Les défis du suivi au long cours d’un patient vivant avec le vih (pvvih)

Options pour simplifier la prise du traitement antirétroviral

La simplification du traitement antirétroviral doit être discutée avec le patient. En fonction de son histoire thérapeutique, de son mode de vie et de la façon dont il conçoit la simplification, plusieurs stratégies peuvent être proposées, certaines étant encore en cours d’évaluation :
• Simplification : diminution du nombre de prises et/ou de comprimés → développement des formes combinées associant plusieurs ARV en un seul comprimé en une prise par jour (STR : Single Tablet Regimen)
• Allègement : diminution de dose (seulement dans certaines associations), passage à une bithérapie, passage à une monothérapie d’IP/r, prises discontinues (4 ou 5 jours sur 7).
• Antirétroviraux à longue durée d’action : des formes galéniques permettant une injection intramusculaire par mois sont en cours d’évaluation dans des essais de phase 3 avec l’association du cabotégravir et la rilpivirine . Le cabotégravir est actuellement disponible en ATU nominative en France19. Ces formes pourraient être intéressantes pour les patients ayant des difficultés d’observance ou pour la PrEP. Cependant la persistance de l’exposition pendant plusieurs semaines pourrait être problématique en cas de survenue d’effets indésirables 17 .
Les stratégies d’allégement chez les personnes virologiquement contrôlées se sont beaucoup développées ces dernières années. En effet, plusieurs essais cliniques ont validé des bithérapies, notamment à base de dolutégravir (dolutégravir/lamivudine, dolutégravir/rilpivirine, …).
La monothérapie n’est pas recommandée à ce jour, elle reste du cas par cas ou de l’évaluation.

Prise en charge des situations d’échec virologique

Les situations d’échec virologique doivent être détectées par des contrôles réguliers de la CV (M1, M3, M6 puis tous les 6 mois), les causes identifiées et corrigées précocement pour rétablir le succès virologique et prévenir l’accumulation de mutations de résistance.
La persistance d’une réplication virale > 200 copies/mL sous pression de sélection thérapeutique expose au risque de sélection et d’accumulation de mutations de résistance et à une détérioration immunologique pouvant conduire à une progression clinique et à une augmentation du risque de transmission du VIH.
Une intervention rapide, dans les semaines suivant la mise en évidence de l’échec virologique, est nécessaire quel que soit le niveau de CD4. Les causes identifiées lors du bilan d’évaluation de l’échec virologique, telles qu’un problème d’observance ou une cause pharmacologique, doivent être corrigées pour rétablir le succès virologique et prévenir l’accumulation de mutations de résistance.
L’émergence de mutations de résistance sous traitement antirétroviral a largement diminué au cours des 15 dernières années du fait de la puissance des ARV actuels et du monitoring virologique régulier. Les virus multi-résistants sont actuellement principalement retrouvés chez des PVVIH ayant des histoires thérapeutiques anciennes et complexes. Dans la plupart de ces cas, un traitement adapté permet l’obtention d’une CV indétectable 20.

Suivi après un changement de traitement antirétroviral

Une fois la modification de traitement antirétroviral réalisée, il faut prévoir un suivi clinicobiologique renforcé du patient.
Un contrôle systématique de la charge virale ARN-VIH plasmatique doit être réalisé à M1 et M3 après une modification thérapeutique pour s’assurer du maintien du succès virologique. En cas de rebond de la réplication virale, un test génotypique de résistance doit être effectué avant la reprise du traitement précédent. La tolérance clinique et biologique (créatinine, bilan hépatique) du nouveau traitement doit également être contrôlée à M1. Après M3, si l’efficacité et la tolérance sont confirmées, le calendrier de surveillance semestrielle peut être repris 17.

Complications et comorbidités au cours de l’infection par le VIH

Les personnes vivant avec le VIH, exposés depuis longtemps au virus et aux molécules antirétrovirales de 1ère génération, prennent de l’âge. Ainsi en 2020, la part des plus de 50 ans représenterait 50% de l’ensemble des patients vivants avec le VIH 21. L’allongement de la durée de vie des PVVIH sous traitement antirétroviral impose le défi de la prise en charge des maladies associées aux effets à long terme des ARV et au vieillissement de la population.

Risque cardiovasculaire

En France, les maladies cardiovasculaires constituent la 3ième cause de décès des PVVIH si l’on additionne les décès cardiovasculaires et les morts subites qui sont le plus souvent d’origine cardiovasculaire. Le risque d’infarctus du myocarde (IDM) généralement retrouvé plus élevé que dans la population générale, a significativement diminué pour devenir équivalent à celui de la population générale.
Trois facteurs peuvent être proposés dans l’augmentation du risque cardiovasculaire antérieurement décrite des PVVIH par rapport à la population générale :
• une fréquence plus élevée de facteurs de risque cardiovasculaire, en particulier le tabagisme, et la prise de substances illicites telles que la cocaïne
• l’exposition aux ARV (INTI, IP)
• les effets propres de l’infection par le VIH, mis en évidence par plusieurs études ; le VIH, un rapport CD4/CD8 bas et l’activation immune persistante seraient des facteurs favorisant l’athérosclérose et par conséquence un IDM.
En prévention primaire, l’objectif principal est de proposer une prise en charge thérapeutique dont l’efficacité sur la réduction de la morbi-mortalité cardiovasculaire a été démontrée dans la population générale.
Cette démarche doit faire partie du bilan régulier des PVVIH, en particulier après 50 ans : prise en charge du sevrage tabagique, éducation hygiéno-diététique et exercice physique régulier, optimisation du traitement ARV avec remplacement de l’IP, prise en charge d’une dyslipidémie et/ou d’une hypertension artérielle .

Dyslipidémies

Les anomalies lipidiques sont fréquentes chez les PVVIH et varient selon l’âge, l’état nutritionnel, le terrain génétique et l’état d’immunodépression. C’est pourquoi les mesures d’hygiène de vie et alimentaires, ainsi qu’une incitation à l’exercice physique peuvent être proposées dès le début de la prise en charge en charge des PVVIH et rappelées tout au long de leur suivi.
Certains antirétroviraux ont un impact direct sur les taux plasmatiques des lipides, variable selon la classe et la molécule.
Le ritonavir a un effet direct hépatique sur la production de VLDL avec une hyperLDLémie et une hypertriglycéridémie dès les premiers mois du traitement. Son utilisation en « booster » peut suffire à modifier les paramètres lipidiques.
Des anomalies lipidiques pouvaient aussi être observées avec les INTI et les INNTI dans des stratégies de trithérapies dont la prescription n’est aujourd’hui plus recommandée. Des données récentes suggèrent que le ténofovir alafénamide fumarate (TAF) serait associé à une augmentation plus marquée du cholestérol total que le ténofovir disoproxil fumarate (TDF) chez les patients naïfs.
Les données de tolérance des inhibiteurs de l’intégrase ou du CCR5 montrent que ces molécules n’ont pas ou peu d’effets sur les lipides et améliorent le profil lipidique des personnes prétraitées avec des inhibiteurs de la protéase. Cependant une prise de poids est de plus en plus rapportée avec les INI, ce qui devient un problème préoccupant.
L’objectif de valeur de LDLc doit être atteint préférentiellement par les interventions hygiénodiététiques et la modification du traitement antirétroviral, avant d’envisager un traitement spécifique.
Les statines sont le traitement de référence pour abaisser le taux de LDLc avec un rapport bénéfice/risque démontré sur des études en prévention primaire et secondaire en population générale. Ces médicaments ne sont pas dénués de risques chez le PVVIH en raison des interactions médicamenteuses avec les ARV (via le CYP3A4), du risque accru de rhabdomyolyse et de cytolyse hépatique. Seule l’utilisation de statines non métabolisées ou peu métabolisées par le CYP450 (pravastatine en 1ère intention puis rosuvastatine en 2ème intention) est recommandée avec le ritonavir ou le cobicistat .

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Hypertension artérielle

L’hypertension artérielle (HTA) doit être traitée selon les recommandations pour la population générale, en prenant en compte les interactions médicamenteuses potentielles, en particulier avec les inhibiteurs calciques. L’objectif thérapeutique est une pression artérielle (PA) inférieure à 140/90 mmHg chez tous et une PA inférieure à 140/85 mmHg chez le patient diabétique.
La recherche de l’atteinte d’un organe cible est une priorité et doit s’effectuer lors du bilan initial et au cours du suivi du patient hypertendu (tous les ans), comme une hypertrophie ventriculaire gauche à l’échocardiogramme (ECG) et/ou en échocardiographie, une insuffisance rénale, la présence d’une micro ou macroprotéinurie, et la diminution de l’index de pression systolique.
Les principes de prise en charge reposent en premier lieu sur les mesures d’hygiène de vie incluant une restriction sodée et le contrôle des autres facteurs de risque cardiovasculaire. Il est recommandé d’initier une bithérapie médicamenteuse si les mesures hygiéno-diététiques ne sont pas suffisantes pour espérer une amélioration significative des chiffres tensionnels.

Diabète

L’incidence du diabète de type 2 chez les PVVIH a été étudiée dans plusieurs grandes cohortes européennes, avec des stratégies thérapeutiques anciennes sans extrapolation possibles aux associations recommandées depuis 2010. Le risque de diabète associé à l’infection par le VIH pourrait en effet être aujourd’hui proche de celui de la population générale. Des travaux récents font toutefois état d’une incidence restant élevée chez les patients vieillissants.
Les principaux facteurs de risque de survenue d’un diabète chez les PVVIH sont ceux retrouvés dans la population générale : augmentation de l’âge, de l’index de masse corporelle (IMC), du tour de taille ou du rapport taille/hanche, sexe masculin, co-infection VHC et les mêmes facteurs génétiques de prédisposition. La présence d’une lipodystrophie est également associée à un risque accru de diabète, qu’elle soit de type lipoatrophie ou lipohypertrophie.
Le rôle favorisant de certaines molécules antirétrovirales dans le risque de survenue d’un diabète avait été montré : inhibiteurs de protéase de première génération, certains inhibiteursnucléosidiques qui ne sont plus (stavudine, didanosine) ou très peu (zidovudine) utilisés. Il n’a pas été retrouvé d’association entre le risque de diabète et le ténofovir ou les molécules de dernière génération.
Le diagnostic d’un diabète doit conduire, le plus tôt possible, à une consultation de diabétologie.
Le traitement et le suivi sont identiques à ce qui est recommandé en population générale.
L’utilisation d’ARV récents (rilpivirine, doravirine, inhibiteurs d’intégrase) dont le profil métabolique est plus favorable que celui de l’efavirenz ou des IP/r pourrait être proposée mais n’a pas été évaluée, en termes de résistance à l’insuline et/ou d’hyperglycémie.

Lipodystrophie

La lipodystrophie ou modification de la répartition du tissu adipeux corporel représente une complication historique du traitement antirétroviral, dont la fréquence et les signes cliniques se sont beaucoup améliorés dans le temps, en particulier chez les patients qui ont initié un traitement avec les stratégies thérapeutiques recommandées depuis 2010, qui préconisaient l’abandon des INTI et des IP les plus pourvoyeurs d’anomalies métaboliques cliniques et biologiques. De ce fait, la survenue de nouvelles lipoatrophies est aujourd’hui rare du fait de l’arrêt de l’utilisation des nucléosidiques thymidiniques (INTI) comme la stavudine et la zidovudine.
Les règles hygiéno-diététiques et l’exercice physique régulier sont indispensables à la prise en charge de la lipodystrophie. Il existe peu de preuve du bénéfice d’un changement de traitement chez les personnes ayant développé une lipodystrophie.

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