Les choix fondamentaux qui orientent l’enseignement de sciences physiques
Des travaux de recherche sur le système éducatif (Gauthier, 2006 ; Lebeaume & Larcher, 2006 ; Raulin, 2006 ; Boilevin, 2010 ; Giordan & al, 1994 ; Eurydice, 2006) ont été effectués dans différents contextes. Ils favorisent une meilleure connaissance des objectifs généraux assignés par les politiques d’état dans le processus d’enseignement et apprentissage de l’enseignement secondaire. En comprenant ces lignes directrices des systèmes éducatifs, on peut voir vers quoi tend l’enseignement/apprentissage du second cycle pour les sciences physiques. Ces objectifs généraux posent la question des contenus d’enseignement et font l’objet d’une interrogation concernant le curriculum de la part des responsables éducatifs, ce qui ne va pas sans interroger la recherche sur l’enseignement et son adaptation par les professeurs. Il y a donc un ensemble de questions quant aux finalités ou objectifs et contenus d’enseignement et de certaines variables du processus de l’action éducative ou de formation : les méthodes pédagogiques, les modalités et moyens d’évaluation, la gestion des apprentissages. Cela pousse certains gouvernements à revoir certains aspects du curriculum pour tirer pleinement parti des nouveaux outils mais également les responsables pédagogiques à modifier les approches pédagogiques mises en œuvre par les enseignants pour les adapter. S’ouvre ainsi un large débat sur les finalités et les objectifs nouveaux du système éducatif à la lumière d’un changement en profondeur des pratiques d’enseignement et des méthodes d’apprentissages. La question générale qu’on se pose aujourd’hui est celle des finalités et des contenus d’enseignement des sciences et leur enseignement (leurs transmissions) dans le second cycle. Que faut-il vraiment enseigner aux jeunes collégiens et lycéens et quelles méthodes d’enseignement seraient-elles plus efficaces ?
Finalités et objectifs de l’enseignement de sciences
S’agissant des finalités ou des objectifs d’enseignement de sciences et leur enseignement, on trouve deux discours qui s’opposent dans les travaux des recherche déjà effectués : des «recherches pour » et des «recherches sur». Le tableau 3.1 présente deux catégories d’objectifs ou finalités pour cet enseignement. Contenus à enseigner (objet de savoirs) Quant aux contenus à enseigner, la question est à étudier dans un cadre beaucoup plus général. Le choix des savoirs scolaires soulève plusieurs interrogations et fait débats dans de nombreux pays de la part des décideurs politiques, éducatifs et syndicaux et parents d’élèves (organisations des états généraux de l’éducation, de séminaires et conférences internationales et régionales,…). De très nombreuses reformes ont ainsi vu le jour. Les grandes tendances internationales actuelles se basent sur le profil de sortie de l’élève. Les principaux types de contenus pris en compte dans les curriculums tournent autour des notions de standard de formation (liste de connaissances, habileté et attitude), de compétences de base et de socle de connaissances (Meunier, 2005, cité par Boilevin, 2010). Ces trois grandes catégories de contenus sont présentées aussi sous la forme : les savoirs, les savoir –faire, et les savoir –être, compétences transversales (Roegiers, 2008). Pour cet auteur, le savoir-être, autrement dit le vivre ensemble en société, est l’approche dominante dans le cas des « Nations Unies » (PNUD, UNESCO, UNCEF,…), l’approche par les standards dans les pays anglo-saxons. Dans les pays africains francophones, l’approche par les compétences de base « interdisciplinarité » (compétence par l’intégration des acquis de base) domine et dans le cadre européen des qualifications, l’approche est aussi par standards (les savoirs, les savoir- faire). La réflexion sur les contenus amène certains chercheurs à suggérer la refondation des disciplines scolaires et voire même l’inexistence de certaines d’entre elles (par exemple Gauthier, 2006) et d’autres à se poser la question de la culture à enseigner à travers cette notion de socle commun de connaissance (Paget, 2006) et celle de la définition des programmes scolaires (Raulin, 2006). Mais comme l’a souligné, Boilevin (2010), en se référant à des études internationales comme Eurydice (2006), « le socle commun de connaissances a des implications sur l’enseignement des sciences ». Cette approche intégrée de science et de la technologie introduit dans le programme d’enseignement dans plusieurs pays au niveau du second cycle (collège et lycée) pose des questions aux chercheurs quant aux finalités de ce nouvel enseignement et sur la formation des professeurs (Hasni & al, cité par Boilevin (2010).
La transmission de ces contenus
Quant à la mise en œuvre de ces contenus d’enseignement, la question qui se pose est sa définition, c’est-à-dire la manière dont elle se réalise. Sachant que chaque matière scolaire est sous tutelle d’un programme ministériel, les contenus d’enseignement sont ainsi fixés et établis. Mais la transmission est elle effective, c’est-à-dire les contenus sont-ils transmis tels quels ? Les enseignants, acteurs principaux, émettent des jugements, font des choix, relatifs à leur vécu, leur expérience, leur représentation de l’enseignement et de l’apprentissage, 42 leurs propres conceptions de la notion de savoir et de contenu d’enseignement en fonction des multiples contraintes didactiques, institutionnelles, contextuelles. Les contenus d’enseignement, même fixés par les programmes, sont modifiés et adaptés par le professeur. Face à de tels choix, certains chercheurs expliquent ceci par la différence existant entre expert et novices (Leinhard et Smith, 1985), tandis que d’autres insistent notamment sur les processus de planification de ces contenus d’enseignement (Tochon, 1989; Riff et Durand, 1993) et parlent de « routine ». Le problème relatif aux contenus d’enseignement doit être vu à travers le rôle de l’enseignant dans la transformation scolaire des savoirs. Ainsi, depuis l’établissement officiel des savoirs fixés par les programmes et les référentiels jusqu’à leur mise en œuvre effective auprès des élèves, il y a toujours des problèmes ou des difficultés. Certains préfèrent dire des écarts ou des décalages, ces écarts ou ces décalages dont il est question ont des conséquences concrètes, inévitables, sur des variables telles que les méthodes pédagogiques, les évaluations, la gestion ou l’organisation ou la programmation des apprentissages tant dans leurs conceptions que dans leurs mises en œuvre.
Le rôle de l’enseignant dans la transformation des savoirs
Dans le cadre théorique se référant à Chevallard, nous avons distingué deux étapes : la transposition externe qui produit les programmes scolaires (savoirs à enseigner) à partir des savoirs savants et une transposition interne qui traduit ces programmes ou ces contenus à enseigner en contenus d’enseignement (savoirs enseignés). Ce découpage en deux champs de la transposition fait intervenir des acteurs différents, ce qui conduit à la production de textes différents. Dans le cas de la transposition interne, le rôle de l’enseignant est primordial car il est le garant de la transmission de ces savoirs. Le passage du savoir à enseigner au savoir enseigné fait l’objet de beaucoup de contraintes et certains chercheurs tentent d’introduire une relation entre les savoirs savants et les pratiques qu’ils appellent pratiques sociales de références (Martinand, 1981, 2003; Perrenoud, 1998). Il s’agit d’interrogations sociologiques qui essaient d’apporter des réponses aux contraintes liées aux actions didactiques en rapport avec le passage du champ externe au champ interne de la transposition de savoirs. Les analyses descriptives et critiques du processus de transposition des didacticiens sont laissées de côté par la sociologie de la constitution des savoirs scientifique (Bourdieu, 1997) et la sociologie du curriculum (Forquin, 1984,1989). Ils se positionnent sur une critique sociologique et ils considèrent que les études didactiques sur la transposition didactique ne peuvent plus se limiter à l’analyse des produits du processus sans placer la transposition dans son contexte historique et sociologique. Comme nous venons de le voir dans le chapitre 2, et comme disait Forquin (1984, 1989), cité par Savaton (2007, p.354) la sociologie du curriculum a su dégager les aspects déterminants des rapports de forces qui interviennent dans la construction des savoirs et la forme de contrôle social que représente la transposition didactique. Les écarts ou les décalages entre les prescrits et leur mise en œuvre ont plusieurs sources pas seulement didactique, plusieurs facteurs qu’ils soient sociologique ou épistémologique. Mais on peut aussi se demander si ces écarts ne trouvent pas leurs origines dans l’existence des acteurs différents pour la production et la transformation des savoirs et le contexte socio-économique et organisationnel du système éducatif qui les entourent. Notre réflexion sur la problématique de l’enseignement de sciences physiques aux Comores pose la question de l’adaptation des contenus au développement socio-économique. Ce choix est orienté par l’importance qu’apportent les connaissances scientifiques et techniques au développement économique. Ce qui fait que les exigences actuelles du développement d’un pays en voie de développement, selon différentes études et rencontres régionales et internationales (Eurydice, 2006) et (Unesco, 1994, étude menée par Giordan et Girault sur les aspects qualitatifs de l’enseignement des sciences dans les pays francophones) résident 43 dans la redéfinition des finalités, du contenu et des méthodes rénovées de l’enseignement de sciences physiques et de la technologie dans ces pays. Dans ce sens, l’Union des Comores, à l’instar de ces pays, a déployé de nombreux efforts depuis son accession à l’indépendance. Des collèges ruraux et des lycées ont été construits. Les programmes mis en place sont revus, améliorés pour apporter un nouvel élan. Mais les évaluations nationales et internationales effectuées ces dernières années ont révélé certaines défaillances quant aux résultats obtenus. Ils ne semblent pas être en accord avec les souhaits préétablis. Les difficultés signalées sont basées sur les niveaux secondaires. Ainsi, nous nous interrogeons dans notre réflexion, sur la nécessité d’adoption des programmes d’enseignements de sciences physiques et technologiques aux exigences du développement économique et social du pays. Notre approche est que cette adaptation ne peut se faire qu’à partir d’une politique volontariste et suffisamment explicite et en phase avec les besoins réels du pays. Cela soulève sincèrement de nombreuses questions qu’il convient d’étudier pour identifier les réponses appropriées pour un tel enseignement. C’est à cet effet que nous nous proposons ce travail de recherche.