Les corps gras
Les corps gras sont consommés par l’homme depuis des siècles et leurs utilisations n’ont pas cessé d’évoluer. Jusqu’au 14ème siècle, les graisses animales, comme le suif, étaient largement utilisées comme corps gras. Le beurre se trouve ainsi délaissé du point de vue culinaire. Ce n’est qu’à partir du 15ème siècle que le beurre et l’huile sont réellement utilisés et appréciés, la cuisine dite « grasse » étant devenu synonyme de richesse. Peu à peu, ils sont ainsi considérés comme des aliments et contribuent à l’amélioration de la qualité des repas à cette époque. En 1866, Napoléon III organise un concours national très original pour la mise au point d’un corps gras « sain, économique et de bonne conservation » destiné à être utilisé par toutes les classes sociales notamment les plus pauvres où le beurre était un luxe mais également pour l’armée française qui éprouvait certaines difficultés à conserver le beurre en temps de guerre. En 1869, le français Hippolyte Mège-Mouriès est primé pour l’invention de la margarine et dépose le brevet du procédé de fabrication de celle-ci, qui sera racheté par la suite par un important négociant de beurre hollandais. Malgré des débuts modestes, la production de margarine ne cessera d’augmenter par rapport à la production du beurre à partir de 1970, le beurre étant jugé nocif à la cuisson, source de cholestérol et diététiquement mauvais. De plus, quelques oléagineux comme l’huile de ricin et l’huile de lin, ont vu leur utilisation devenir incontournable dans l’industrie de production des lubrifiants, des peintures et vernis. Il existe également quelques oléagineux pharmaceutiques et cosmétiques comme le ricin, le beurre de karité et de cacao qui sont utilisés comme excipient ou comme source de substance active.
Origine et classification des corps gras
Les corps gras font partie d’un ensemble de composés organiques relativement complexes présents dans les tissus animaux et végétaux. Ce sont des lipides simples, caractérisés par leur solubilité dans les solvants organiques apolaires due à leur faible polarité, leur insolubilité dans l’eau et leurs propriétés rhéologiques très variables en fonction de leur composition et structure chimique. Même si les propriétés des corps gras étaient connues depuis longtemps, ce n’est qu’en 1823 que Michel Eugène Chevreul (1786-1889) expliqua la nature exacte des corps gras en montrant la diversité et la complexité des constituants essentiels qui les composent, leur conférant grâce aux longues chaînes hydrocarbonées les propriétés physiques, chimiques et cristallographiques intrinsèques à chaque corps gras. Cependant, étant donné la grande diversité de familles de corps gras, nous nous limiterons dans ce paragraphe seulement à la description des acides gras et des glycérides.
Les acides gras
Il existe environ une vingtaine d’acides gras différents du point de vue de la longueur de chaîne hydrocarbonée. Ils représentent entre 90 et 96 % du poids moléculaire des triglycérides dont ils en sont les précurseurs par combinaison avec le glycérol. Cependant, les acides gras existent aussi à l’état « libre », c’est-à-dire non combiné. On parle ainsi d’acides gras libres. Les acides gras sont caractérisés par deux paramètres : ces chaînes grasses. En effet, que ce nombre soit pair ou impair, les AGS se solidifient selon 3 variétés cristallines α, β et β’ dans les conditions ambiantes ainsi que d’autres sous-variétés (cf. paragraphe 1.2.4.3). Par ailleurs, ces AGS sont à l’état solide à partir de C10 à température ambiante et la température de fusion augmente avec le nombre d’atomes de carbone, pouvant ainsi dépasser les 80 °C pour les chaînes les plus longues. L’orientation cis ou trans va ainsi modifier la structure tridimensionnelle des acides gras. Une double liaison cis va créer un coude dans la chaîne hydrocarbonée tandis qu’une double liaison trans va créer une structure étendue. Dans la nature, les acides gras ont très majoritairement une orientation cis plutôt que trans, qui est génératrice d’une certaine toxicité. Les glycérides sont des esters d’acides gras (ou acyl-glycérols) qui composent entre 95 et 98 % en masse les corps gras, résultant de l’association d’une, deux ou trois molécules d’acides gras et d’une molécule de glycérol. Le glycérol ou propane triol 1,2,3 (Figure 1.14(a).) possède deux fonctions alcool primaire équivalentes (α et α’) et une fonction alcool secondaire (β), qui sont estérifiées partiellement ou totalement (Figure 1.14(b). à 1.14(f).). Dans le cas des diglycérides et triglycérides, on dit qu’ils sont homogènes s’ils contiennent un seul type d’acide gras (R1=R2=R3) et hétérogènes s’ils contiennent différents types d’acides gras. Le caractère homogène ou hétérogène de ces glycérides joue un rôle important sur la caractéristique des corps gras. En outre, du point de vue de la nomenclature, on remplace souvent les noms des glycérides par l’association des symboles abrégés (Tableau 1.8.) de chaque acide gras qui a réagi et s’est greffé sur la molécule de glycérol.