LES CONSÉQUENCES CIVILES D’UNE INFRACTION EN MATIÈRE DE DUMPING SOCIAL SUR LE CONTRAT
Dans ce chapitre, nous nous pencherons plus précisément sur l’aspect infractionnel du dumping social et ses conséquences sur le contrat, que ce soit le contrat de travail, le contrat d’entreprise ou de sous-traitance. A cet égard, nous prendrons l’exemple d’un employeur qui met ses travailleurs à disposition d’un utilisateur en violation de la loi du 24 juillet 1987. Ensuite, nous examinerons l’impact d’une infraction sur le contrat d’entreprise. Quelles sont les conséquences, tant dans le chef du maître de l’ouvrage que de l’entrepreneur ou de l’utilisateur ? Nous terminerons par examiner la position du travailleur : peut-il être préjudicié par une annulation de son contrat de travail ? Lors de sa formation, tout contrat doit satisfaire aux conditions de validités112, à savoir le consentement, la capacité, l’objet, la cause et la conformité à l’ordre public et aux bonnes mœurs. Or, un contrat conclu en infraction à la loi comporte non seulement une cause illicite, mais également un objet illicite et est contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs. La notion d’objet est une notion polymorphe qui prend place dans plusieurs articles du Code civil (articles 1108, 1126 à 1130). Dans le cadre de notre analyse, nous allons envisager l’élément constitutif de l’objet en tant qu’il se rapporte à l’objet de l’obligation du contrat qui permet de le caractériser, et éventuellement l’objet des obligations essentielles. L’objet doit satisfaire à quatre conditions : l’objet de l’obligation doit exister, il ne doit pas être absolument impossible, il doit être déterminé (ou à tout le moins déterminable) et enfin, l’objet doit être licite. C’est particulièrement la dernière condition de licéité qui pose problème dans le cadre de notre contrat conclu en violation d’une législation de droit social. En effet, l’objet du contrat, entendons en l’espèce l’obligation principale qui permet de le caractériser, ne peut pas être contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. Selon la Cour de cassation, l’objet d’un contrat n’est illicite que s’il ne crée ou maintient une situation illégale113.
Conséquence de l’illicéité de la cause
La conséquence de l’illicéité de l’objet du contrat est qu’il est frappé de nullité absolue : l’intérêt général est en cause et la nullité peut alors être invoquée par toute personne y ayant un intérêt114. Si nous transposons cela à notre contrat de mise à disposition conclu en violation de la loi du 24 juillet 1987, des tiers au contrat115, en l’espèce le travailleur, pourraient tout à fait invoquer la nullité de la convention de mise à disposition signée entre l’employeur et l’utilisateur puisqu’il y a un intérêt légitime. La lecture de l’article 1131 du Code civil nous laisse entendre que la cause revêt un double rôle : la cause constitue une condition de validité des obligations essentielles du contrat mais également un instrument de contrôle de sa licéité. Diverses théories ont été développées afin de mieux comprendre la notion de cause qui est difficile à cerner116. Nous avons décidé de retenir la théorie moderne de la cause qui plaide pour une vision unitaire de la cause. Selon cette théorie majoritaire défendue notamment par P. VAN aux parties de conclure le contrat, tant lorsqu’il s’agit de vérifier sa licéité que de vérifier si le contrat repose sur une cause et que cette dernière ne soit pas fausse. Par ailleurs, il peut être difficile de faire la distinction entre les notions d’objet et de cause. Cela s’explique par un rapprochement entre le consentement, l’objet et la cause expliqué par L. CORNELIS d’une volonté par le consentement qui aboutit à l’objet du contrat. Ainsi, il n’est pas surprenant qu’un contrat puisse être à la fois affecté d’une cause illicite et d’un objet illicite. La Cour de cassation vient renforcer cette filiation puisqu’elle affirme que, comme nous l’avons dit ci- dessus, l’objet d’un contrat est illicite lorsqu’il crée ou maintient une situation illégale. Dès lors, nous avons du mal à imaginer une situation où les parties ont un mobile illicite sans conclure un contrat qui est illégal. Dans le cas du contrat de mise à disposition illicite de travailleurs, l’employeur et l’utilisateur étaient animés d’une cause illicite puisque la raison pour laquelle ils ont passé un tel contrat était de retirer un avantage concurrentiel déloyal, ce qui combattu par de telles législations sociales. La jurisprudence et la doctrine ont mis en place deux conditions cumulatives afin de pouvoir sanctionner la cause illicite119. Premièrement, seuls les mobiles déterminants peuvent être pris en compte, c’est-à-dire que le mobile illicite doit avoir été déterminant pour conclure la convention. Deuxièmement, le mobile illicite ne doit pas forcément avoir été connu par l’autre partie.