Dans notre guide d’entretien, ce thème est apparu au travers de la question suivante: “ Selon vous, comment un enfant se représente-t-il la mort ? ”. Voici les réponses des quatre enseignantes :
Enseignante 1 (Laure) : Laure est d’avis que les conceptions de la mort chez l’enfant varient selon chacun d’eux. Elle pense toutefois, qu’avant leur entrée à l’école, ils ne savent pas ce qu’est la mort étant donné que le sujet n’a probablement pas été abordé avec eux, à moins qu’ils aient déjà perdu un proche. Ils s’en font une idée dès leur entrée à l’école, car la mort peut être abordée au travers d’histoires par exemple. Ils ont des idées un peu enfantines à ce sujet. Elle dit d’ailleurs : “ Alors, ils s’en font une idée. Mais peutêtre plutôt dans le sens que c’est comme un voyage ou que la personne elle va dans le ciel, et un jour, elle va revenir. Elle est sur les nuages, elle est une étoile qui brille dans le ciel. Vraiment des choses comme ça. C’est un peu des idées enfantines ” (l. 32-36). Elle nous explique que les enfants ne savent pas vraiment que la personne ne reviendra plus jamais. Selon elle, c’est quand ils vivent la chose qu’ils s’en font une idée, quand ils ressentent vraiment le manque de la personne, qu’ils souffrent de cette absence. Ils commencent alors à prendre conscience que lorsque l’on est mort, on ne respire plus et on ne revient plus. L’enseignante précise également que la conception de la mort chez l’enfant est encore différente si le sujet a été abordé par les parents ou pas. Selon elle, les parents, l’entourage influencent la manière de se représenter la mort chez l’enfant. En général, c’est par rapport à l’âge des enfants, même si certains jeunes ont déjà conscience de ce que c’est réellement. Finalement, elle pense que ce n’est qu’à partir de 9-10 ans qu’ils savent exactement ce qu’est la mort et qu’ils sont conscients de la chose et surtout de son irréversibilité.
Enseignante 2 (Carole) : Carole commence par préciser que les conceptions de la mort chez l’enfant dépendent de leur âge. Elle prend l’exemple de son fils qui a six ans et qui a déjà perdu son arrière grand-maman et son grand-papa. Elle dit : “ Alors moi je pense à mon fils par exemple, il a six ans et il a son grand-papa qui est mort et son arrière grandmaman aussi. Alors à son âge, et je pense que plus petit aussi, ils ne s’en rendent pas compte, ils n’y pensent même pas ” (l. 35-38). Ce n’est qu’à partir de sept ou huit ans que les enfants s’en font une idée. Elle dit d’ailleurs : “ Mais moi je pense à partir peut-être de sept ans, sept, huit ans, ils sont dans un endroit, voilà. C’est le paradis, ils sont bien ” (l. 38-39). À cet âge, les enfants commencent également à se poser des questions sur la mort. Par exemple : “ Est-ce que tu penses qu’il peut revenir ? ” (l. 40). Elle est d’avis qu’ils n’ont pas encore compris qu’elle est irréversible. Ce n’est que vers l’âge de 10 ans qu’ils se rendent compte de cela.
Enseignante 3 (Anne) : Anne précise qu’il est difficile pour elle de s’exprimer à ce sujet. Elle commence par rappeler une situation qu’elle a vécue et qui met en exergue les conceptions de la mort chez un enfant de sept ans : “ Je me rappelle d’un cas où un enfant qui avait sept ans m’expliquait qu’il allait prendre l’avion pour partir en vacances. Et, il m’a dit : « Ah, mais je me réjouis, comme ça je peux aller voir grand-maman ». Du coup, moi j’ai dit : « Ah oui, ben ta grand-maman elle habite en Espagne. Et puis, il me dit : « Non non, elle est morte » ” (l. 32-35). Par cela, l’enseignante a compris qu’il allait voir sa grand-mère, mais dans les nuages. Selon elle, la conception de la mort chez l’enfant dépend de tout ce qui se passe à la maison, de toutes les explications et les réponses des parents. Cela dépend beaucoup de s’ils en parlent ou pas et de l’âge des enfants également. Mais elle est d’avis que normalement, vers quatre ou cinq ans, les enfants sont conscients qu’ils peuvent perdre un être cher. Elle précise d’ailleurs : “ Ils se détachent des parents et se rendent compte qu’ils peuvent les perdre, que la personne peut partir. […] Je pense qu’ils savent qu’ils peuvent perdre quelqu’un, mais ils ne sont peut-être pas encore conscients que c’est pour toujours hein ” (l. 40-44). Anne pense que les enfants associent la mort avec les nuages, le ciel. Elle voit cela comme un long voyage, mais elle pense qu’ils ne réalisent pas que c’est pour toujours. Ce n’est qu’à partir de 9-10 ans que les enfants réalisent vraiment que la mort est la fin de la vie.
Enseignante 4 (Nadia) : Nadia dit que les enfants sont assez gênés lorsque le sujet de la mort est abordé. Elle voit cela comme quelque chose de mystérieux et de pas très net pour eux. Elle nous donne d’ailleurs un exemple de deux jumelles d’environ sept ans, qu’elle a eues dans sa classe de première primaire et qui ont perdu leur papa : “ Mais elles sont arrivées l’après-midi en cours et elles sont venues en disant : « Ouais, nous on a vécu un truc spécial aujourd’hui », et en souriant ! Elles n’ont pas compris ce que ça voulait dire. Et puis, ça a été long avant qu’elles se rendent compte qu’il était mort et qu’il ne reviendrait plus, qu’il n’était plus là. Elles n’ont pas compris ça ” (l. 69-73). Selon elle, les enfants ne s’intéressent pas forcément à ce sujet et ne sont pas conscients de ce que cela est réellement. Elle est d’avis que ce n’est que vers l’âge de 9-10 ans qu’ils en ont une connaissance plus précise. Elle dit d’ailleurs : “ Alors c’est vers neuf ans, je pense. Vers 9- 10 ans, je pense qu’ils savent que c’est vraiment fini et que la personne ne revient plus. Avant, c’est vraiment un peu euh…mystérieux ! Ils n’en parlent pas si on ne leur en parle pas. Et c’est quelque chose d’étrange ” (l. 90-92). Elle ajoute aussi que les conceptions sont influencées par l’âge des enfants et par ce qui se dit à la maison. Pour elle, le mystère de la mort est percé lorsque les enfants vivent réellement la chose. Ils se représentent la mort de manière plus exacte.
Pour commencer, dans les discours des enseignantes, nous pouvons percevoir des propos différents, mais qui se rejoignent toutefois en certains points. Ce que nous pouvons principalement constater est que toutes les enseignantes sont d’avis que ce n’est que vers l’âge de 9-10 que les enfants sont conscients de la mort et qu’ils comprennent qu’elle est irréversible. Avant cet âge, ils ont des idées très enfantines. Nous le remarquons à leurs différents propos: “ paradis ” ; “ dans les nuages ” ; “ long voyage ”. Pour Nadia, ce n’est d’ailleurs pas un sujet qui demande à être abordé par les enfants.
Ensuite, nous pouvons constater que toutes les enseignantes mentionnent le fait que l’âge est un facteur influençant la compréhension de la mort chez l’enfant. Cela est évident puisqu’elles proposent toutes des catégories d’âge dans leurs discours. Trois enseignantes ajoutent que l’entourage joue également un rôle. Pour elles, les enfants n’auront pas les mêmes compréhensions si le sujet a été abordé à la maison ou avec l’entourage. Deux enseignantes mentionnent également un troisième facteur susceptible d’influencer la compréhension de la mort chez l’enfant, soit le fait qu’il ait déjà vécu un événement tel la perte d’un proche ou non. Dès le moment où l’enfant vit l’événement, il n’aura alors, selon elles, plus les mêmes compréhensions que les autres qui ne l’ont jamais vécu.
Puisque toutes les enseignantes nous expliquent des situations qui ont touché des enfants de six à huit ans, nous nous apercevons donc que selon elles, leur élève n’était pas conscient sur le moment de l’irréversibilité de la mort.
1. INTRODUCTION |