Les conséquences de la crise financière
Exceptionnelle par son ampleur et sa durée, la crise financière amorcée en 2007 aura des effets durables sur les conditions de financement de l’économie. La dégradation conjointe des finances publiques et de la stabilité du système financier qu’elle occasionne se double des effets attendus, et même anticipés, des nouvelles réformes prudentielles qu’elle a suscitées. D’ores et déjà, les offreurs de financement, et au premier chef les banques, révisent les conditions de leur activité, ce qui pourrait exposer certains demandeurs à un resserrement des financements externes dont ils dépendent. L’Etat, qui envisageait initialement de limiter son action à la stabilisation temporaire des conditions de marché, est dès lors conduit à s’interroger sur les modalités de son implication de long terme dans le financement de l’économie. En apparence, la crise s’est présentée comme un choc ponctuel touchant la sphère financière puis, par de multiples répliques, les sphères économiques, sociales ou étatiques. A posteriori, son occurrence est apparue particulièrement brutale et soudaine. Pourtant, son déclenchement a résulté en grande partie de la persistance de déséquilibres macroéconomiques à l’échelle mondiale. Dans la majorité des pays développés, la décennie 2000 a été marquée par la forte progression de l’endettement cumulé des agents économiques publics et privés, mesuré en proportion du PIB.
Cette évolution, qui traduit une augmentation tendancielle de la quantité de capital nécessaire à produire une quantité de richesse donnée, est caractéristique d’une insuffisance de rentabilité du capital. Elle peut s’expliquer par la résultante de plusieurs facteurs : – suraccumulation de capitaux dans les économies des pays développés où l’épargne des pays émergents s’alloue du fait de la faiblesse des infrastructures financières, de l’absence de protection sociale et de la nécessité pour ces pays de maintenir bas le cours de leur devise, afin de soutenir leur compétitivité-prix ; Aux Etats-Unis, l’accélération de l’endettement a principalement été le fait du secteur privé, la sophistication des techniques d’ingénierie financière permettant de masquer, par la titrisation et l’inscription hors-bilan, l’ampleur réelle de l’effet de levier des établissements financiers. En France, il a plutôt été porté par l’Etat, qui s’est endetté pour soutenir la consommation et compenser le fléchissement de la compétitivité de l’économie143. A l’inverse, l’Allemagne a paru protégée de cette hausse de l’endettement. limité au maintien du niveau des prix à la consommation et, en pratique, ne prend pas en compte la valorisation générale des actifs. Les autorités européennes ont en outre pu être gênées par la nécessité d’offrir suffisamment de monnaie pour installer l’euro en tant que devise de réserve internationale.
Des impacts durables sur le financement de l’économie
Les effets de la crise financière sur le financement de l’économie résultent tout autant des répercussions du choc de 2008, notamment en termes de finances publiques, que des conditions de mise en œuvre des mesures prudentielles adoptées pour en prévenir une éventuelle résurgence. Au premier semestre 2007, la hausse des défauts enregistrés sur les crédits hypothécaires à haut risque (subprimes) a provoqué un éclatement de la bulle immobilière aux Etats-Unis. Au-delà de ses effets immédiats sur la croissance (recul de la construction, baisse de la consommation), cet éclatement a conduit les établissements financiers à réintégrer à leur bilan une grande partie de leurs créances titrisées sous formes de produits structurés145 et jusqu’alors placées dans des véhicules ad hoc hors bilan. Cependant, de même qu’elle avait conduit les agences de notation à sous-estimer le risque sous-jacent des titres subprimes, la complexité des produits structurés a rendu difficile l’évaluation des pertes. En l’absence d’information fiable sur l’exposition de leurs pairs, les établissements financiers ont cherché à se prémunir d’éventuels risques de contrepartie. De ce fait, une incertitude généralisée s’est installée sur les marchés financiers et notamment interbancaires.
Déclenchée aux Etats-Unis, la crise s’est propagée à l’échelle internationale du fait du poids de la finance américaine dans le monde et de l’internationalisation des marchés. Le rapatriement aux Etats-Unis de fonds jusqu’alors placés par les établissements américains dans le reste du monde a contribué à un assèchement profond du marché interbancaire. Les filiales américaines de certaines banques européennes ou asiatiques, qui se sont trouvées exposées aux produits structurés, ont également participé à l’internationalisation de la crise. De même, l’effet procyclique des normes comptables a aggravé la dégradation des bilans et précipité la faillite d’institutions financières telles Lehman Brothers ou AIG. Les Etats ont été appelés à intervenir pour stabiliser le système financier. Certains établissements ont été adossés de force à des groupes plus solides (Merrill Lynch), d’autres ont bénéficié de garanties publiques (Dexia en France) ; d’autres ont été partiellement (ABN Amro aux Pays- Bas) ou totalement nationalisés (Northern Rock au Royaume-Uni).