Les consonnes
On distingue 38 sons consonantiques en minyanka : Occlusifs : p, b, t, d, k, g, c, j1 Occlusifs prénasalisés : mb, ŋg, nd, ɲj Labialisés : bw, pw, mw, fw Palatalisés : py, ky, fy, wy, my Constrictifs : f, v, s, z, ʃ, ʒ, ʕ, h, ɦ Nasaux : m, n, ɲ, ŋ Vibrant : r Latéral : l Approximants : y, w Une étude critique de ces sons permettra de dire lesquels d’entre eux méritent d’être considérés comme phonèmes.
Les consonnes occlusives p et b
Les consonnes p et b s’opposent dans : pá ! ‘Viens !’ et bá ‘COND’ pálá ‘enlever la surface’ et bálá ‘accrocher’ pu ̰́ ‘chien’ et bu ̰́ ‘frapper’ 1 j et y correspondent respectivement aux consonnes palatales [ɟ] et [j] en A.P.I. Phonologie 38 t et d Ces consonnes s’opposent dans : túkú ‘creuser’ et dúkú ‘monter’ tìkî ‘descendre, accoucher’ et dìkî ‘appuyer’ A la différence de la consonne d qui ne peut pas être suivie de voyelle nasale, t peut être suivie de voyelle orale ou nasale : tí ‘3PL.CLt, 3SG.CLt’, ‘ti ̰́ ‘enfler, être rassasié’ tà ‘trouver’, ta ̰́a ‘plaire, être agréable’ k et g Ces deux consonnes s’opposent à l’initiale des mots : kílé ‘être droit’ et gílé ‘être résistant’ kólì ‘la route’ et gólì ‘la gourde’ kóndɛ̰́kɛ̰́ lì ‘la ligne frontalière’ et góndɛ̰́kɛ̰́ lì ‘la manière de tuer’ Mais en position intervocalique, ces deux consonnes sont en variation libre dans certains cas : cíkí ~ cígí ‘l’arbre’ ʃúkí ~ ʃúgí ‘le mortier’ tɛ̰́kí ~ tɛ̰́gí ‘aider’ túkú ~ túgú ‘creuser’ tùkò ~ tùgò ‘charger sur la tête’ yìríkì ~ yìrígì ‘ériger’ Dans les exemples suivants, k et g ne sont pas en variation libre : tùgòô ‘côté d’un mur donnant sur l’extérieur’ et non *tùkòô ségɔ̂ ‘la chèvre’ et non *sékɔ̂ tákɔ̀ɔ̂ ‘la teigne’ et non *tágɔ̀ɔ̂ c et j ca ̰́ŋì ‘le jour’ et ja ̰́ŋì ‘le lit’ cé ‘refuser’ et jé ‘laver, entrer’ 39 cɔ̀kɔ̀ ‘être maigre’ et jɔ̀kɔ̀ ‘frotter’ cɔ̰́ lɔ̰́ ‘marmite’ et jɔ̰́ lɔ̰́ ‘pénis’ 1.1.2. Les consonnes constrictives f et v Excepté les mots fɛ̰́ ɛrû ‘le fer à repasser’ et vɛ̰́ ɛrû ‘le verre’ qui sont des emprunts au français, nous n’avons pas trouvé de paires minimales pour f et v. La consonne v est relativement peu attestée ; dans notre liste lexicale, seuls 4 noms d’origine minyanka l’attestent : vàŋì ‘l’ergot’ vòlòŋì ‘plante comestible, esp.’ vɔ̰́kɔ̰́bɛ̀ rɛ̰́ lì ‘cache-sexe pour hommes’ vùkà ‘racine d’une espèce d’herbe’ Malgré l’absence de paires minimales, f et v peuvent être considérées comme des phonèmes, dans la mesure où le son v dans les noms susmentionnés n’est pas phonologiquement conditionné. Il est fort probable qu’il est attesté dans d’autres mots minyanka. f s’oppose à p dans : fɛ̰́ rɛ̰́mí ‘l’aisance’ et pɛ̰́ rɛ̰́mí ‘le prix’ fíkɛ̰́ʕɛ̰́yì ‘la chenille’ et píkɛ̰́ʕɛ̰́yì ‘la maison, chambre’ fɔ̰́ lɔ̂ ‘autrefois’ et pɔ̰́ lɔ̂ ‘le mari’ fu ̰́ ‘considérer qqch comme un totem’ et pu ̰́ ‘chien’ s et z Seules deux paires minimales ont été relevées pour ces deux consonnes. sòkì ‘souder’ et zòkì ‘la variole’ sɔ̀ ‘biche’ et zɔ̀ ‘poitrine’ A la différence de la consonne s qui est largement attestée, z n’apparaît que dans une dizaine de noms dans notre liste lexicale, parmi lesquels on peut citer : zàmɔ ̀ʕɔ̀ ‘champion en agriculture, gros travailleur’. za ̀ʕa ̰́ɲì ‘la pluie’ zèŋì ‘le fromager’ zèvùŋì ‘l’essaim d’abeilles’ 40 zòorì ‘le gratin (résidu de repas collé au fond d’une marmite)’ zɔ̀ ŋì ‘le sillon’ gàzɔ̀ rɔ̀ʕɔ̀yì ~ zɔ̀ rɔ̀ʕɔ̀yì ‘la louche’ ʃ et ʒ Il n’y a pas de vraie paire minimale pour ces deux sons ; les noms ʃíkɛ̰́ʕɛ̰́yí ‘la sauce’ et ʒìkɛ̀ʕɛ̀yì ‘le baobab’ constituent une quasi-paire minimale. En termes de représentativité, la consonne ʃ est plus fréquente que ʒ, laquelle apparaît dans des mots comme : ʒìkɛ̀ʕɛ̀yì ‘le baobab (le fruit ou l’arbre)’ ʒìgòlì ‘le pain de singe (fruit du baobab)’ ʒìcìkî ‘le baobab (l’arbre)’ ʒìtàmɔ̀ ‘guêpe, esp.’ ʒìga ̀ʕa ̀ɲì ‘oiseau, esp.’ ʒìkǒolò ‘grosses fourmis noires’ ʒìkòka ̰́ʕa ̰́ɲì ‘fourmilière pour les grosses fourmis noires’ fìʒɔ̀ʕɔ̀yì ‘le canari’ sáʕáʒɛ ̰́nì ‘l’oiseau’ sáʕáʒô ‘la perdrix’ sàʕàʒu ̀ ‘le chat’ Comme nous pouvons le constater, ʒ apparaît à l’initiale et en position interne de mots, et peut être suivi de voyelles orales ou nasales. Il ne peut pas être considéré comme un allophone de z, dans la mesure où il s’oppose à celui-ci dans : ʒè ‘prénom masculin, premier garçon d’une fratrie’ et Zè ‘prénom féminin’. De plus, il n’y a pas d’exemple en minyanka où l’un pourrait être utilisé pour l’autre. Quant à la consonne ʃ, elle apparaît dans plus de 80 mots et peut être suivie de voyelles orales ou nasales, comme dans les exemples suivants : ʃɔ̀ ‘acheter’ et ʃɔ ̀ ‘lécher’ ʃɛ̰́ ‘aller’ et ʃɛ ̰́ ‘personne’ ʃí ‘SBJV’ et ʃḭ́ ‘poser verticalement’ ʃìʃà ʕà ɲì ‘le sang’ ʃ s’oppose à c dans : ʃɛ̰́ ‘aller’ et cɛ̰́ ‘femme’ ʃíkí ‘la brousse’ et cíkí ‘l’arbre’ ʃɔ̀ ‘acheter’ et cɔ̀ ‘enlever les pédoncules (arachide, piment)’ 41 h et ɦ Hormis dans quelques mots, la constrictive laryngale voisée ɦ est généralement suivie d’une voyelle nasale. háarì ~ hárì‘la viande’ et ɦàarì ~ ɦàrì ‘les ordures’ hòo ‘gourdes’ et ɦòo ‘poules’ hɔ ̰́ ‘couper’ et ɦɔ ̂ ‘oiseau, esp.’ hɔ̰́ ‘finir’ hó ‘puiser’ há ‘mâcher’ ɦa ̀nì ‘le manche’ ɦà nî ‘la dent’ wóɦàa ‘aminaux sauvages’ ʕ La constrictive pharyngale voisée ʕ se rencontre uniquement entre deux voyelles identiques (centrales ou mi-ouvertes) : cɔ ̰́ʕɔ ̰́ ‘écrabouiller’, na ̰́ʕa ̰́ ‘ici’, cɛ̰́ʕɛ̰́yí ~ cɛ̰́ʕɛ̰́ ‘rire’. Lorsque le suffixe nominal -ki est précédé d’une voyelle ouverte ou mi-ouverte, il se réalise ʕVyi si la voyelle est orale, et ʕṼɲi si elle est nasale. Mais les locuteurs âgés (60 ans environ) utilisent parfois les deux formes, alors que la forme avec ʕ est la seule utilisée chez les autres locuteurs. tɛ̰́kì → tɛ̰́ʕɛ̰́yì ‘l’endroit’ lɛ̰́kì → lɛ̰́ʕɛ̰́yì ‘la vieillesse’ tákí → táʕáyí ‘le buisson’ ŋgɛ̀ sa ̀kî → ŋgɛ̀ sa ̀ʕa ̰́ɲì ‘la mâchoire’ ɲɔ ̀kì → ɲɔ ̀ʕɔ ̀ɲì ‘le derrière’ yɔ̰́kí → yɔ̰́ʕɔ̰́yí ‘l’eau’ Dans tous les noms dérivés de ségɔ̂ ‘le caprin’, le g intervocalique devient ʕ après assimilation de la voyelle de la première syllabe à celle de la deuxième : ségá-Ø (chèvre-INDF.CLw) ‘caprin’ ..