La décentralisation
Ce système a été créé dans le but de maintenir l’équilibre au sein des trois îles, mais au contraire, il n’a fait qu’aggraver la situation. Déjà, le système du fédéralisme le substitue et empêche la réalisation des affaires locales et nationales. D’abord, les tâches sont inégalement réparties et non accomplies. La plupart des villes n’ont jamais connu de mairie, de dispensaire ou de collège. Les gens de ces localités se sentent obligés de se déplacer pour avoir un extrait de naissance, de se soigner ou d’étudier.
Quant à l’emploi, ce sont ceux qui ont des relations haut- placées, et ont un travail. Ce ne sont pas des individus compétents ni ayant des diplômes qualifiés qui gèrent les programmes établis ou les projets de développement, c’est pourquoi, tout ce qui est envisagé pour améliorer les conditions de vie de la population ne sont pas réalisées. Enfin, les projets tombent à l’eau et l’argent consacré à ces projets est détourné par les chefs.
La décentralisation consiste à multiplier les centres de direction autonome des affaires publiques pour que chaque citoyen réjouit et bénéficie des biens communs du pays. Mais, on peut dire que la décentralisation ne se pratique pas comme il le faut car elle est certainement dépendante des Grands-Comoriens puisque jusqu’à maintenant ; ce sont eux qui prennent les décisions du pays, seulement peu d’Anjouanais et de Mohéliens peuvent y intervenir et y participer à la prise de décision.
D’après les informations recueillies sur terrain, 37,5% de nos enquêtés ont répondu qu’ils n’ont jamais été nommés ou élus chefs dans un bureau administratif ni même travaillé dans un bureau quelconque. 12,50%, soit 10 personnes affirment ne pas avoir connu un bureau ou un établissement, ni avoir reçu une aide dans leur village.
Certains expliquent ceci : « Après le régime d’ALI SOILIH41, nous n’avons jamais vu un autre Président venir dans notre village ni au moment des propagande, ni après avoir été élu chef d’Etat ». D’autres disent que c’est seulement au moment de propagande qu’on le voit et nous rend visite, et cela juste pour nous convaincre de voter pour lui. Le reste ne connaît même pas le visage de leur chef d’Etat jusqu’à ce qu’il soit mort.
Apparemment, c’est très triste d’entendre cela. Mais cela paraît vrai, le fait qu’avant 1997, il y avait des villes et villages, où il n’y avait pas de routes goudronnées où les voitures puissent circuler. Des citoyens veulent exprimer leurs problèmes auprès de la presse mais il y a l’absence des antennes de radios locaux, leurs idées, leurs problèmes sont restés inconnus. On peut conclure que la décentralisation n’a servi à rien à la majorité de la population comorienne. En plus, vu la façon dont s’expriment les citoyens anjouanaises, on peut dire que l’Etat comorien qui se considère démocratique ne l’est pas.
La démocratie
On peut essayer de définir la démocratie comme le régime dans lequel le Pouvoir a sa source dans le suffrage universel42. En fait, la définition la plus reconnue est celle de Lincoln (A.), « pourvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Pendant la période du régime de SAID Mohamed Djohar en 1990, il était en fait appelé « Père de la démocratie » et a introduit la démocratie dans les institutions politiques comoriennes. Mais si ce régime démocratique applique la séparation des pouvoirs, l’égalité, la liberté ou la prise de décision du peuple, pourquoi la population anjouanaise est toujours sous la tutelle des Grands-Comoriens ? Pourquoi ce sont eux qui dirigent toujours le pays ?
En se basant sur la définition de Lincoln (A.), on peut dire que cette démocratie ne s’applique pas comme il le faut. Il n’y a qu’une infime minorité de Comoriens qui en bénéficie. Les politiciens comoriens, par exemple, ont la liberté de dire ce qu’ils veulent, de décider de ce qu’ils veulent, et de faire ce qu’ils veulent. La preuve en est qu’au cours des différents gouvernements qui se sont succédés, les chefs d’Etat et dirigeants politiques promettent au peuple comorien d’assumer leurs responsabilités convenablement. Ils promettent de garantir et de satisfaire les besoins de la population, d’assurer l’éducation et la santé publique, de payer régulièrement les salaires des fonctionnaires ; malgré tout cela, rien n’a été fait. Aucun respect de l’équité et de l’égalité. Ce sont les riches qui s’enrichissent, surtout la famille du chef de l’Etat et son entourage direct. Le régionalisme et le népotisme ont donc beaucoup de poids sur le gouvernement comorien. On constate qu’il n’y a pas du tout de « respect du droit et d’égalité » des citoyens. Pourtant, tous ces principes sont clairement exprimés dans la
Constitution comorienne. Faut-il alors, pour des raisons pratiques, dire que cette démocratie est appliquée seulement en cas de « référendum » ? Mais elle ne vise pas à mettre directement en contact le citoyen, le gouvernement et les problèmes politiques. Maintenant, nous allons étudier un autre aspect politique qui est une des causes politiques qui a permis aux Anjouanais de se détacher pour enfin gérer et diriger leur île.
La présence des mercenaires aux Comores
Les Comores ont baigné depuis 1975 dans une instabilité politique impensable (coups-d’Etat répétitifs, assassinats de présidents de la République). Cette situation a entraîné une instabilité politique permanente dans les îles comoriennes. Ceci à cause de la présence des Français dans le pays, qui jusqu’à maintenant n’ont cessé d’intervenir dans les affaires des Comoriens sous prétexte qu’ils aident nos dirigeants politiques à établir de bonnes relations diplomatiques à l’échelle internationale.
Il est sans doute à remarquer que l’île de Mayotte depuis qu’elle s’est rendue aux Français depuis 1975, n’a jamais connus de problèmes économiques ni sociaux majeurs.
Alors qu’aux Comores, cette instabilité politique provoque le déséquilibre économique parce que les gens profitent de la situation pour remplir leurs poches. Ensuite, certaines familles vivent avec l’esprit non tranquille à cause de la perte de ses membres. Donc la plupart des Anjouanais pensent que le seul moyen de se débarrasser de ces problèmes est de se rattacher avec la France. Non seulement, ils seront en paix, mais ils seront comme les Mahorais qui vivent dans la joie, la paix et avec des salaires surtout convenables et réguliers.
Les causes économiques
Depuis 1978, période du régime d’Ahmed Abdallah, jusqu’à nos jours, les Comores connaissent une croissance économique très faible. Tous les Présidents ont promis aux Comoriens de faire quelques pas en avant pour l’amélioration des conditions de vie, en particulier, la hausse des prix des produits agricoles et des produits exportés puisque l’économie comorienne repose sur l’agriculture. Mais, une fois qu’ils arrivent au pouvoir, ils ont fait reculer les performances de l’économie comorienne de plusieurs pas en arrière en raison de la corruption, des détournements de fonds et de l’incompétence du régime.
Les aides internationales
De 1975 à 1985, les projets de développement réalisés aux Comores grâce à la coopération internationale ont permis d’assurer une croissance du PIB par habitant de 3% par an. Entre 1987 et 1990, le PIB par habitant a baissé de 2% par an. En 1995, le niveau de l’inflation était de 50% alors que les prévisions faites se basaient sur 25% ; le déficit budgétaire est devenu chronique depuis quelques temps.
Pour l’année 1991, les recettes de l’Etat couvraient tout juste la masse salariale de la fonction publique. Les dons internationaux rentrent dans les poches des responsables. Par conséquent, les dettes ont aussi augmenté, et le remboursement de certaines a provoqué des trous énormes dans le budget de l’Etat.
Vingt personnes parmi nos enquêtées affirment qu’ils n’ont jamais bénéficié d’une aide internationale, une fois seulement où il y a eu des distributions de matériel scolaire pour leurs enfants et des aliments comme le lait en poudre (Croix rouge), les boîtes de sardines, et le maïs en poudre de la part de KADER43. Actuellement, il n’y a plus d’aide en provenance de qui que ce soit.
La corruption, le détournement et les vols de fonds
Ces trois éléments sont considérés comme les facteurs les plus destructifs de l’économie comorienne. Cela explique bien que les arriérés de salaires comoriens ne s’améliorent pas seulement à cause de la mauvaise gestion et du manque de compétences des dirigeants mais à cause plutôt en grande partie des trois facteurs cités ci-dessus. La population se demande depuis et maintenant où se passe l’argent qui rentre aux douanes, aux postes, aux ports et aéroports, dans les banques, les impôts et les aides internationales que versent respectivement les commerçants, les organismes internationaux et les bailleurs de fonds. Cette question n’a jamais eu de réponses.
Quant aux bailleurs de fonds, « face à l’insécurité du pays causé par l’instabilité et le désordre politique, l’idée d’investir dans le pays ne les enchante pas. La présence de mercenaires dans le pays et la réduction de la population ne leur donnent pas de profit ».
Cependant, l’absence d’usines, d’entreprises, ne fait qu’accentuer le chômage et la pauvreté dans les îles comoriennes. En outre, s’ajoute la misère de la fonction publique. Les bureaux administratifs sont assez peu nombreux. Beaucoup de jeunes diplômés ne savent plus où aller trouver du travail. La vérité, la fonction publique reste, à Anjouan, surtout le seul secteur de travail, elle est devenue déficiente à cause des arriérés de salaires impayés.
Depuis la période d’Ahmed Abdallah jusqu’à nos jours, le système de paiement de salaire reste inchangé. Les montants restent les mêmes alors que la vie est devenue de plus en plus chère que les produits essentiels. Les dépenses de santé de même que l’éducation, les Comoriens dans leur majorité survivent au jour le jour, et leur survie reste un grand mystère pour les observateurs qui ne voient que les misérables salaires dérisoires, irréguliers et partagés au sein d’une famille nombreuse. Dans plusieurs familles, les salaires n’assurent pas 30% de la consommation des ménages. Pour remédier à cette situation, la population a trouvé une astuce pour subsister et qui se résume en un seul mot « Mkarakara » (ou corruption).
Sur l’autonomie interne, la corruption occupe une place importante avec l’achat de vote pour quelques kilogrammes de riz, de farine, etc. Il est à constater que cela se fait généralement dans les régions où le détournement et le vol de fonds sont considérablement pratiqués. Cependant, ces pratiques ont pris une allure scandaleuse en raison des dimensions réduites de l’archipel et du désordre politique. L’économie du pays est pratiquement utilisée sur les élections présidentielles et les voyages incessants de nos dirigeants et chefs politiques. On peut conclure que la liquidation de cette somme immense entraîne l’irrégularité des salaires.