Les principes généraux de mise en œuvre
Quelle que soit la nature du contrat de travail mis en œuvre, certaines questions ou certains éléments sont communs à toutes les formes de contrats. Ce premier chapitre a pour objet de traiter de ces fondamen-taux qui s’articulent autour des deux points suivants :
• la notion de contrat de travail et les conditions nécessaires à son existence ;
• les clauses du contrat de travail et les conditions générales de mise en œuvre.
LA NOTION DE CONTRAT DE TRAVAIL
Aussi étonnant que cela puisse paraître, il n’existe pas de définition légale du contrat de travail. Ce qui a priori ne pose pas de problème pour l’immense majorité des entreprises peut entraîner un véritable questionnement pour l’artisan qui un samedi se fait « donner un coup de main » par le fils d’un de ses amis, pour le particulier qui fait appel aux services d’un voisin plus bricoleur que lui ou encore pour le tra-vailleur bénévole au sein d’une association caritative.
À partir de quel moment existe-t-il une relation de travail qui va présen-ter toutes les caractéristiques du contrat de travail accompagnée des droits, devoirs et obligations qui en découlent réciproquement ? La réponse vient de la jurisprudence définissant le contrat de travail comme étant « la convention par laquelle une personne s’engage à exécuter au profit d’une autre personne et sous sa subordination un travail moyen-nant rémunération ».
Une triple condition
L’existence d’un contrat de travail est donc liée aux conditions d’exer-cice d’une activité. Trois conditions au moins doivent être réunies pour que l’exercice d’une activité soit considéré comme relevant de la notion de contrat de travail :
• l’existence d’une prestation de travail pour autrui ;
• le versement en contrepartie d’une rémunération ;
• un lien de subordination juridique caractérisé par le fait pour l’employeur d’exercer un pouvoir de direction, de contrôle et de sanction.
Il découle de ceci que l’existence même du contrat de travail est indé-pendante de la volonté des parties. Dès lors que ces trois conditions sont réunies il y a de fait contrat de travail et ce même en l’absence de tout formalisme, en particulier en l’absence d’écrit.
La prestation de travail pour autrui
La prestation de travail pour autrui doit être effective et réalisée directe-ment au profit de l’employeur sans quoi le contrat serait considéré comme fictif. Cette prestation peut se rapporter à des tâches de toutes natures : il peut aussi bien s’agir d’une prestation manuelle, qu’intellectuelle ou artistique. Toutefois, si la prestation pour autrui est à la base même de la relation de travail, elle reste insuffisante à elle seule pour caractériser un contrat de travail.
Le versement d’une rémunération
La prestation de travail doit être assortie du versement d’une rémunéra-tion. Cette rémunération peut prendre la forme du versement d’un salaire mais aussi peut être composée partiellement ou totalement d’avantages en nature. De même, cette rémunération peut comporter une part fixe et une part variable. Le niveau de rémunération est libre-ment déterminé, dans le respect naturellement des minimums légaux (le SMIC) et conventionnels rapportés à une durée légale de travail. Toutefois, le seul versement d’une rémunération, au même titre que la prestation effective de travail, ne suffirait pas à caractériser l’existence même d’un contrat de travail.
Le lien de subordination
Le contrat de travail quelle que soit sa forme est principalement caracté-risé par le lien de subordination. Le lien de subordination s’exprime à tra-vers l’autorité, le contrôle et le pouvoir de décision que l’employeur va exercer vis-à-vis du salarié. Si par exemple il y a obligation de respect d’un horaire de travail ou d’application de directives le lien de subordi-nation sera constitué.
La combinaison de ces trois éléments va caractériser l’existence même du contrat de travail. Ceci naturellement présente l’intérêt de permettre une différenciation avec d’autres types de relations de travail.
Nous retiendrons ainsi que les contrats suivants n’ont pas la nature de contrat de travail :
• Le contrat de prestation de service, qui est un contrat passé entre deux entreprises par lequel une personne ou une entreprise charge un entrepreneur de réaliser un ouvrage ou une prestation quelconque.
• Le contrat de sous-traitance par lequel un entrepreneur confie sous sa responsabilité à un sous-traitant tout ou partie de l’exécution d’un contrat d’entreprise ou du marché public conclu avec le maître d’ouvrage.
• La convention de mise à disposition par laquelle une société met à disposition d’une autre société l’un de ses salariés. Il s’agit alors de tra-vail temporaire, thème qui sera ultérieurement abordé dans ce guide.
• Le contrat de stage correspondant au temps passé par une personne dans une entreprise dans le cadre d’un processus de formation ou d’insertion.
• Le travail bénévole qui correspond à l’exécution d’une prestation sans en attendre en contrepartie une rémunération.
Mais si ces contrats ne relèvent pas de la notion de contrat de travail, ils doivent être, à notre sens, intégrés comme étant un élargissement des possibilités de « relations de travail » sous un mode qui peut parfaite-ment convenir à des besoins et prestations ponctuels. Nous réexamine-rons donc plus en détail les possibilités offertes par ce type de contrats dans la deuxième partie de ce guide.
En revanche, l’exercice de certaines professions entraîne de droit le sta-tut de salarié. Ceci est le cas pour les professions suivantes :
• Les employés de maison, les assistantes maternelles, les concierges (art. L 771.1 du code du travail).
• Les travailleurs à domicile (art. L 721-1 du code du travail).
• Les conjoints d’artisans ou de commerçants travaillant avec leurs époux (ses) dans l’entreprise familiale (art. L 784-1 du code du travail).
• Et les VRP, journalistes, artistes de spectacles et mannequins.
En pratique, il est donc nécessaire de retenir que l’existence du contrat de travail est fondée sur la combinaison de trois éléments de preuve que sont l’activité pour autrui, la rémunération et le lien de subordination et ce, même en l’absence de tout écrit. L’absence de formalisme a naturellement ses limites puisqu’en pratique elle ne concerne que les contrats de travail à durée indéterminée et à temps complet et ce sous certaines conditions sur lesquelles nous reviendrons ultérieurement.
À retenir Focus sur le travail clandestin
Nous attirons l’attention du lecteur sur un point crucial en matière de relations de travail, la question du travail clandestin, ou encore du travail « au noir ». L’article L 324-10 du code du travail précise : « Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’activité l’exercice à but lucratif d’une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l’accomplissement d’actes de commerce par toute personne physique ou morale qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations :
a) N’a pas requis son immatriculation au répertoire des métiers ou, dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, au registre des entreprises ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire, ou a poursuivi son activité après refus d’immatriculation, ou postérieurement à une radiation ;
b) Ou n’a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organis-mes de protection sociale ou à l’administration fiscale en vertu des disposi-tions législatives et réglementaires en vigueur.
Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait, pour tout employeur, de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de l’une des formalités prévues aux articles L 143-3 et L 320.
La mention sur le bulletin de paie d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué constitue une dissimulation d’emploi salarié. »
Très clairement cela signifie que tout recours pour un artisan commer-çant mais aussi pour un particulier à une forme de service quelconque assuré par une tierce personne à laquelle seraient données des instruc-tions et entraînant le versement d’une rémunération (y compris bien sûr en liquide !) peut être assimilé à du travail clandestin si les déclarations nécessaires auprès des organismes sociaux n’ont pas été faites.
Cette notion de « travail dissimulé » s’applique aussi bien à l’employeur qu’au salarié. Les risques encourus, tant sur le plan pénal que sur le plan civil, sont extrêmement importants, en particulier en cas d’accident puisque le travail dissimulé entraîne l’absence de toute forme de protec-tion sociale. Il est donc nécessaire de faire preuve d’une extrême vigi-lance, en particulier dans certaines activités très consommatrices de main-d’œuvre temporaire telles que l’hôtellerie, la restauration, le bâti-ment, etc., ou encore lorsqu’en tant que particulier l’on a recours aux « services » d’une femme de ménage que l’on ne déclare pas…
Des engagements réciproques
La relation contractuelle de travail revêt un caractère synallagmatique : les contractants s’engagent l’un envers l’autre à exécuter leur obligation de bonne foi (art. L 120-4 du code du travail). Ceci suppose pour le salarié :
• l’exécution personnelle de la prestation de travail ;
• le respect des directives et l’exécution consciencieuse du travail ;
• le respect des dispositions légales et conventionnelles ;
• une obligation de loyauté et de discrétion.
L’obligation de loyauté n’est pas définie en tant que telle dans le code du travail. De fait l’obligation de loyauté prend sa source dans le code civil et « interdit au salarié de développer directement ou indirectement pour son compte ou celui d’un tiers, tout acte de concurrence à l’encontre de l’entre-prise qui l’emploie pendant la durée de son contrat de travail, comme pen-dant la suspension de celui-ci »1. Dès lors qu’un salarié ne respecte pas cette obligation, quand bien même elle ne figurerait pas explicitement dans son contrat, la poursuite du contrat est considérée comme impos-sible et peut entraîner un licenciement pour faute grave ou lourde.
Il en est de même pour l’obligation de discrétion. Même en l’absence de dispositions expresses dans son contrat, le salarié est tenu à une obliga-tion de discrétion générale et spécifique en ce qui concerne les secrets professionnels dont il peut avoir connaissance. Le non-respect de cette obligation de discrétion peut justifier un licenciement pour faute grave et des condamnations pénales.
L’employeur, quant à lui, s’oblige à :
• Exécuter de bonne foi le contrat de travail.
• Fournir au salarié le travail convenu et lui permettre de le réaliser.
• Rémunérer le salarié au niveau convenu.
• Respecter les dispositions légales et conventionnelles en vigueur.
• Ne pas apporter aux libertés individuelles et collectives et aux droits des personnes des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnées au but recherché (art. L 120-2 du code du travail).
• Ne prendre aucune mesure discriminatoire à l’égard du salarié dans le déroulement de la relation de travail.
• Protéger le salarié contre le harcèlement sexuel et moral (art. L 122-46 et L 122-49 du code du travail).
• Assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail, veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi au regard des évolu-tions des emplois, des technologies et des organisations.
• Assurer le reclassement des salariés en cas d’inaptitude physique lors-que cette inaptitude fait suite à un accident du travail ou à une mala-die professionnelle (art. L 122-32-5 du code du travail), ou encore avant de procéder à un licenciement pour motif économique (art. L 321-1 du code du travail), étant entendu que ces obligations sont des obligations de moyens et non de résultats.
En synthèse
L’existence d’un lien contractuel de travail ne repose pas obligatoire-ment sur un écrit et un engagement formel mais d’abord, comme nous l’avons vu, sur la combinaison des trois éléments que sont le travail pour autrui, la rémunération et le lien de subordination.
Les règles qui régissent les relations contractuelles de travail émanent d’une multiplicité de sources : la législation, et en particulier les textes regroupés dans le code du travail mais aussi l’ensemble des dispositions relatives aux contrats qui figurent dans le code civil. D’autre part, la juris-prudence est une source très importante d’interprétation des règles de droit et sert de soubassement à la mise en pratique des textes. Enfin les conventions et accords collectifs de branche qui s’appliquent à la majo-rité des entreprises s’imposent à l’employeur dès lors que les disposi-tions qui y figurent sont plus favorables que la loi.
Sitôt qu’une relation contractuelle de travail est matérialisée, elle impose des droits et des devoirs réciproques. L’employeur reste tou-jours seul juge de ses décisions et de l’appréciation de leur bien-fondé au regard de la vie de son entreprise. Mais l’ensemble de ses décisions répondent dans leur mise en œuvre à des règles de droit que nul n’est censé ignorer. La liberté de décision s’appuyant sur le droit fondamental de liberté d’entreprendre n’est pas synonyme d’arbitraire et de toute-puissance !
LES CLAUSES DU CONTRAT DE TRAVAIL
Comme nous l’avons évoqué, le contrat de droit commun est le contrat à durée indéterminée. Nous avons vu que les trois conditions cumulées de la prestation de travail pour autrui, du lien de subordination et de la rémunération caractérisaient la relation contractuelle de travail. Il découle théoriquement de ceci que le contrat de travail n’est pas obliga-toirement écrit. Mais dans la pratique, nous verrons que tous les con-trats de travail autres que le contrat à durée indéterminée et à temps plein doivent être écrits. De plus, les conventions collectives imposent généralement un écrit quelle que soit la nature du contrat. Enfin, une directive européenne impose que soit remis au salarié dans les deux mois qui suivent son embauche un document d’information reprenant certaines mentions de caractère obligatoire. L’administration française considère que le bulletin de paie répond à cette obligation. De cette interprétation découle le fait que le bulletin de paie à défaut de tout écrit fait office de contrat de travail.
La prudence élémentaire veut néanmoins que l’on ait recours à l’écrit, ne serait-ce que pour préciser quelques-unes des règles de base qui vont régir les relations de travail : nature de l’emploi, lieu de travail, horaire, salaire, etc. Ces règles vont constituer les clauses du contrat de travail. Parmi ces clauses, dès lors que l’écrit est choisi ou s’impose, certaines ont un caractère général, d’autres sont facultatives et enfin certaines sont interdites.
Les clauses d’un contrat de travail revêtent un aspect primordial car de leur respect et de leur interprétation dépendent l’exécution, la suspen-sion ou la rupture du contrat de travail. Nous ne traiterons ici que des clauses de base qui s’appliquent à tout type de contrat de travail, étant entendu que des différenciations peuvent exister dans leur mise en œuvre selon la nature du contrat. Ces spécificités seront alors abordées dans l’étude des différents types de contrats.
Un principe de base : la liberté contractuelle
La relation de travail est fondée sur la notion de liberté contractuelle, à savoir qu’elle émane d’un accord librement consenti entre deux person-nes (morales et/ou physiques). Dès lors, il appartient aux deux cocon-tractants de définir les conditions dans lesquelles se déroulera le contrat. Par conséquent, ils sont libres d’inscrire les clauses de leur choix dans le contrat qui va formaliser leur relation de travail, naturellement et comme toujours sous réserve soit des obligations émanant des conven-tions collectives, soit des limites imposées par la législation.
Le bon sens mais aussi la volonté de donner du sens à la relation de tra-vail et la réponse aux exigences de la circulaire européenne mentionnée ci-dessus vont entraîner l’existence des clauses de base suivantes :
• l’identité des parties contractantes ;
• la nature du contrat de travail ;
• le lieu de travail ;
• la période d’essai ;
• la qualification professionnelle et la classification ;
• la rémunération ;
• la durée et les horaires de travail.
B. Avant de signer…
La signature d’un