Les conséquences des catastrophes chez les enfants
Les enfants exposés à une catastrophe naturelle ou technologique sont à risque de développer une multitude de problèmes physiques, psychologiques, familiaux, comportementaux, scolaires et sociaux (Boer et al., 2009). Ces problèmes sont plus spécifiquement abordés dans cette section en détaillant les répercussions des catastrophes sur la santé physique et psychologique des jeunes, de même que sur leur vie scolaire et familiale.
Les conséquences des catastrophes sur la santé des enfants
D’une part, chez l’enfant, des problèmes de santé physique peuvent directement découler de l’exposition à une catastrophe (Bonanno, et al., 2010; Dirkzwager et al., 2006). En effet, ce type d’événement peut engendrer la libération d’agents ou de substances pathogènes (produits chimiques, gaz neurotoxique, etc.), entraînant des problématiques de santé physique, telles que des difficultés respiratoires (Bonnano et al., 2010; Dirkzwager et al., 2006). De plus, les catastrophes technologiques impliquent un stress qui peut devenir chronique et conduire, indirectement, à des problématiques physiques, telles que l’obésité, l’affaiblissement du système immunitaire, des problèmes musculo-squelettiques, des troubles de sommeil et de concentration, des problèmes gastro-intestinaux et même, dans certains cas, l’atrophie des cellules cérébrales (Bonanno et al., 2010; Dirkzwager et al., 2006; Silverman et al., 2002). En ce sens, Silverman et al.
(2002) soulignent que l’exposition à une catastrophe à un jeune âge peut affecter la croissance et le développement des enfants à plus long terme.
Plusieurs répercussions psychologiques négatives sont également répertoriées chez les jeunes à la suite de leur exposition à une catastrophe. Parmi celles-ci, la plus fréquemment évoquée dans les recherches concerne le trouble de stress post traumatique (Boer et al., 2009 ; Cryder, Kilmer, Tedeschi et Calhoun 2006; 2005; Piyasil et al., 2007; Pfefferbaum et al., 2008; Silverman et al., 2002). En effet, plusieurs recherches démontrent un lien clair entre l’exposition directe ou indirecte à une catastrophe naturelle ou technologique et l’augmentation du risque de développer un trouble de stress posttraumatique chez les jeunes fréquentant une école primaire (Hambrick, O’Connor et Vernberg, 2016; King et al., 2015 ; McDermott et al., 2005; Moore et Varela, 2010; Strauss, Vernberg, La Greca, Silverman et Prinstein, 1996). Parmi les manifestations du trouble de stress post-traumatique les plus souvent rencontrées chez les jeunes, la recension des écrits effectuée par Silverman et al., (2002) identifie, plus particulièrement, la réémergence de pensées ou de rêves récurrents en lien avec l’événement traumatique vécu, ainsi qu’une détresse émotionnelle intense lors d’un rappel de l’événement. Chez les jeunes enfants, le phénomène de réémergence peut aussi se traduire dans les jeux répétitifs, avec des thèmes traumatiques, ou encore par une reconstitution des évènements traumatiques dans le jeu, les dessins ou les verbalisations (Silverman et al., 2002 ; Swenson, Saylor, Powell, Stokes, Foster et Belter, 1996).
Dans leur recension des écrits sur la question, Pfefferbaum, Jacobs, Houston et Griffin (2015) soulignent qu’environ la moitié des jeunes exposés à une catastrophe développeraient des symptômes modérés liés au trouble de stress post-traumatique, tandis que 30 % des jeunes exposés présenteraient un niveau élevé de ce type de manifestations. Les manifestations du trouble de stress post-traumatique perdureraient plus de cinq ans pour le quart d’entre eux. Au Québec, Maltais et al., (2018) rapportent, dans une étude réalisée auprès de plus de 900 élèves trois ans et demi après le déraillement de train de Lac-Mégantic, que 21,9 % des jeunes âgés de 10 à 12 ans demeurant dans cette communauté présentaient des manifestations de stress post-traumatique modérées à sévères, ce pourcentage étant de 13,2 % chez les jeunes résidant à Lac-Mégantic et de 31,7 % chez les jeunes vivant dans d’autres municipalités situées à proximité de cette ville (Frontenac, Nantes, Sainte-Cécile-de Whitton et Marston). D’autre part, le tiers des jeunes de 5e et de 6e années interrogés dans cette recherche (32,3 %) estimaient avoir vécu des problématiques de stress et d’anxiété, dans l’année précédant la collecte des données, qui ont affecté leur vie scolaire, tant en ce qui concerne leurs apprentissages que leurs relations avec leurs enseignants (Maltais et al., 2018).
Outre les symptômes de stress post-traumatique, les enfants du primaire peuvent aussi présenter d’autres difficultés psychologiques à la suite de leur exposition à une catastrophe. Ces difficultés peuvent prendre la forme de symptômes de dépression, d’anxiété et de peurs spécifiques ou généralisées (Dirkzwager et al., 2006; Olteanu et al., 2011). Lorsque les jeunes développent des peurs spécifiques à la suite d’une catastrophe, celles-ci sont généralement en lien avec l’évènement (Burnham et al., 2008). Par exemple, un an après l’ouragan Hugo, 9 % des jeunes exposés à cet événement jouaient à des jeux d’ouragan, 14 % avaient peur des orages ou avaient des rappels de l’ouragan et 9 % parlaient de l’ouragan lors de leurs conversations (Kousky, 2016). De plus, les peurs incluent aussi les impacts en lien avec la catastrophe, avec une prédominance de mort et de dangers, soit la perte de la maison, les décès, ainsi que les blessés (Burnham et al., 2008). Ainsi, les jeunes enfants craignent davantage les éléments qui les rendent vulnérables et sur lesquels ils n’ont aucun contrôle (Burnham et al., 2008).
Les catastrophes peuvent aussi entrainer chez les jeunes des réactions de stress, du chagrin, ainsi qu’un sentiment de culpabilité (Silverman et al., 2002). Par exemple, les enfants qui perdent un parent ou un membre de leur famille doivent non seulement apprendre à gérer leur deuil personnel, mais aussi à se réconcilier avec les raisons pour lesquelles ils ont survécu à la catastrophe, alors qu’un de leurs proches a perdu la vie (Silverman et al., 2002). Pour plusieurs enfants, cette tâche peut entraîner des pensées ou des ruminations nuisibles, voire perturbatrices, quant à savoir s’ils auraient pu en faire davantage afin de prévenir le décès de la personne aimée (Silverman et al., 2002). De plus, des manifestations dépressives sont également observées chez les jeunes ayant été exposés à une catastrophe (Asarnow et al., 1999; Boer et al., 2009; Tang, Liu, Lui, Xue et Zhang, 2014). En ce sens, selon une étude de Roussos et al., (2005), un nombre significatif d’enfants âgés de 9 à 18 ans démontraient, en 1999, des symptômes de dépression (13,9%) à la suite d’un tremblement de terre en Grèce. Selon ces auteurs, les jeunes présentant des manifestations dépressives avaient davantage besoin d’interventions spécialisées. Également, des sentiments d’anxiété sont mentionnés dans plusieurs études comme étant une conséquence vécue chez les jeunes à la suite de leur exposition à un événement catastrophique (Asarnow et al., 1999; Boer et al., 2009; Breton, Valla et Lambert, 1993; Swenson et al., 1996) .
Des problèmes comportementaux ont également pu être observés chez les jeunes exposés à une catastrophe, tels que des comportements régressifs, de l’énurésie, des étourdissements, des troubles du sommeil (ex : terreurs nocturnes), des problématiques alimentaires, des peurs excessives, une augmentation de l’irritabilité et de l’agressivité, de l’anxiété de séparation, de la désobéissance, des plaintes somatiques, de l’hyperactivité, ainsi que des crises de colère (Maltais et Rheault, 2005; Math et al., 2008; Norris, Friedman, Watson, Byrne, Diaz et Kasniasky, 2002; Ratrin, 2006). De plus, des comportements de rébellion envers les adultes, de même que l’augmentation de l’irritabilité chez les jeunes, ont été observés et proviendraient d’une incapacité chez ceuxci à contrôler un excès d’énergie provoquée par l’événement catastrophique (Ratrin, 2006). Norris et al., (2002) ont, quant à eux, observé qu’une dépendance à l’adulte à la suite d’une catastrophe pouvait entrainer, chez certains jeunes, le refus de dormir seuls ainsi qu’une anxiété de séparation. À la suite d’une catastrophe, certains jeunes exposés présenteraient également des troubles de la conduite, de l’agressivité, de l’hyperactivité, de la surréactivité ou des comportements régressifs (ex. énurésie) (Boer et al. 2009 ; Dirkzwager et al., 2006; Guérin et al., 2003; Markon et al., 2010; Olteanu et al., 2011). Ces différents problèmes comportementaux peuvent entrainer des répercussions négatives dans plusieurs milieux de vie des jeunes. En effet, l’étude quantitative de Maltais et al., (2018) rapporte que parmi les 144 jeunes du primaire interrogés trois ans après le déraillement du train de Lac-Mégantic, plusieurs avaient des problèmes de comportement nuisant à leur vie familiale (19 %), à leur vie scolaire (14,1 %), à leurs relations d’amitié (16,9 %), ainsi qu’à leurs occupations personnelles (7,8 %).
INTRODUCTION |