Les collisions entre particules
Bien qu’il ne fait l’objet que d’un nombre limité d’étude, le rôle des photons lors de la croissance du film ne peut pas être a priori négligé. Par exemple, dans le cas du dépôt de SiO2 par plasma, Devine et al. ont montré que les photons émis par le plasma dans l’UV (entre 250 et 300 nm) créaient des défauts paramagnétiques dans le film de SiO2 [DEVINE]. Par ailleurs, l’observation de ces photons en spectroscopie d’émission optique donne de nombreux renseignements sur les espèces présentes dans le plasma (chapitre 2, § 2.2). Chaque réaction R est caractérisée par une section efficace dépendant de l’énergie, notée σR(E). La constante de réaction kR est alors définie par : kR=v σR(E)=v σR(E) fe(E) dE0∞∫ . (1-21) Suivant les conditions (pression, dimensions du réacteur) les collisions entre particules neutres (radicaux et molécules) peuvent jouer un rôle important ou au contraire négligeable. En effet, il y a une compétition entre les réactions en volume (réactions entre un radical et une molécule ou un autre radical) et la diffusion aux parois des radicaux. Pour chaque réaction R entre un radical A et une espèce B, on peut définir un temps caractéristique de la réaction τR par : τR = [kR nB]-1 , (1-22) où nB est la densité de particules B et kR est la constante de réaction.
De même, la diffusion vers une parois d’un radical A peut être caractérisée par un temps caractéristique de diffusion τD, défini par : τD=Λ24DA , (1-23) où Λ est la longueur caractéristique de diffusion et DA est le coefficient de diffusion du radical A. Dans des conditions expérimentales données, la comparaison de τR et de τD permet de déterminer le processus dominant entre les réactions en volume et les réactions de surface. Dans le cas des dépôt par PECVD RF, les réactions en phase gazeuse jouent un rôle important dans la formation de précurseurs, du fait des pressions de travail relativement élevées (> 10 Pa) [SMITH93]. Dans le cas des dépôts à basse pression (< 1 Pa), comme le dépôt par DECR, les réactions en phase gazeuse deviennent négligeables devant la diffusion vers les parois, c’est-à-dire devant les réactions de surface. Pour illustrer ce propos, prenons l’exemple du radical SiH2. La réaction en phase gazeuse la plus probable pour ce radical est la recombinaison avec une molécule de silane pour former une molécule excitées de disiliane. La constante de cette réaction, pour une pression de 0,3 Pa, vaut 2×10-13 cm3/s [KAE-NUNE]. Le temps caractéristique de cette réaction, pour un débit de silane de 4 sccm, est de l’ordre de 0,3 s (équation 1-25). Par ailleurs, la longueur caractéristique du réacteur est de l’ordre de 10 cm et le coefficient de diffusion de SiH2 dans SiH4 est, d’après [FUYUKI], de 2700 cm2/s. Le temps caractéristique de diffusion du radical SiH2 est donc de l’ordre de 0,01 s (équation 1-23). On comprend, sur cet exemple, que les réactions de surface vont jouer un rôle prédominant dans notre type de plasma.
L’évolution des méthodes de dépôt en phase vapeur Avant de nous attarder plus longuement sur les méthodes de dépôt de nitrure de silicium les plus récentes et les plus prometteuses, c’est-à-dire les dépôts assistés par plasma de haute densité (ECR, DECR, hélicon et ICP), nous avons jugé utile de situer celles-ci par rapport aux autres méthodes de dépôt en phase vapeur (CVD : chemical vapor deposition). La figure 1-2 donne un aperçu général de ces diverses méthodes en fonction de l’énergie des ions arrivant sur le substrat et de la température de ce dernier pendant le dépôt. Ces valeurs ont été obtenues dans la littérature, à partir des points de fonctionnement de chaque méthode. On constate que les dépôts assistés par plasma de haute densité permettent de réduire au maximum la température du substrat (jusqu’à la température ambiante) et mettent en jeu des ions d’énergie relativement faible (de 10 à 40 eV). Nous verrons au cours de notre étude que ces ions peuvent jouer un rôle important lors du dépôt (chapitre 3). Lorsque l’on utilise des méthodes ne faisant pas intervenir d’ions, telles que la photolyse d’un mélange NH3-SiH4 (UVCVD : Ultra-Violet photon assisted CVD) [HOW KEE CHUN, LEMITI], on s’aperçoit que l’on est obligé d’augmenter la température du substrat. De plus, les films réalisés par cette méthode présentent une densité plus faible que ceux réalisés à partir de plasmas de haute densité (§ 2.5).
Cependant, du fait de l’absence d’ions, cette méthode présente l’avantage de minimiser les perturbations de l’interface semiconducteur- La méthode la plus simple pour réaliser un dépôt en phase vapeur de nitrure de silicium est sans doute la pyrolyse d’un mélange gazeux à pression atmosphérique (APCVD : Atmospheric Pressure CVD). Les gaz utilisés (en général ammoniac et silane ou dichlorosilane) sont introduits en faibles quantités à l’aide d’un gaz porteur (par exemple l’argon) dans une enceinte chauffée à 800°C environ. Malgré sa grande simplicité, cette méthode est très peu répandue et on préfère utiliser la pyrolyse d’un mélange gazeux à basse pression (LPCVD : Low Pressure CVD). En effet, le fait d’utiliser des pressions faibles (de l’ordre de 100 Pa) permet d’augmenter l’uniformité et la reproductibilité des dépôts. La méthode LPCVD permet l’élaboration de films minces de très bonnes qualités physiques et électriques, à l’exception des contraintes qui sont élevées. En raison de ces qualités, nous utiliserons dans cette étude le nitrure LPCVD (ou nitrure thermique) comme référence. Cependant cette méthode possède certaines limitations. En effet, les fortes contraintes en tension présentes dans le film ont tendance à fissurer ce dernier, notamment lorsque la surface du substrat présente des marches.
De plus, les hautes températures utilisées ( de 800 à 1000°C) peuvent engendrer des problèmes de diffusion d’impuretés ou de dopants dans les dispositifs et ne sont pas compatibles avec tous les matériaux, ce qui limite le domaine d’application de ces méthodes. Les méthodes de dépôt assisté par plasma (PECVD : Plasma Enhanced CVD) ont permis de réduire considérablement la température du substrat (figure 1-2) et, ainsi, d’envisager des dépôts de films minces sur des matériaux sensibles à la chaleur (semiconducteurs III-V, plastiques, …). Les premiers dépôts assistés par plasma sont apparus à la fin des années 60 et ont connu un formidable essor au cours des années 70 : en 1976 Applied Materials commercialise le premier réacteur PECVD sous le nom « Plasma 1 ». Ce type de réacteur, qui utilise des plasmas radiofréquences capacitifs (PECVD RF), est encore très répandu aujourd’hui dans l’industrie. Comme on peut le voir sur la figure 1-3, le principe de ce réacteur est très simple. Deux électrodes sont placées en vis-à-vis, espacées de quelques centimètres, dans une enceinte sous vide, où l’on injecte les gaz contenant les précurseurs du dépôt. Lorsqu’une tension radiofréquence est appliquée sur une électrode, l’autre étant reliée à la masse, le gaz s’ionise et le dépôt se forme sur les électrodes. Le ou les substrats sont généralement placés sur l’électrode reliée à la masse.
Les réacteurs ECR pour le dépôt de nitrure de silicium
De nombreuses géométries différentes de réacteurs ECR ont été utilisées pour réaliser des dépôts. Nous avons représenté sur la figure 1-5 le réacteur le plus courant. Il est constitué des éléments décrits ci-dessous. Pour le dépôt de nitrure de silicium les gaz les plus souvent utilisés sont l’azote et le silane. L’azote est introduit dans la région source alors que le silane (pur ou dilué dans de l’argon) est injecté dans la zone de dépôt, à l’aide d’un anneau diffuseur placé proche du substrat. Un plasma d’azote est créé et diffuse vers la région de dépôt. Les particules chargées (électrons et ions) sont accélérées par le champ magnétique divergent, d’intensité décroissante. Le silane est alors dissocié, essentiellement par collisions avec les électrons. Les différents radicaux provenant de la dissociation de l’azote et du silane réagissent à la surface du substrat pour créer un film de SiNx. Ce type de réacteur a fait l’objet de nombreuses études, tant au sujet des performances de la source plasma que des caractéristiques des films déposés. Des réacteurs de dépôt ont été commercialisés depuis une dizaine d’années, surtout au Japon, mais leur utilisation en industrie reste relativement modeste.
Cela peut être en partie attribué au fait que, aujourd’hui encore, le fonctionnement de ces sources n’a pas été entièrement compris et continue à être étudié. Les travaux les plus récents concernent l’absorption des micro-ondes dans le plasma (voir 2.2.4) ainsi que l’identification des précurseurs de dépôt. A ce jour, un modèle de dépôt complet n’a toujours pas été présenté. Des chercheurs travaillent sur la modélisation 2D du dépôt de silicium amorphe par plasma ECR, mais leur étude ne fait que débuter [RAMALINGAM]. Par ailleurs, même si ces réacteurs marquent une avancée par rapport au plasma PECVD RF, ils ont fait apparaître de nouveaux inconvénients. Parmi ceux-ci, la plupart sont d’ordre pratique ou économique et ont contribué à freiner l’intégration des sources ECR dans l’industrie : le système est complexe (2 chambres sous vide, plusieurs bobines ou aimants permanents de forte intensité, une ligne de transmission de micro-ondes) et l’équipement est cher (pompes turbo moléculaire, aimants ou bobines, générateur micro-onde, hublot en quartz), volumineux et très lourd (environ 1 tonne). D’autres inconvénients, d’aspect technologique, existent également : l’uniformité sur de grandes surfaces n’est pas suffisante pour la nouvelle génération de substrat de silicium (30 cm de diamètre) et les vitesses de dépôt sont relativement faibles.
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