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Modèles théoriques de formation
Pour le modèle standard de la cosmologie, l’Univers était au départ extrêment dense, confiné et chaud. Après le Big-Bang, une dilatation rapide s’amorçe, l’Univers devenant alors transparent aux rayonnements. Cette lumière primordiale est aujour-d’hui toujours visible, c’est ce que l’on appelle le fond diffus cosmologique. Cette dilatation entraine alors une rapide baisse de la température et lorsque celle-ci at-teint ∼ 109K, les premiers atomes apparaissent : c’est la nucléosynthèse primordiale. Les atomes formés sont principalement l’hydrogène (∼ 75%) et l’hélium 4 (∼ 25%). Ces atomes se répartissent ensuite en grandes structures dans les halos de matière noire, de nature pour le moment inconnue, constituant alors les galaxies des amas de galaxies, le tout formant la super-structure filamenteuse de l’Univers observé au-jourd’hui, voir la Figure 2.2.
C’est dans ces galaxies que les étoiles naissent à l’intérieur de nuages de gaz (H2, H, He et quelques atomes complexes) et de poussières (C, O, N, Si et F e principale-ment) de quelques µm. Celles-ci sont issues de l’explosion d’étoiles plus anciennes qui ont enrichi l’espace en métaux. Ces nuages, déséquilibrés par diverses raisons (l’onde de choc due à une supernova par exemple), deviennent instables et commencent à s’effondrer (critère d’instabilité de Jeans). L’effondrement gravitationnel conduit à la formation d’une sphère centrale, la proto-étoile, et d’un disque concentrique. La conservation du moment cinétique permet à une partie de la matière du disque d’être en équilibre et ne pas tomber sur l’objet central. Le transfert de matière sur l’objet central entraine une élévation de température de celui-ci, jusqu’au déclenchement des réactions de fusion thermonucléaire en son centre (notons que ceci n’est valable que si la masse de l’objet central atteint ∼ 0.08M , masse nécessaire à la fusion de l’hydrogène. Notons qu’en dessous de ∼ 0.013M , on ne parle plus d’étoiles mais de naines brunes.). Alors la puissance lumineuse dégagée permet à l’étoile d’être en équilibre : la matière est auto-gravitante. Le reste du disque est alors également en équilibre grâce à la force centrifuge. C’est dans ce disque que les planètes se forment. Par sédimentation, les poussières sont plutôt à l’intérieur du disque et le gaz à l’extérieur. Le frottement des poussières avec le gaz ainsi que leur densité plus grande les concentrent proche de la proto-étoile. Ces grains vont alors s’agglutiner les uns aux autres jusqu’à atteindre des tailles de l’ordre du mètre. Ce sont alors des planétésimaux. Les plus gros vont alors remporter la bataille et piéger gravitation-nellement leurs voisins plus petits et ainsi continuer à grandir dans un phénomène qui s’emballe. Au final, seuls les plus gros planétésimaux restent en orbite proche de leurs étoiles : ce sont les planètes telluriques (comme la Terre, Vénus, Mars et Mercure). Les planètes géantes, plus distantes, se forment différemment. Le scénario le plus probable indique qu’un noyau solide se forme comme pour les précédentes, puis que les gros planétésimaux commencent à piéger gravitationnellement le gaz proche. Il en résulte la formation de planètes géantes gazeuses (comme Jupiter, Sa-turne, Neptune et Uranus)(Perryman 2000; Cassan 2005). Cette vision de formation du système solaire fut exposée pour la première fois par Laplace (1798), dans son livre L0exposition du système du monde. Un exemple de prédictions théoriques est visible sur la Figure 2.3. Deux tendances claires émergent. Les planètes de petites masses semblent pouvoir se former à toutes distances de leurs hôtes tandis que les planètes de fortes masses se forment plutôt loin de leurs étoiles. Pour expliquer la grande quantité de Jupiter chaud observé, il faut alors considérer un phénomène de migration des planètes vers leurs étoiles, voir par exemple Schlaufman et al. (2009).
Figure 2.3 – Répartition des exoplanètes en fonction de leurs masses et de leur distance à l’étoile. Les planètes géantes se forment loin de leurs étoiles, après la “limite des glaces”. Les planètes de faibles masses sont réparties équitablement. Figure tirée de Alibert et al. (2011).
Chronométrage des pulsars
C’est grâce à cette méthode que les premières exoplanètes (au moins deux à l’époque, une troisième confirmée en 2007) furent détectées en 1992 autour du pulsar PSRB1257+12, dans la constellation de la Vierge (Wolszczan & Frail 1992). Un an auparavant, l’annonce d’une planète en orbite autour du pulsar PSRB1829-10 avait été faite, mais les auteurs se sont finalement rétractés (Lyne & Bailes 1992). Le principe de cette technique est simple : la période de rotation des pulsars étant très stable, facilement mesurable et courte, la moindre modification périodique de cette période est aisément quantifiable. Si un ou plusieurs corps orbitent autour du pulsar, celui-ci gravite autour du centre de masse du sytème, entrainant une modification des temps d’arrivée des « flashs du pulsar ». L’analyse des temps d’arrivée en fonction du temps permet alors d’extraire les paramètres d’orbite du système complet. La variation des temps d’arrivée, pour un système composé de N planètes à orbites elliptiques, est donnée par (Konacki et al. 2000)
Cette méthode connaît un renouveau en observant d’autres types d’astres. Un système planétaire a par exemple été découvert autour d’une étoile en fin de vie grâce à cette méthode (Schuh et al. 2010; Charpinet et al. 2011).
Méthode des vitesses radiales
C’est grâce à cette méthode que la première exoplanète a été découverte au-tour d’une étoile. Duquennoy & Mayor (1988) travaillaient sur l’étude systématique des binaires proches de la Galaxie. Au fur et à mesure que la qualité des instru-ments s’améliorait, notamment grâce au spectrographe ELODIE de l’Observatoire de Haute-Provence, la capacité à détecter des binaires de faibles masses augmen-tait. Jusqu’au moment où la précision a atteint l’ordre de 10 m.s−1 sur les vitesses radiales. En effet, vu le ratio de masse entre les deux composantes dans le cas pla-nétaire, il faut des mesures très précises pour extraire le signal. Le principe de ces mesures repose sur l’effet Doppler-Fizeau. Dans le cas d’un système binaire, les deux composantes orbitent autour de leur centre de masse. Dans le cas planétaire, seul l’étoile est mesurable spectroscopiquement. Le mouvement orbital de la planète in-duit alors une rotation de l’étoile autour du centre de masse. Lorsque celle-ci se rapproche le long de la ligne de visée, l’étoile paraît plus bleue et elle apparaît plus rouge quand elle s’éloigne. C’est exactement le même phénomène qui se produit lors-qu’une ambulance passe près de nous : le son devient plus aigu quand elle s’approche et semble plus grave quand elle s’éloigne. Pour remonter aux propriétés du système, il faut suivre la binaire au cours du temps. On mesure le mouvement le long de la ligne de visée en étudiant la variation de couleur de l’étoile.
Cette méthode présente de nombreux avantages. Le premier est qu’elle est repro-ductible. Multiplier les observations permet d’affiner les paramètres de la binaire. Il est même alors possible de multiplier les détections en analysant les résidus. Le second est que l’on utilise des mesures spectroscopiques, ce qui permet d’étudier l’étoile hôte, comme son champ magnétique ou son activité. Cela permet d’affiner encore les mesures. La première limitation de cette méthode est le fait que la semi-amplitude est une fonction inverse de la période. Seules les binaires proches peuvent donc être observées facilement. La seconde est que l’étude spectroscopique se limite aux étoiles les plus brillantes, et donc les plus proches du Soleil. La dernière limi-tation est qu’on ne connaît pas les masses des objets, mais uniquement les masses projetées M∗ sin i. Pour lever cette inconnue, il faut coupler cette méthode avec une seconde : la méthode des transits.
Méthode des transits
C’est la méthode la plus aisée à comprendre. Comme pour une éclipse solaire par la Lune, lorsqu’une planète passe devant son étoile hôte, elle occulte une partie de la lumière émise. Comme la planète orbite autour de son étoile, cette baisse de flux est périodique. Il suffit alors de suivre, avec une bonne précision, le flux des étoiles afin de détecter des exoplanètes. Comme indiqué sur la Figure 2.6, les quatre observables sont la durée du transit T , le temps au minimum de flux tc, la profondeur du transit δ et la durée de pénétration de la planète dans le disque de l’étoile τ.
Dans le cas planétaire, δ, Tτ et PT sont faibles. En suivant cette hypothèse, on détermine le ratio des rayons des astres grâce à : Rp = √ (2.15) avec Rp le rayon de la planète, R∗ le rayon de l’étoile. Une démonstration plus complète est disponible dans Seager & Mallén-Ornelas (2003). Le paramètre d’impact b, qui est la distance entre la planète et le centre de l’étoile normalisée par R∗ au moment du minimum de flux,
Ainsi, ces équations couplées avec celles des vitesses radiales permettent de cha-ractériser totalement le système planétaire, notamment la densité de la planète. La méthode des transits est de loin la plus productive, notamment avec les résultats de Kepler et Corot. En effet, plus de deux mille candidats exoplanètes ont été reperto-riés à ce jour (Batalha et al. 2013). Cette méthode possède cependant un problème de taille. Les binaires rasantes présentent exactement les même signatures de transit que les exoplanètes (Prša et al. 2011). Dans ce cas, le compagnon est une étoile, mais qui occulte une très faible partie de l’étoile observée. Comme seul le bord est occulté, la baisse du flux est faible. Pendant cette thèse, j’ai développé, avec Frédéric Pitout, une manipulation sur le télescope de soixante centimètres du Pic du Midi pour les élèves du Master 2 ASEP de Toulouse. Les élèves vont réaliser à partir de cette rentrée 2013 des suivis en transits d’exoplanètes déjà répertoriées. Le but est de collecter des données pour mieux contraindre les systèmes. Leurs mesures seront en-voyées à la base de données Exoplanet Transit Database (http://var.astro.cz/ETD) pour publication éventuelle. Le premier relevé fait par Frédéric Pitout est visible sur la Figure 2.7.
Imagerie directe
On peut désormais observer directement les exoplanètes avec les télescopes les plus grands grâce à leur résolution exceptionnelle, voir la Figure 2.8. En effet, l’ordre de grandeur de la séparation dans le ciel entre les planètes et leurs étoiles est de l’ordre de quelques dizaines de mas. Cependant, seules les planètes les plus massives peuvent être observées, afin d’observer un flux réémis suffisant. De plus, si l’étoile est trop proche, le signal de la planète est complètement noyé dans celui de l’étoile. Typiquement, cette méthode s’intéresse aux planètes séparées de plus de 50 UA de leurs étoiles. Ce qui peut sembler un défaut est en fait plutôt un avantage. L’imagerie directe est la seule technique permettant de détecter des planètes avec de si grands demi-axes. De nouvelles méthodes apparaissent pour contrer ces désagréments : oc-culter l’étoile avec un masque ou utiliser le « nulling » afin d’annuler le signal issu de l’étoile et renforcer celui émis par la planète.
Figure 2.8 – Une super Jupiter orbitant autour de l’étoile binaire 2MASS J01033563-5515561(AB)b à une distance projetée de 84 UA. La planète est visible à 1.25 as au bout de la flèche verte. Image prise par NACO au VLT en bande L’. Figure extraite de Delorme et al. (2013).
A noter que les générations futures de grand télescopes permettront sans doute la prolifération de découvertes grâce à ce procédé. Cette technique est en effet très prometteuse, car il est possible d’obtenir une quantité gigantesque d’informations sur l’exoplanète : les paramètres d’orbite évidemment, le rayon, la densité, la tem-pérature d’équilibre, la composition de l’atmosphère voire de la surface…. L’EELT a d’ailleurs placé comme premier objectif la découverte de vie extra-terrestre grâce à cette méthode. Notons enfin que cette technique permet l’étude des “planètes erran-tes” les plus proches de la Terre. Ces objets, mal connus et mal compris, sont une voie de recherche en plein développement.
L’astrométrie
C’est sans doute la méthode la plus ancienne. Van de Kamp (1969) pensait avoir détecté une planète de 1.7 MJ autour de l’étoile de Barnard, qui possède un grand mouvement propre. La découverte fut plus tard réfutée à cause des imprécisions de mesure. Cette technique est basée sur la modification du mouvement de l’étoile par son compagnon. Comme pour les vitesses radiales, le mouvement de l’étoile induit doit modifier sa trajectoire sur le plan du ciel, voire la simulation de la Figure 2.9. En étudiant alors ce mouvement parasite au mouvement propre, il est possible de remonter aux propriétes du système binaire. Cette méthode moins utilisée actuelle-ment va réapparaître avec le lancement du télescope grand champ GAIA. Celui-ci doit cataloguer un milliard d’étoiles dans une sphère d’environ 50 kpc autour du Soleil à très grande résolution angulaire (quelques µas). Le nombre de détections attendues est d’environ 10000!
Récapitulatif
Figure 2.10 – Masse des exoplanètes en fonction de la distance à leur étoile. Figure aimablement donnée par Jean-Baptiste Marquette (PLANET).
Cette figure résume toutes les détections grâce à toutes les méthodes à ce jour (17/06/2013). Chaque technique couvre une partie spécifique du diagramme, c’est là tout l’intérêt de continuer les observations dans chaque voie. Les premières exo-planètes détectées appartiennent à la catégorie des “Jupiter-chaud”. Cette classe de planète, peu attendue par les théories de formation planétaire, a contraint les modélisateurs à modifier leurs résultats, en ajoutant la migration par exemple. La puissance des observations spatiales est visible grâce aux mesures de Kepler. Bien qu’il ne s’agisse que de candidats, la statistique sur les exoplanètes est clairement améliorée. Pourtant, on voit que la détection de planètes de masse terrestre reste dif-ficile. Les lignes pleines de couleur montrent les capacités actuelles (orange et rouge) du microlensing, la courbe violette indiquant les capacités pour des observations spa-tiales. Cette technique est donc prometteuse pour observer des planètes analogues à la Terre.
Table des matières
1 Introduction
2 Tour d’horizon sur les exoplanètes
2.1 Modèles théoriques de formation
2.2 Chronométrage des pulsars
2.3 Méthode des vitesses radiales
2.4 Méthode des transits
2.5 Imagerie directe
2.6 L’astrométrie
2.7 Récapitulatif
3 Théorie et ordres de grandeur
3.1 Un peu d’histoire
3.2 De la relativité générale à l’équation des lentilles gravitationnelles
3.3 Lentille simple
3.3.1 De la théorie aux observables
3.3.2 Courbe de microlensing
3.4 Lentilles composées de plusieurs objets
3.4.1 Cas général
3.4.2 Lentilles binaires et analyse sur les caustiques
3.4.3 Lentilles triples planétaires
3.5 Effets du second ordre
3.5.1 Taille finie de source
3.5.2 Mouvement orbital de la lentille
3.5.3 Parallaxe orbitale
3.5.4 Parallaxe terrestre et mesurée grâce à un satellite
3.5.5 Les sources binaires et la xallarap
4 Modélisation
4.1 Algorithmes d’optimisisation
4.1.1 Les déplacements d’amibes
4.1.2 Les chaines de Markov par exploration Monte-Carlo
4.1.3 Les algorithmes génétiques
4.2 Le rasoir d’Ockham : choix du meilleur modèle
4.3 Modélisation des lentilles simples
4.4 Modélisation des lentilles binaires
4.4.1 Le tir inverse de rayons
4.4.2 Les méthodes semi-analytiques : approximation de Taylor
4.4.3 Intégration des contours d’images
4.5 Recherche par “grille” et modélisation en “temps réel”
4.6 Discussion autour des sources binaires
4.6.1 Considération statistique
4.6.2 Différence dans les anomalies et différence dans les couleurs
4.7 Renormalisation des barres d’erreur
4.8 MOA-2009-BLG-411L
4.9 MOA-2010-BLG-477Lb : étude d’un super Jupiter
5 Observations
5.1 Historique
5.2 Batterie de télescopes
5.2.1 OGLE
5.2.2 MOA
5.2.3 Télescopes professionnels
5.2.4 Télescopes amateurs
5.3 Stratégie actuelle de PLANET et MicroFUN
5.4 Contraintes observationnelles
5.5 Observations à SAAO
5.6 Photométrie en champs encombrés : défis et solutions
5.6.1 Photométrie par différence d’images
5.6.2 Soustractor : un allié pour la réduction d’images
5.7 Paramètres physiques des lentilles
5.7.1 Rayon angulaire des sources
5.7.2 Contraintes sur la lentille : observations à haute résolution
5.7.3 Uniformisation des résultats sur les exoplanètes détectées grâce aux microlentilles gravitationnelles
5.8 Avenir
5.8.1 KMTNet: Korea Microlensing Telescope Network
5.8.2 EUCLID et WFIRST
6 PHunter: le chasseur de planètes
6.1 Présentation de PHunter
6.1.1 Fonctionnement général
6.1.2 Modèles et alertes
6.2 OGLE-2012-BLG-406Lb : un proie de choix
6.3 Analyse des résultats
6.3.1 Analyse sur les paramètres d’impact Uo
6.3.2 Analyse sur le temps d’Einstein tE et la profondeur optique en direction du Bulbe Galactique
6.3.3 Analyse sur les étoiles sources et de “blending”
6.4 Analyse sur les “planètes errantes”
6.4.1 Premières détections
6.4.2 Confirmation des résultats de PHunter
6.5 Perspectives d’avenir
7 Conclusion générale et perspectives
Annexes
A Parallaxe orbitale
B L’algorithme Darwin
B.1 La reproduction
B.2 La mutation
B.3 Convergence de l’algorithme
C Modélisation “à la main”
Liste des figures
Liste des tableaux
Bibliographie