Le 6 juillet 2013, la ville du Lac-Mégantic (municipalité de la MRC du Granit, Québec, Canada) a connu un accident ferroviaire, qui marquera à jamais son histoire. Un déraillement ferroviaire de plus de 72 wagons, contenant du pétrole brut, s’est produit au centre de la ville, provoquant à son passage de nombreuses explosions, la destruction quasi-complète du centreville et la mort de 47 personnes. Lors de ce désastre, plusieurs citoyens de cette municipalité ont dû être relocalisées, d’autres ont subi des pertes matérielles importantes et certains ont perdu leur propriété dans les jours et les semaines suivant le déraillement du train. L’exposition à ce sinistre a également contribué à l’apparition de traumatismes physiques et psychologiques chez un bon nombre d’adultes, d’enfants et d’adolescents. Sachant que les impacts d’un tel évènement se modulent en fonction de différentes variables sociodémographiques dont le sexe, l’âge, le lieu de résidence les victimes retenues dans cette étude sont les hommes âgés de 18 ans ou plus, vivant à Lac-Mégantic.
La direction de santé publique de l’Estrie et l’UQAC ont effectué des enquêtes populationnelles au cours des trois années suivant le sinistre et après celui-ci. La dernière enquête, qui s’est réalisée en 2016, a permis de constater que les Méganticois sont toujours dans un processus de deuil qui est à l’origine de plusieurs retombées négatives sur la santé physique et psychologique des personnes qui ont été directement ou indirectement exposées au déraillement du train et à ses dommages collatéraux (ex. relocalisation temporaire ou permanente, perte de son entreprise ou de son emploi), sur les croyances des individus et sur leur vie personnelle, familiale, sociale et professionnelle (Généreux & Maltais, 2017; Maltais. et al., 2019).
La présente recherche, vise donc à documenter les principaux souvenirs vécus par les hommes pendant et après la catastrophe, identifier les sentiments éprouvés par ces répondants pendant et après la tragédie et finalement, documenter les conséquences d’un tel évènement sur la santé physique et psychologique ainsi que sur la vie personnelle, conjugale, sociale et professionnelle des répondants, et ce, en fonction de la présence ou non des manifestations du trouble de stress post-traumatique (TSPT).
Mise en contexte des catastrophes naturelles et technologiques
Les changements climatiques sont au cœur des questionnements de notre époque. L’évolution des conditions météorologiques a des impacts sur une multitude d’aspects, tels que la production agricole et alimentaire, l’élévation du niveau de la mer, le risque d’inondation et les chaleurs accablantes. Selon l’Organisation des Nations Unies, les conséquences néfastes de ces changements sont mondiales tout autant en termes du nombre que de la gravité de ces dernières (Nations Unies, 2011). À ce sujet, Swiss Re Institue (2017) a dénombré plus de 327 évènements d’ordre catastrophique en 2016 à l’échelle mondiale, dont 191 catastrophes naturelles et 136 catastrophes technologiques, dont celui du Lac-Mégantic.
Au cours des deux dernières décennies, le Québec ne fut pas épargné par des catastrophes autant naturelles que technologiques. On peut penser aux inondations de juillet 1996, où une série de débordements des cours d’eau qui a frappé le Saguenay provoquant l’évacuation de 16 000 citoyens, la mort de six individus et des dommages matériels estimés à plus de 1,5 milliard de dollars (Tremblay, 2005). Il y a également eu la tempête de verglas de 1998, qui a occasionné le déplacement temporaire de plus de 600 000 individus, le décès de 34 personnes et un coût financier d’environ 5,4 milliards de dollars (Bonikowsky et Block 2018). En 2013, soit la même année que le déraillement à Lac-Mégantic, le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BTC) (2014), a répertorié plus de 1 000 accidents ferroviaires (n=1067), ce qui représente une hausse de 4 % par rapport à l’année précédente.
Parmi ces évènements, le BTC a dénombré plus de 114 accidents ferroviaires qui mettaient en cause des matières dangereuses un nombre qui, est plus élevé que la moyenne sur les cinq années précédentes. La majorité de ces accidents sont dus à des déraillements ou encore, à des collisions avec des voitures ou avec tout autre type de biens matériels. Plus récemment, au printemps 2017 et 2019, plus de 200 municipalités du Québec ont été affectées par de graves inondations, qui ont notamment causé d’importants dommages à plusieurs centaines de bâtiments et d’infrastructures (Urgence Québec 2017).
Le rétablissement de cette situation s’est échelonné sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois, en 2017 de même pour les inondations de 2019. En ce qui a trait aux catastrophes technologiques, en juillet 2013, le déraillement d’un train rempli de pétrole brut au sein de la municipalité du Lac-Mégantic a provoqué de nombreuses explosions, la destruction quasicomplète du centre-ville et la mort de 47 personnes. Cet évènement est reconnu comme étant l’une des pires catastrophes ferroviaires de l’histoire du Canada (Halliday, 2015).
Ainsi, de nos jours, l’humanité s’expose à de nouveaux dangers liés aux matériaux, aux machines et aux processus énergétiques. Ceci étant dans l’optique de satisfaire les besoins de plus en plus nombreux de la population, mais également pour les compagnies d’en retirer des bénéfices, et ce, au détriment de la sécurité des individus et de la contamination des sols. (Novethic, 2019) .
Un accident technologique se décrit comme étant un évènement qui survient quand un aléa technologique n’est pas maitrisé́ et qu’une situation potentiellement dangereuse en découle ou se concrétise (Auger. et al., 2003). Ce type de catastrophe est en augmentation depuis le 20e siècle et risque d’augmenter de façon exponentielle au cours des prochaines années dans les pays industrialisés (Coleman, 2006).
Cette augmentation peut s’expliquer par l’accroissement d’activités industrielles qui, par le fait même, augmente les risques d’incendies, d’explosions et de catastrophes marines, aériennes ou ferroviaires (Swiss Re Institue., 2017).
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