«Le féminisme dont se réclament des célébrités comme la chanteuse Beyoncé et l’actrice Emma Watson est-il valable?» (*Navarro, 2014a) cette question que posait la journaliste Pascale Navarro dans un article publié dans La Gazette des femmes , à l’automne 2014, constitue le point de départ de ce mémoire, lequel porte sur les discours à propos du féminisme dans la culture populaire. Ainsi, dans le cadre de ce mémoire de maitrise en lettres (communication sociale), nous proposons de dégager, à partir des discours produits sur différentes plateformes – blogues, journaux, magazines -, les thématiques discutées lorsqu’il est question du féminisme issu de la culture populaire. Plus précisément, nous étudierons trois cas de célébrités qui ont suscité un ensemble de discours lorsqu’elles se sont affichées publiquement comme féministes ainsi qu’un cas ou une personnalité publique s’est plutôt dite non-féministe. Plus précisément, il s’agit des cas soulevés à la suite de la prestation, en 2014, de Beyoncé aux MTV Video Music Awards, lors du discours d’Emma Watson pour ONU Femmes au lancement de la campagne HeForShe et lors de la parution de l’ essai de Léa Clermont-Dion La revanche des moches, eux aussi en 2014. Nous nous attarderons aussi à la controverse entourant la déclaration de la ministre québécoise responsable de la Condition féminine, Lise Thériault, à l’hiver 2016, selon laquelle elle n’ est pas féministe. Le dernier cas nous permettra d’offrir un regard sur le discours antiféministe qui circule à travers le féminisme dans la culture populaire.
Ainsi, nous souhaitons faire ressortir les représentations du féminisme lorsque des célébrités et des personnalités publiques qui s’ en réclament (ou non) suscitent un débat. En ce sens, nous nous intéresserons aux discours médiatiques puisqu’ils nous donnent accès aux représentations du féminisme et des féministes véhiculées dans et par les médias. Nous procéderons dans cette optique à une analyse de contenu qualitative des discours publiés tant dans les médias traditionnels que sur les blogues donnant ainsi accès à une variété de perspectives à propos des féministes et du féminisme.
Plus spécifiquement, ce mémoire est composé de quatre chapitres: l’objet d’ étude, le cadre théorique, la démarche méthodologique, l’analyse du corpus, puis de la conclusion. Dans le premier chapitre – qui porte sur l’objet d’étude -, nous aborderons le contexte dans lequel les discours des célébrités féministes s’inscrivent. Nous verrons d’ailleurs que malgré une certaine popularité du féminisme grâce aux célébrités qui s’ en réclament cette prise de position ne se fait pas sans heurts notamment en raison des discours antiféministes, mais aussi compte tenu des attentes envers les féministes – celles-ci étant intimement liées aux représentations sociales à l’ égard du féminisme et des féministes. Nous aborderons également dans ce chapitre certains éléments historiques et théoriques du mouvement féminisme ainsi que la médiatisation de celui-ci. Dans le chapitre II intitulé cadre théorique, nous abordons les concepts de « culture populaire » et de « célébrité », ainsi que de « marchandisation » et le rapport que ceux -ci entretiennent avec le féminisme. Nous mettrons aussi en relation la notion de représentations et la circulation de celles-ci à travers les médias et les discours. Par la suite, dans le chapitre III, portant sur la démarche méthodologique, nous décrirons la méthodologie utilisée pour ce projet de recherche. Enfin, en conclusion de ce mémoire nous ferons un bref rappel de notre démarche et nous en présenterons le caractère novateur. En ce sens, nous discuterons des apports de notre recherche ainsi que de ses limites et nous offrirons des pistes de recherche ouvertes par cette étude.
Féminisme et culture populaire
Par l’intermédiaire de célébrités, le féminisme est la tendance des dernières années chez les vedettes issues de la culture populaire. Sans gêne, sans tabou et de manière flamboyante des célébrités internationales comme Beyoncé, Emma Watson, Taylor Swift , ainsi qu’au Québec, Koriass , Léa Clermont-Dion, Mariana Mazza , et plus encore, affichent fièrement leur féminisme. D’ailleurs, en décembre 2013, Beyoncé sortait son album éponyme BEYONCÉ. Celui-ci fut décrit dans les médias comme une affirmation de l’engagement féministe de la chanteuse (*Kendall, 2013) notamment en raison de la chanson Flawless dans laquelle Beyoncé récupère un extrait de la conférence TEDx d ‘Euston, We Should Al! Be Feminists , de l’écrivaine nigériane Chimamanda Ngozie Adichie. Plus tôt la même année, la chanteuse américaine Miley Cyrus affirmait dans le magazine Cosmopolitain UK. « l’m a feminist in the way that l’m really empowering to women» (*Cosmopolitan, 2013). À l’ été 2014, environ 15 millions de foyers ont vu le mot Feminist inscrit en lettres géantes illuminées lors de la prestation de Beyoncé au MTV Video Music Awards (*Navarro, 2014a). De son côté, l’actrice britannique Emma Watson s’est associée en septembre 2014 à la campagne HeForShe d’ONU Femmes faisant la promotion de l’ égalité des sexes. De plus, à titre d’ambassadrice de bonne volonté d’ONU Femmes, Emma Watson a prononcé, le 20 septembre 2014, un vibrant discours pour la défense de l’ égalité et de l’indépendance des femmes dans le monde au siège des Nations unies à New York.
Dans la foulée du discours d’Emma Watson, la chanteuse pop Taylor Swift est pour sa part revenue, en septembre 2014, sur une déclaration qu’elle avait faite en 2012. À l’époque, elle avait déclaré, en entrevue au Daily Beast, qu’elle ne se disait pas féministe puisqu’elle ne voyait pas de différence entre les hommes et les femmes (*Setoodeh, 2012). En 2014, lors d’une entrevue avec The Guardian, la chanteuse est revenue sur ses propos en affirmant: « What it seemed to me, the way it [feminism] was phrased in culture, society, was that you hate men. And now, l think a lot of girls have had a feminist awakening because they understand what the word means » (*Hoby, 2014). Elle a par la suite expliqué que c’ est grâce à d’ autres célébrités comme Lena Dunham et Emma Watson qu’ elle a pris conscience qu’elle était en fait féministe depuis toujours.
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