Notre planète est en évolution perpétuelle, mais depuis le vingtième siècle, cette évolution s’est accélérée sous l’impulsion de l’homme (Barbault, Chevassus-au-louis, 2004). Le concept de changement global est maintenant bien compris et accepté dans une large mesure par les scientifiques, les organisations et le public informé. Il comprend à la fois les changements à l’échelle de la biosphère (comme le changement climatique, l’élévation du niveau de la mer) ainsi que des changements à des échelles plus fines (pratiques agricoles, occupation du sol). Ce changement global est devenu une préoccupation mondiale depuis les années 1970, suite à une prise de conscience du poids de l’homme dans la dynamique de la biosphère, mais aussi de sa totale dépendance vis-à-vis de celle-ci (Barbault, Chevassus-aulouis, 2004; FAO, 2008 ; UNEP, 2010; Vitousek et al., 1997).
Au début de l’histoire de la planète, seules des forces telles le climat, le vent, l’eau, le feu, les éruptions volcaniques, l’impact de météores étaient responsables de l’évolution des écosystèmes. Désormais, ces forces naturelles sont toujours présentes, parfois même de manière cyclique, mais sont surpassées par celles résultant de l’activité humaine : les pressions anthropiques sont dorénavant directes, nombreuses et en interaction (Barbault, Chevassus-au-louis, 2004). Dans les sociétés occidentales, l’urbanisation est sans doute l’un des facteurs majeurs de la modification des écosystèmes. Ce n’est, pour l’essentiel, que la conséquence des aménagements nécessaires aux besoins créés par l’augmentation démographique. En effet, la population mondiale a doublé durant les trente dernières années, dont 45% vit en zone urbaine (Beckel, 1999; UNEP, 2002). Face aux 6 milliards d’habitants et à la mondialisation de la culture depuis le vingtième siècle, de nombreux problèmes se posent. La surexploitation des ressources naturelles (énergie fossile) en fait partie, tout comme la question du retraitement des déchets (Casagrande, Zaidman, 1999). Afin de subvenir aux besoins de tous, les pratiques culturales et sylvicoles ont rapidement évolué (Merriam, 1984; Saunders et al., 1991), et le pourcentage de terres cultivées à travers le monde a augmenté de 466 % entre 1700 et 1980 (Richards, 1990). Corrélativement, le taux net de déforestation a été estimé à 9 millions d’hectares par an dans les années 1990 (FAO, 2001) . A titre d’exemple, 46% de la forêt tropicale mondiale a été détruite dans les années 1970 (Sunquist, Sunquist, 2001). De plus, le développement de l’agriculture induit une forte érosion des sols et une consommation importante en eau douce. Les systèmes hydrologiques sont profondément modifiés à des fins d’irrigation, et de nombreuses zones humides ont disparu suite à des drainages, dont 50% en 30 ans en France (Bernard, 1994).
D’autres actions anthropiques affectent les écosystèmes : 1) l’altération progressive de la couche d’ozone (due à la pollution atmosphérique) contribue à l’augmentation des rayonnements UV jusqu’à la surface de la terre, ce qui est nocif pour les organismes ; 2) l’introduction d’espèces exotiques envahissantes par la main de l’homme (Barbault, Chevassus-au-louis, 2004; Beebee, Griffiths, 2005; Ficetola et al., 2007; Gallant et al., 2007) affecte fortement la biodiversité ; 3) la surexploitation des ressources naturelles (énergie fossile) est également invoquée ainsi que le l’accumulation des déchets et leur retraitement (Casagrande, Zaidman, 1999).
Conséquences sur la Biodiversité
Certains de ces changements induisent une profonde modification des écosystèmes dont nous dépendons, et constituent des risques environnementaux de grande ampleur pour la diversité biologique à l’échelle planétaire. En effet, la communauté scientifiques s’accorde à dire que nous sommes actuellement au cœur de la 6ème crise d’extinction majeure des espèces (Barbault, Chevassus-au-louis, 2004; Koh et al., 2004; Vié et al., 2009). Ce déclin mondial est causé cette fois non pas par un bouleversement géologique (volcanisme intensif, collision avec une grande météorite…), comme dans les cas précédents, mais résulte de l’expansion démographique de notre espèce aux fortes exigences énergétiques et spatiales (Barbault, Chevassus-au-louis, 2004). Parmi les 44 838 espèces observées et incluses dans la liste rouge de l’UICN de 2008, la moitié sont menacées d’extinction, classées en danger ou vulnérables, et 1,7% ont totalement disparu (Vié et al., 2009). Tous les groupes sont touchés par cette crise forte et rapide , dont 12% des oiseaux, 25% des mammifères 32% des coraux, 23% des reptiles, ainsi que 43% dans amphibiens, dont 31% sont menacés d’extinction (Stuart et al., 2004; Vié et al., 2009).
La perte et la fragmentation de l’habitat, conséquences directs du changement global, sont aujourd’hui une menace pour la biodiversité reconnue par tous (Foley et al., 2005), et semblent contribuer largement à la sixième crise majeure d’extinction des espèces (Wilcox, Murphy, 1985) . La perte de l’habitat diminue la quantité d’habitat, pouvant induire une réduction de l’effectif de la population, qui devient alors plus vulnérable aux processus stochastiques environnementaux et démographiques (Fahrig, 1997). La fragmentation de l’habitat contribue à la rupture de sa continuité (Lord, Norton, 1990). Une population isolée et de taille réduite peut ainsi être affectée par la consanguinité, l’érosion et la dérive génétique (Beebee, 2005; Keller, Waller, 2002; Marr et al., 2006; Tallmon et al., 2004). Cependant, c’est plus généralement l’association de ces deux processus qui est préjudiciable (Fahrig, 2003).
Des études récentes suggèrent que le réchauffement climatique pourrait être finalement considéré comme la cause majeure du déclin (Parmesan, 2006; Pounds et al., 2006; Pounds et al., 2007; Sinervo et al., 2010). Les paramètres caractérisant les changements climatiques tels les variations des températures, le rayonnement solaire, les UV, l’humidité, la couverture nuageuse, les précipitations et la fréquence des évènements climatiques extrêmes, sont étroitement liés à la qualité et la perte de l’habitat (Araujo et al., 2006; D’Amen, Bombi, 2009) et à la crise d’extinction.
D’autres facteurs sont impliqués dans la perte de biodiversité, comme la pollution (Bridges, Semlitsch, 2000; Collins, Storfer, 2003; Davidson et al., 2002; Vié et al., 2009), conséquence de la révolution industrielle et de l’intensification de l’agriculture. De nombreuses molécules rejetées dans l’environnement sont classées comme CMR (cancérigène, mutagène, et reprothératogène), et induisent des malformations, la stérilité et des taux importants de mortalités. La sur-exploitation de nombreuses espèces à des fins alimentaires ou médicales (Neveu, 2004), mais aussi l’introduction d’espèces exotiques, prédatrices et/ou compétitrices des espèces autochtones (Beebee, Griffiths, 2005; D’Amore et al., 2009; Ficetola et al., 2007), et la propagation de maladies (Bradley et al., 2002; Miller, Gray, 2009; Murray et al., 2009; Voyles et al., 2009) sont aussi des menaces pour la biodiversité .
Ces nombreux changements exercent une pression considérable sur les populations. Face à ces modifications brutales de leur environnement, le devenir des organismes dépend de leur capacité à répondre, c’est-à-dire de leur aptitude à s’accommoder et à s’adapter à ces changements, afin d’éviter l’extinction.
Les différentes réponses
Plusieurs types de réactions peuvent être attendus en réponse à ces modifications, dont la gamme et l’amplitude diffèrent selon les organismes. Ils peuvent migrer vers un habitat plus favorable, lorsque les corridors biologiques sont présents (Araujo et al., 2006; Bancroft et al., 2008). Une étude qui a évalué les impacts du réchauffement climatique et de la fragmentation de l’habitat sur plusieurs espèces d’herbacées forestières observe un décalage de l’aire de distribution vers le Nord (Skov, Svenning, 2004) . Le même genre d’observation a été noté chez de nombreux organismes, tels les lépidoptères (Hill et al., 2002; Mikkola, 1997), les amphibiens (Araujo et al. 2006), et les oiseaux (Thomas, Lennon, 1999).
Un décalage phénologique est aussi observé en réponse aux modifications de leur environnement, particulièrement face au réchauffement climatique. Plusieurs critères indiquent l’allongement de la saison de croissance végétative chez les plantes de l’hémisphère Nord par exemple (Parmesan, 2006), comme le bourgeonnement précoce des cerisiers du Japon, ou encore les période de récolte de raisins en Europe (Menzel, Dose, 2005). La date d’émergence des papillons étant fortement corrélée aux températures, de nombreuses études ont observé un décalage phénologique suite aux réchauffement climatique (Roy, Sparks, 2000). Certains amphibiens sont capables de décaler leur période de reproduction (Blaustein et al., 2001; Carroll et al., 2009), comme la grenouille Rana sylvatica qui face au réchauffement climatique, parade et se reproduit plus tôt (Beebee et al., 2002; Gibbs, Breisch, 2001).
Face à des modifications de leur environnement, la grande majorité des organismes montrent une variation de leurs traits d’histoire de vie. Des paramètres morphologiques tels une taille réduite à la métamorphose, des variations de la longueur des membres postérieurs ont été observé chez les amphibiens (Blouin, Brown, 2000; Brady, Griffiths, 2000; Negovetic et al., 2001). En réponse au réchauffement climatique, le morphotype réticulé est plus fréquemment observé que le linéaire chez le lézard vivipare (Figure 1.6) (Lepetz, 2009; Lepetz et al., 2009).
Chapitre 1 : Introduction |