rappelons tout d’abord qu’un contrat CIFRE (Contrat Individuel de Formation par la REcherche) est un contrat tripartite entre une entreprise, en l’occurrence EDF SEPTEN, un laboratoire de recherche, ici le LCPC6, et un jeune chercheur inscrit en thèse. Notons par ailleurs, que le LMDC7, le laboratoire de génie civil de Î’INSA de Toulouse a été associé comme partenaire au projet pour ses compétences complémentaires de celles du LCPC en matière de fluage, d’étude de la microstructure et de la fissuration.
Ces types de contrat de formation par la recherche ont été crées en 1983, à l’initiative du ministère de la recherche et de la technologie, pour encourager la collaboration Entreprise / Laboratoire de recherche, et faciliter l’accès des entreprises au savoir faire détenu par le monde de la recherche. Par ailleurs, le laboratoire y trouve aussi son intérêt en traitant de vrais problèmes industriels avec des équipes industrielles qui disposent de réelles compétences technologiques et de moyens financiers relativement importants. Enfin, l’entreprise bénéficie d’une bourse de l’ordre de 90 kF / an qui couvre une partie du salaire du jeune chercheur embauché.
Nous pensons qu’il est aussi nécessaire de situer en quelques lignes EDF SEPTEN8 : Service Etudes et Projets Thermiques Et Nucléaires au sein d’EDF.
EDF-GDF, par sa mission d’entreprise publique de production, de transport et de distribution d’électricité et de gaz naturel est l’une des plus grandes entreprises françaises. En fait, elle est divisée en trois entités élémentaires : EDF, GDF et EDF-GDF Services. EDF et GDF ont chacune leur propre direction et leurs propres services qui regroupent les activités qui leur sont propres : Production et Transport, Etudes et Recherches, Equipement, Services Financiers, Juridiques et Commerciaux. Par contre, EDF et GDF ont confié à EDF-GDF Services la distribution et la commercialisation de l’énergie électrique (28 millions de clients) et du gaz naturel (9 millions de clients).
EDF a une organisation en cinq grands secteurs d’activités qui dépendent de la Direction Générale:
La Direction des Etudes et Recherches (DER).
La Direction de l’Equipement qui a pour mission la construction et i’appui technique pour la gestion du parc hydraulique et nucléaire.
La Direction de la Production et du Transport gère le parc nucléaire et fournit l’électricité au réseau et qui achemine le courant depuis les centres de production jusqu’aux gros postes de transformations dans tout le pays.
Les Services Financiers, Juridiques, Commerciaux. Prospectives et Stratégies.
Au sein de la Direction de l’Equipement, Le SEPTEN est le service central de conception. Il définit les références et les spécifications techniques. Son secteur d’activité est assez vaste et comprend :
Recherche et développement (physique industrielle, développement des méthodes de calculs, qualification des équipements) en liaison avec la DER ;
Définition de la doctrine d’EDF en matière nucléaire (sûreté nucléaire, documents techniques, spécifications, normes, principes de fonctionnements des systèmes et des équipements) ;
Retour d’expérience (analyse du fonctionnement, modifications) ;
Préparation des projets (études techniques et économiques, sélection des équipements, choix techniques).
Enfin, pour être précis, le SEPTEN comprend quatre départements techniques :
le département Théorie,
le département Equipement,
le département Systèmes et Installations,
Se département Sûreté nucléaire et Radioprotection.
dans lesquels travaillent 260 ingénieurs (pour 430 personnes en tout).
Le travail de thèse que nous présentons s’inscrit, dans le cadre du SEPTEN, dans le département Systèmes et Installations, au sein de la division Génie Civil.
Il est très surprenant, pour un jeune chercheur, de constater que les liants hydrauliques1 étaient déjà connus au temps des romains, qui mettaient à profit la pouzzolanicité2 des cendres de volcan (comme la terre de Pouzzoles près de Naples) ou celle de la terre cuite pilée pour former, par adjonction de chaux, les premiers mortiers dont ils se servaient dans leurs maçonneries. Ces premiers liants hydrauliques constituaient déjà un net avantage par rapport à l’utilisation des mortiers à base de chaux seule, qui conduisaient certes à des résistances3 convenables, mais avaient le grave inconvénient d’avoir un durcissement très lent et d’être solubles dans l’eau, ce qui conduisit, bien des siècles plus tard, à de graves déboires, notamment en matière de construction fluviale !
Il faut attendre le 19èmc siècle avec Vicat (1812) pour voir apparaître les premiers ciments Portland artificiels (CPA) et encore quelques dizaines d’années pour qu’émergent les premières constructions en béton armé : Lambot (1844) avec la première barque en béton armé puis Monier (1849) avec ses jardinières en béton armé, Mais en 1906, date du premier règlement français de béton armé, le matériau béton est encore mal connu. Le règlement n’affirmait-il pas que « …le module élastique du béton est, comme celui de l’acier, pratiquement constant » ? Les premiers travaux de Freyssinet sur l’arche d’essai4 de Moulins sur Allier (1908) ne date que de deux ans plus tard. Les déformations différées du béton
L’hydraulicité est la propriété que possède un produit de former avec l’eau, par gâchage, une pâte qui va durcir même en absence d’air, tout en présentant les caractéristiques propres aux liants : adhérence et cohésion interne (Deloye, 1993).
2 Une matière est dite pouzzolanique si elle a la propriété de se combiner à la chaux vive (CaO) en présence d’eau (en solution, la chaux vive devient alors de la chaux éteinte : Ca(OH>2) pour former des liants hydrauliques (Deloye, 1993).
La chaux n’est pas à proprement parler un liant hydraulique, car son durcissement très lent est lié à la transformation de la chaux en carbonate de calcium par le C02 de l’air suivant les équations chimiques suivantes : Lorsqu’on mélange de la chaux avec de l’eau, la solution obtenue est fortement basique : CaO + H2 0 -» Ca(OH)2 -» Ca++ + 20ÍT
La carbonataron (passage en solution du C02 de l’air) se traduit au contraire par une plus grande acidité de la solution : C02 + 3H20 -> COf + 2H30+
Les ions calcium se combinent alors avec les ions carbonate ; le pH de la solution finale diminue donc : Ca++ + 20H- + CO, » + 2H30+ -* CaCO, + 4H20
II n’a pas à l’époque suffisamment confiance dans le règlement de 1906 et engage la construction d’une arche d’essai de 50 m de longueur avant d’entreprendre la construction des trois ponts sur l’Allier. Le tirant à la base de l’arche constitue la première application de la précontrainte.
valurent d’ailleurs à Freyssinet bien des déboires pour 3 a construction de ses premiers ponts sur l’Allier comme le Pont de Veurdre en 1912 et de Boutiron en 1913 (Freyssinet, 1993). Comme dans bien des cas, les déboires sont riches d’enseignements, puisqu’ils lui permirent de soupçonner l’existence des déformations différées et du comportement viscoéîastique du béton.
C’est justement la maîtrise des problèmes de fluage et de retrait du béton concomitamment avec les progrès réalisés sur les aciers (à très hautes limites élastiques) qui permirent à Freyssinet de maîtriser la tension des câbles de précontrainte dans le temps et de déposer le premier brevet sur la précontrainte en 1929. Il réalisera par la suite de très nombreux ouvrages précontraints (Freyssinet, 1993).
De nos jours, le béton, par ses multiples applications, est îe premier produit industriel en tonnage ; et les ingénieurs savent qu’économiquement parlant, puisque son utilisation en traction nécessite l’emploi d’armatures passives, le béton doit être préférablement utilisé dans le domaine des compressions, quitte à s’y ramener artificiellement en exploitant les possibilités de la précontrainte.
De nos jours, le béton est un matériau beaucoup mieux connu et les règlements, qu’ils soient français (BAEL, 1991 ; BPEL, 1991) ou étrangers, sont bien plus complets que leur lointain ancêtre de 1906. Cependant le béton, matériau fragile en extension, hétérogène, poreux et hors d’équilibre recèle encore de nombreux secrets. Ainsi les chercheurs sont-ils encore à la recherche des phénomènes physico-chimiques (Acker, 1988) à l’origine des désordres constatés sur structure (le récent congrès de Barcelone en 1993 (ConCreep 4) consacré exclusivement au fluage et avec plus d’une centaine de communications en est la preuve) et travaillent encore sur l’optimisation des méthodes de formulation du matériau en vu d’obtenir ou d’améliorer telle ou telle propriété. Dans le cas des déformations différées, qui sont au centre de ce travail, les règlements se basent encore principalement sur l’expérience et proposent le plus souvent des expressions empiriques calées sur un grand nombre de résultats issus de la littérature. Le cas des modèles proposés par Bazant : le « BP-KX model » dans sa dernière version (Bazant, 1992a), est particulièrement édifiant. Les principaux paramètres dont on sait qu’ils interviennent dans les déformations différées comme la température, l’humidité, la teneur en granulat, le rapport eau/ciment sont pris en compte dans le modèle ; les fonctions traduisant la cinétique des phénomènes sont correctement argumentées par des temps équivalents calculés à l’aide d’une loi d’Arrhénius pour prendre en compte le vieillissement et la température ; elles vérifient les conditions théoriques de base concernant les effets d’échelle sur le séchage etc.. Cependant, on est assez surpris de voir, à l’heure actuelle, que la seule solution proposée par l’auteur consiste en un super-lissage d’une demi-douzaine de paramètres (pour chaque composante de la déformation différée), argumentes5 Ce type de modèle, qui donne pourtant de très bons résultats dans la plupart des cas, ne met cependant pas le concepteur à l’abri de certaines surprises, notamment quand il étudie des bétons très particuliers comme ceux de Flamanville ou de Paluel. De compositions voisines (seule la minéralogie du granulat diffère), et pourtant les deux bétons ne présentent pas du tout le même comportement différé. Notons enfin que ce type de modèle ne permet pas d’utiliser les expressions des paramètres dans toute la gamme des bétons imaginables où e, c, a, g et s sont respectivement les quantités pondéraies en eau, en ciment, en granulat (a = g + s), en graviers et en sable. fc est ia résistance à 28 jours puisqu’on ne peut pas faire tendre s, p ou c vers des valeurs très faibles. Ce type de modèle n’est vraiment fiable qu’à l’intérieur du domaine dans lequel il a été élaboré et n’offre aucune garantie (i.e. par estimation de l’erreur) dès que l’on en sort.
Le type de modèle ci-dessus doit être comparé à son vis-à-vis français : le BPEL qui, lui, au contraire, a adopté, d’emblée, une très grande simplicité d’utilisation mais en contrepartie passe sous silence un grand nombre de paramètres pourtant essentiels et propose de prendre la même déformation de fluage ou de retrait pour tous les bétons (sauf pour les BHP) ! Le fait que l’on trouve des modèles et des philosophies si différentes cache en fait une méconnaissance des véritables phénomènes physiques et chimiques dans toute leur complexité et qui sont à l’origine des déformations différées.
Dans cette étude, nous allons être confronté à un problème industriel important qui résulte de cette méconnaissance des ingénieurs, comme pour Freyssinet il y a 60 ans, vis-à-vis de la cinétique et de l’amplitude des déformations différées du béton. Le cas des centrales nucléaires a cela de très particulier que ce sont des ouvrages dont l’épaisseur est de l’ordre du mètre donc relativement peu courants en génie civil (les âmes de pont ou les poteaux porteurs de bâtiment ont plutôt des épaisseurs comprises entre 10 à 30 cm) et où l’on souhaite pouvoir évaluer l’ordre de grandeur des déformations du béton au bout de 40 années d’activité de la centrale soit 45 à 50 ans après la construction. La taille du mur à considérer et la durée sur laquelle on veut avoir des ordres de grandeur ne permettent pas, techniquement et économiquement, une expérimentation à l’échelle 1:1 sur 50 ans. Dans ce cas-là comme dans tant d’autres, la seule possibilité pour l’ingénieur consiste à proposer une modélisation, à caler les paramètres de son modèle sur un programme expérimental adéquat puis à valider les simulations sur les premiers résultats in situ dont on dispose, soit environ 10 années de mesures.
Le plan que nous avons choisi pour ce mémoire comporte trois grandes parties. La première partie s’attachera à préciser le contexte industriel de l’étude et les grands axes du problème qui nous est posé par EDF, puis nous donnerons les principaux résultats de notre programme expérimental. Dans la deuxième partie, nous proposerons une modélisation relativement fine de chaque déformation différée du béton, suivant le mot d’ordre « diviser pour mieux modéliser » et enfin, dans la dernière partie, nous nous attacherons à donner les principaux résultats et les prévisions des déformations différées sur enceinte, et à tirer les enseignements généraux de cette étude.
Notons de plus que nous avons préféré ne pas consacrer la première partie à une traditionnelle analyse bibliographique. A notre avis, le sujet, par’son champ d’action relativement large, ne s’y prête guère et conduirait à de très longs développements comme dans la première partie des actes du symposium ConCreep 4 (Bazant, 1986b). Nous avons préféré, d’une manière que nous pensons plus vivante, rappeler l’état des connaissances au fil du texte, notamment dans la deuxième partie, au début de chaque chapitre sur les déformations différées du béton.
Nous consacrons le début de cette première partie à une présentation générale du nucléaire en France et des choix qui ont été réalisés en matière de politique énergétique depuis les années 1950. Ce sont ces choix qui ont modelé notre façon de se positionner par rapport à l’énergie et en particulier par rapport à l’électricité. Enfin, nous entrons plus précisément dans le vif du sujet par une description précise de la partie gérde civil des centrales nucléaires. Nous présentons la politique de suivi des pertes de précontrainte et d’auscultation d’EDF, et nous présentons les principaux résultats obtenus depuis le début du programme nucléaire. Enfin, nous posons d’une manière précise notre sujet, ses tenants et aboutissants, ses objectifs et les difficultés auxquelles nous allons être confrontés en terme d’ingénierie des matériaux et de mécanique des structures.
EDF et l’énergie en France
EDF, un service public depuis 1946
C’est la loi de nationalisation du 8 avril 1946 qui définit l’organisation du service public de l’électricité en France et crée par la même occasion l’entreprise de production-transport-distribution d’électricité que l’on connaît : Electricité de France (EDF). Cette loi a pour but d’unifier, de rationaliser et de développer le système électrique national au sortir de la seconde guerre mondiale. Elle précise entre autres les missions et les obligations d’EDF. Nous en retiendrons quatre :
Obligation de desserte sur tout le territoire national d’une alimentation électrique de qualité. Sécurité de l’alimentation. Compte tenu du rôle vital de l’électricité pour une société industrielle, assurer la sécurité de l’alimentation en électricité suppose un sur-dimensionnement de l’appareil production-transport-distribution et un choix judicieux des énergies primaires mises en oeuvre pour la production d’électricité. Cela implique aussi une satisfaction à tout instant des besoins en électricité. La gestion des aléas de la demande au cours du temps, puisque l’électricité n’est pas stockable, conduit donc EDF à être capable, à tout instant (via le centre de dispatching national) de faire coïncider l’offre et la demande d’électricité.
Egalité de traitement pour tous les consommateurs (particuliers et industriels) sur la base de tarifs affichés et uniformes.
Recherche du moindre coût pour tous les utilisateurs. Pour faire face au caractère de monopole de la vente de l’électricité, l’état contrôle le prix du kWh et veille à ce que les gains de productivité d’EDF ainsi que les bons résultats financiers de l’entreprise soient directement retransmis sur le coût de l’électricité. La planification d’ensemble des moyens de production permet également de développer le parc à moindre coût en minimisant les coûts d’exploitation. C’est un avantage essentiel de l’intégration au sein de la même entreprise des activités de production, de transport et de distribution.
Notons pour finir que, sur le fond, ces statuts n’ont pratiquement pas évolué depuis 1946 jusqu’à nos jours et restent encore entièrement d’actualité.
Les enjeux de la politique énergétique française
Depuis le début de l’ère industrielle, la production d’énergie en France a subi trois révolutions majeures :
Jusqu’en 1950, la France se suffit principalement à elle-même grâce à ses propres ressources : hydraulique, charbon, et gaz de Lacq. Mais dès 1960, la plupart des énergies fossiles nationales ne suffisent plus. Les ressources dans l’hexagone deviennent rares, et les coûts d’extraction deviennent rédhibitoires alors que la demande augmente.
Entre 1960 et 1973, on assiste à une croissance considérable des besoins en énergie primaire, qui passent de 85 Mtep à 183 Mtep. Par ailleurs, on assiste à l’envahissement du marché par une énergie sans cesse plus abondante, très bon marché et facilement utilisable le pétrole. Dans ce contexte, le pétrole va rapidement s’imposer à tous les pays, dans tous les domaines. Il couvre 70 % des besoins énergétiques en France en 1973.
Lors des chocs pétroliers de 1973 et 1974, le prix du pétrole est multiplié par 4 en dollar et le dollar s’envole. La facture pétrolière représente la plus grosse part de nos importations et la France est dépendante énergétiquement des pays du Moyen-Orient. Le coût de l’énergie est un frein à la croissance et au développement
En 1974, au vu de la situation énergétique du pays, les pouvoirs publics établissent une véritable politique énergétique sur le long terme, qui vise à concilier au mieux trois objectifs :
satisfaire les besoins en énergie du pays;
assurer la sécurité de son approvisionnement;
assurer l’indépendance énergétique de la France.
Cette nouvelle politique comporte trois volets ;
Maîtriser les besoins énergétiques grâce à une politique d’utilisation rationnelle de l’énergie et d’économie d’énergie : optimisation des procédés industriels, réduction de la consommation des véhicules, isolation thermique des habitations etc.
Faire une place importante au nucléaire dans la production d’électricité et dans le bilan énergétique national en se fixant comme objectif de réduire la dépendance énergétique de 75% à 50% à l’horizon des années 1990.
Diversifier les sources d’approvisionnement extérieures. En 1973, le pétrole couvrait près de 70 % de la consommation française d’énergie et le Moyen-Orient représentait 75 % de notre approvisionnement pétrolier. En 1992, la part du pétrole ne représente plus que 42%, qui sont fournira 50 % seulement par les pays du Moyen-Orient.
Cette nouvelle politique, très ambitieuse à l’époque, est une véritable révolution tant au niveau politique et industriel que domestique. Cependant les résultats sont là. La relation entre croissance économique et croissance des importations pétrolières qui prévalait avant 1973 a été brisée. Le mérite en revient pour un tiers aux économies d’énergie et pour deux tiers au nucléaire.
Pour fixer les idées, sans toutefois vouloir rentrer dans les détails, nous présentons ci-dessous quelques documents (EDF et l’énergie…, 1993) (figure 1, tableau 1 et 2) qui retracent l’historique du bilan mondial énergétique par source d’énergie ainsi que l’évolution de la production nationale d’électricité. Les différents graphiques pariant d’eux-mêmes, nous ne ferons qu’un seul commentaire pour insister sur la place grandissante du nucléaire qui représente, en 1990, 70 % de la production nationale d’électricité alors qu’il était inexistant dans les années 60.
Figure 1 : Evolution de la consommation d’énergie dans le monde entre 1950 et 1991 (en millions de tep).
Par ailleurs, notons que pour faire face à ses investissements, notamment le coût de la construction des tranches nucléaires dans les années 1970-1980, EDF a eu massivement recours à l’emprunt en complément de ses ressources propres (l’état interrompant ses apports en capital dès 1984, au début de la construction des tranches 1300 MWe de palier P4, i.e. au milieu du programme nucléaire). La dette, qui représentait pratiquement 2 fois le chiffre d’affaire d’EDF en 1984, ne représente plus que 1,1 fois son chiffre d’affaire en 1992. A titre de comparaison, son endettement était de l’ordre de 3 fois son chiffre d’affaire dans les années 1950 lors de la construction du grand programme hydraulique.
Il est enfin intéressant de noter que l’intérêt du nucléaire ne réside pas seulement dans l’accroissement du taux d’indépendance énergétique de la France. Il apparaît ainsi clairement (Lewiner, 1988) (tableau 3) que les centrales nucléaires sont celles pour lesquelles le coût total de production de l’électricité est le plus faible. Ce sont également celles dont la part d’investissement est en valeur relative la plus importante et la part de combustible la plus faible. C’est la caractéristique d’un haut niveau dé technologie.
Qui plus est, la France possède des réserves importantes en uranium qui sont évaluées entre 30 et 40 ans pour une consommation annuelle proche de celle que l’on connaît actuellement. Par ailleurs, mis à part le problème du stockage des déchets radioactifs (qui fait actuellement l’objet d’un important programme d’étude au niveau national et international) et celui du démentellement des tranches nucléaires en fin d’activité (qui est déjà opérationnel .avec le démentellement de la première tranche installée à Chooz dans les Ardennes et de la filière graphite gaz), le nucléaire est pour l’instant une énergie relativement peu polluante par rapport aux centrales thermiques classiques qui rejettent du gaz carbonique, du monoxyde de carbone, des oxydes d’azote et de soufre dans l’atmosphère. Nous ne rentrerons cependant pas ici dans ce type de débat !
Enfin, le nucléaire est actuellement utilisé principalement en « base »6 tout comme les centrales hydrauliques au fil de l’eau. Les paliers de puissance étant des opérations complexes et relativement longues, l’énergie nucléaire est peu adaptée pour suivre les fluctuations de la demande au cours du temps, encore moins au cours d’une même journée. On se reportera en particulier en figure 2 qui donne une idée de la gestion des moyens de production pour suivre la courbe de charge d’une journée-type d’hiver. Ce sont les barrages et les centrales thermiques classiques, beaucoup plus facilement contrôlables, qui s’adaptent à la demande en fonction du temps. Notons pour finir, qu’avec un taux de disponibilité7 de l’ordre de 77 % en 1993, les performances du parc nucléaire français sont relativement bonnes.
La sûreté et les pouvoirs publics en France
Le fonctionnement d’une installation nucléaire ne doit avoir aucun impact dommageable sur la santé publique ou l’environnement. La sûreté nucléaire y répond de deux manières différentes :
Le confinement des produits radioactifs. Lors d’un accident type, (hautement improbable mais pris en compte sous l’angle de la sûreté nucléaire), trois barrières de sûreté isolent les produits dangereux de l’environnement :
la gaine du combustible ;
la cuve en acier du réacteur ;
l’enceinte de confinement en béton.
Ce qui signifie qu’il fournit la partie fixe de la production d’électricité journalière contrairement aux barrages et aux centrales thermiques qui sont utlisées principalement lors des heures de pointes hebdomadaires.
Pourcentage moyen de jours dans l’année où une centrale est en fonctionnement
La « défense en profondeur » qui consiste à prévoir un ensemble de moyens diversifiés et progressifs destinés à faire face à toute défaillance technique ou humaine qui menacerait l’intégrité et l’étanchéité des trois barrières et à en limiter les conséquences.
De plus, le retour d’expérience accumulé avec l’exploitation de plus de 50 réacteurs permet d’améliorer constamment le niveau de sûreté par une analyse fine du comportement des réacteurs existants dans les différentes phases de leur vie : palier de puissance, arrêt pour changement de combustible, redémarrage, etc.
Au-delà, la qualification du personnel exploitant et le niveau des contrôles, assurés par EDF et par les pouvoirs publics, sont garants de la sûreté. Ce sont en effet les pouvoirs publics qui coordonnent les actions relatives à la sûreté nucléaire. La Direction de la Sûreté des Installations Nucléaires (DSIN), qui dépend du Ministère de l’Industrie et du Ministère de l’environnement, définit la politique générale de sûreté pour l’ensemble des sites nucléaires civils. Elle suit les procédures d’autorisation des installations et élabore la réglementation technique en s’appuyant sur l’Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire8 (IPSN) qui effectue les études et travaux sur la protection et la sûreté nucléaire. Le Conseil Supérieur de la Sûreté et de l’Information Nucléaire (CSSIN), composé d’experts scientifiques, économiques ou sociaux, adresse des recommandations au Ministère de l’Industrie sur la politique de sûreté et informe les médias. L’ensemble est appelé Autorité de Sûreté.
La sûreté du bâtiment réacteur
D’une manière générale et pour simplifier, EDF doit justifier, devant l’autorité de sûreté, de la capacité de l’enceinte à assurer un taux de fuite qui soit, en phase accidentelle, inférieur, par 24 heures, à 1,5 % de la masse totale des fluides (mélange air + vapeur) contenus dans l’enceinte. C’est donc l’étanchéité des enceintes qu’EDF doit assurer à tout instant. Notons que cet aspect est beaucoup plus contraignant que la stabilité mécanique, puisque cela impose un contrôle draconien du niveau de fissuration (le calcul s’apparente donc à un calcul de la structure en fissuration très préjudiciable). Pour évaluer expérimentalement ce taux de fuite, chaque enceinte subit ainsi périodiquement (avant la mise en route de la centrale puis tous les 10 ans), à l’échelle 1:1 un test de gonflage à air sec à 0,5 MPa qui correspond à la pression de dimensionnement (figure 3). Un calcul linéaire par éléments finis, où l’on soumet l’enceinte aux sollicitations accidentelles de pression et de température permet d’évaluer les sollicitations à l’intérieur du fût et de calculer la précontrainte nécessaire. Par la suite, en sus des marges prises sur la pression de calcul, des marges sont calculées pour prendre en compte les chutes de précontrainte engendrées par les déformations différées du béton et d’autres cas de charge tels que les séismes. Ainsi, les pertes de précontrainte induites par le comportement différé du béton (retrait + fluage) réduisent au cours du temps le domaine des chargements que peut supporter la structure. Mais elles auront aussi pour conséquences une plus grande ouverture des fissures du béton dont l’origine thermique est inhérent à la massivité de la structure et à son mode de construction9. En cas d’accident, la précontrainte se doit donc d’assurer une compression minimale du béton, de l’ordre du mégapascal, de manière à maintenir fermées toutes les fissures existantes. On notera en particulier que l’on ne tient pas compte de la résistance en traction du béton lors du dimensionnement ce qui offre donc une marge supplémentaire de quelques MPa en ce qui concerne la capacité portante de la structure (Toutlemonde, 1994), mais vraisemblablement pas pour l’étanchéité puisque dès que le béton est en traction, l’ouverture des fissures existantes implique un dépassement du seuil d’étanchéité fixé par les autorités de sûreté.
Table des matières
Introduction générale
Première Partie Présentation générale et caractérisation des bétons étudiés
Introduction
Chapitre I : De l’électricité nucléaire au béton
II était une fois
i. EDF et l’énergie en France
2. La conception des centrales nucléaires française
3. Le problème tel qu’il se pose actuellement
4. Définition du sujet de thèse
Chapitre II : Caractérisation des bétons étudiés
1. Le Programme expérimental
2. Les résultats des essais classiques
3. Conclusions
Deuxième partie Les déformations différées du béton, Nature physique et modélisation
Introduction
A. Les déformations différées du béton au jeune âge
Chapitre I: Le retrait Endogène
1. Le phénomène physico-chimique
2. Influence de paramètres divers
3. Mesure directe du retrait endogène
4. Prise en compte dans les structures
5. Conclusion
Chapitre II : Le retrait thermique du béton
1. Notions préliminaires sur la thermo-activation
2. Le phénomène physico-chimique
3. Influence de paramètres divers
4. Prise en compte dans les structures
5. Les essais avec traitement thermique
6. Conclusion
B. Le séchage et le retrait de dessiccation du béton
Chapitre III : Le séchage du béton
1. Objectifs
2. Le séchage : causes et conséquences
3. L’eau dans la pâte de ciment durcie et dans le béton
4. Isotherme de sorption/désorption du béton
5. Equations de la migration de l’humidité dans le béton
6. Explication physique de D(C)
7. Effet d’un champ de contrainte sur le séchage
8. Conditions initiales et conditions aux limites
9. Prise en compte de la fissuration
10. Relation taille de l’éprouvette, temps de séchage
11. Application à notre étude
12. Conclusion
Chapitre IV : Le retrait de dessiccation du béton
1. Introduction
2. Le phénomène physique
3. Retrait global d’une structure et effet d’échelle
4. Prise en compte de la fissuration
5. Résultats et interprétation des résultats expérimentaux
6. Modélisation par éléments finis
7. Résultats sur éprouvette et sur structure
8. Prise en compte d’une hygrométrie variable
9. Prévision « rapide » du retrait sur une structure épaisse
10. Conclusion
C. Le comportement du béton sous charge
Chapitre V : Le fluage propre
1. Introduction
2. Les origines physico-chimiques du fluage propre
3. Considérations thermodynamiques
4. La modélisation du fluage propre
5. Les problèmes en suspends
6. Les résultats de fluage propre en laboratoire
7. Résultats sur enceinte
8. Conclusion
Chapitre VI : Le fluage de dessiccation du béton
1. Introduction
2. Quelques propriétés expérimentales du fluage de dessiccation
3. Le(s) phénomène(s) physique(s)
4. Les BHP ont-ils un fluage de dessiccation ?
5. Application à notre étude
6. Conclusion
Résultats et enseignements
Introduction
Chapitre I : Principaux résultats
1. Résultats sur éprouvette de diamètre 16 cm
2. Résultats de déformations différées sur enceinte
3. Comparaison avec des calculs simples d’ingénieur
4. Calcul des pertes de précontrainte sur structure
5. Conclusion.,
Chapitre II : Propositions pour les règlements
1. Introduction
2. Evaluation du règlement français BPEL
3. Tentatives de propositions pour les règlements
4. Estimation des déformations différées sur structure
5. Conclusion
Conclusion générale
Bibliographie
Annexes
Annexe 1 : Le modèle parallèle série, modèle composite
pour la modélisation du comportement différé du béton
Annexe 2 : Le problème du béton précontraint, fluage/ relaxation combiné du couple acier béton
Annexe 3 : Généralités sur le massif de Flamanviîle
Annexe 4 : Caractérisation des roches et éléments de mécaniques des roches
Annexe 5 : Technique de la simple réplique