Les causes de l’importation de riz a Madagascar

Avec un PIB (Produit Intérieur Brut) de 382,2 dollars par habitant, Madagascar se trouve parmi les dix pays les plus pauvres au monde . La réduction de la pauvreté représente un de ses plus grands défis. L’agriculture peut contribuée à la réduction de la pauvreté (Christiaensen et al., 2005). Pour cela, elle doit promouvoir la croissance de la production agricole. Une grande partie des ménages ruraux malagasy située en dessous du seuil de pauvreté vivent de l’activité agricole, notamment moins de 25 %d’après Pierre Bernard et al. (2007).La part de l’agriculture dans le PIB était de 29,10% en 2009 . Cette part est assez importante, c’est ce qui montre la faiblesse du revenu de la population rurale. De ce fait, les rendements seront faibles ainsi la croissance de la grande île restera en stagnation.

Le riz, considéré comme un produit stratégique, fait vivre la population dans le monde rural. Il acquiert une valeur économique du fait qu’il constitue une source de revenus pour les 86% des ménages ruraux (Minten et al., p.42, 2006), d’une part et une valeur sociale puisqu’il est l’alimentation de base de la population ainsi qu’une valeur culturelle grâce à la place qu’il occupe dans la culture malagasy (Dabat et al., 2008) d’une autre. Par ailleurs, le rythme d’extension des superficies cultivées en riz est dépassé par la croissance démographique. La production nationale n’arrive donc pas à couvrir les besoins de la population. Madagascar a alors mis en place plusieurs politiques et stratégies agricoles afin de remédier cette situation de pénurie. Pourtant, elle n’arrive pas à réduire l’écart qui existe entre la production de riz et la demande locale. Ceci reste le plus grand défi de chacun des dirigeants qui se sont succédés. La problématique qui se pose est : Pourquoi Madagascar importe t-elle toujours du riz ? Afin de répondre à cette problématique quelques hypothèses ont été avancées comme la forte croissance de la population ramenant à une augmentation de la consommation, l’échec des politiques agricoles, le problème d’accès aux intrants.

L’économie de Madagascar est essentiellement constituée par l’agriculture. La majorité de la population active, notamment les 80%, travaille dans le secteur agricole. Ainsi, l’agriculture contribue jusqu’à 30% du PIB (Produit Intérieur Brut) du pays . La culture vivrière est principalement rencontrée dans les régions rurales et pratiquée par la population rurale où le riz domine. Mais d’autres cultures de rentes telles que litchis, vanille, épices, etc. existent aussi, elles sont destinées à l’exportation.

En tant qu’aliment de base, le riz se trouve au premier plan. Le développement économique de l’île dépend même de cette céréale. Il contribue à peu près de 12% au PIB national et de 43% au PIB agricole. Les 85% des agriculteurs sont des riziculteurs. D’ailleurs, le riz constitue la principale source de revenus des familles dans 45% des communes malagasy . Madagascar faisait partie des pays exportateurs de cette denrée alimentaire jusqu’aux années 70, mais depuis, elle devenait et est encore importatrice de ce produit. L’année dernière (2017), l’importation de riz montait à hauteur de 247 207 tonnes. La production locale est vraiment loin de couvrir les besoins du pays. Techniquement, la riziculture malagasy se révèle non performante. Les rendements n’atteignent qu’à environ les 2,5 tonnes par hectare. Comparés à ceux observés dans les pays asiatiques, ces rendements sont très minimes. La part majeure de la production est destinée à l’autoconsommation.

L’importance du riz dans le monde

Dans ce monde, le riz est considéré comme la principale denrée alimentaire de presque la moitié de la population mondiale. Il contribue à plus de 20% à la fourniture mondiale en calorie consommée. Plus de deux milliards des asiatiques y tirent 80% de leur calorie (FAO, 2001). En Asie, 95% du riz mondial est produit et consommé. Par contre, en Europe et en Amérique du nord, le riz a une importante croissance sur le marché en tant que denrée alimentaire.

Assurant plus de 90% de la production mondiale, le riz est essentiellement asiatique. L’Afrique et l’Amérique du Nord ne produisent respectivement que les 2,8% et les 3,2% (Hirsch, 1999). Les cinq premiers producteurs qui sont la Chine, l’Inde, l’Indonésie, le Bangladesh et le Vietnam détiennent cette production de paddy qui est estimée à 591 millions de tonnes en 2001. L’avantage relative à la production de riz n’est réservé qu’à un nombre limité de pays. Donc, selon la FAO, les vingt-six plus grands producteurs d monde réalisent une production comptant pour plus de 96% de la production mondiale du riz. Dix-huit de ces producteurs se trouve dans le Sud, le Sud-Est et l’Est du continent asiatique. Les autres pays dont Madagascar, Brésil, Russie, USA, Colombie, Iran, Nigéria, Egypte ne produisent que moins de 6% du riz mondial.

Le riz à Madagascar

Le riz, un produit pas comme les autres 

Dans la grande île, l’importance accordée à la riziculture est considérablement grand. Le riz pèse sur plusieurs domaines tels que la politique, l’économie, le social. Ce produit extraordinaire influence les motivations ainsi que les comportements des agents économiques. De ce fait, l’augmentation de la production de riz, en quantité devient un but particulier afin d’assurer tant l’autosuffisance nationale que les marchés extérieurs (Dabat et al., 2008).

Plusieurs fonctionnalités sont attribuées au riz, parmi elles, sa fonction en tant que denrée alimentaire et sa fonction économique. Celles-ci ont été prouvées par de nombreuses études (le Bourdiec, 1974 ; Roubaud, 1997 ; FOFIFA/IFPRI, 1997 ; UPDR/FAO, 2000 ; Minten et Zeller, 2000 ; Razafidravonona et al., 2001 ; Bockel, 2002 ; Fraslin, 2002 ; World Bank, 2003).Le secteur agricole représente 29,1% du PIB du pays et emploie plus de 80% de la population active . 85% des exploitants cultivent du riz, principale culture en terme d’occupation de la superficie agricole pour les trois quarts des communes malgaches et principale source de revenu des ménages dans 45% des communes. La consommation de riz par habitant de l’ordre de 125 kg par an, est l’une des premières au monde. Ainsi les performances de la filière déterminent de manière significative le dynamisme du secteur agricole et de l’économie nationale. Sa valeur ajoutée économique directe, calculée en 1999, contribue à hauteur de 12% au PIB national et de 43% au PIB agricole en termes courants (Dabat, 2002).

A Madagascar, le riz n’est pas apprécié que par sa fonction économique, il remplit d’autres fonctions de nature culturelle, politique et sociale. Un grand nombre de légendes et de mythes prouvent l’incontestable valeur du riz aux yeux des Malagasy. Cette céréale tient une place unique dans les cérémonies qui retrace les rapports sociaux. Le Santa-bary, qui célèbre les prémisses, demeure le rite le plus célèbre auprès des Merina. Il repose sur la croyance que le riz précoce dégage une force dangereuse appelée rituellement hasina, offerte aux puissants, seuls capables de le recevoir. C’est une allégeance au pouvoir par le magico-religieux. Ainsi, les rois merina ont récupéré les images du riz pour renforcer leur pouvoir politique en associant le riz d’une part avec dieu et d’autre part avec eux (Rakotomalala et al., 2001). Les dirigeants qui ont succédé aux rois, ont aussi utilisé le riz pur consolider leur pouvoir. Ceux qui ont voulu mettre le riz au second plan ont pris des risques en Imerna : mécontentement populaire quand le président Tsiranana, sous la première République, a voulu favoriser les culture d’exportation, comme le café, et de nouvelles cultures, comme le soja, au détriment du riz ; déception de la capitale quand, sous la deuxième République, en période de pénurie de produits de première nécessité, le président Ratsiraka a proposé le remplacement du riz par d’autres produits vivriers ; satisfaction populaire a contrario quand toujours le même président Ratsiraka a favorisé, en 2000, l’importation de riz étranger à très bas prix en période de campagne électorale.

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Augmenter la production de riz 

Ayant une ampleur aussi importante dans l’économie, le secteur rizicole devient un objet essentiel des politiques publiques. La quasi-totalité des documents-cadres et stratégiques de l’Etat, à des degrés divers, font référence à la production rizicole ou à la filière riz comme levier de développement. L’objectif unique et consensuel est d’accroître la production pour auto-approvisionner le pays et exporter. La manière d’y parvenir reste donc à débattre : soit par intensification dans les zone à fort potentiel qui ont déjà des rendements supérieurs à la moyenne nationale (Lac Alaotra, Marovoay, périmètre irrigué de la côte ouest…), soit par amélioration de la productivité dans l’ensemble des zones rurales rizicoles, soit par extensification de la production de type « agrobusiness » dans de nouvelles zones disponibles (Dabat, 2008).

Le document de politique de développement rizicole pour la période 2003-2010 lui même, élaboré par le ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche (MAEP), affiche comme défi principal le renversement de la tendance à la baisse de la disponibilité en riz par tête enregistré au cours des 40 dernières années. Les objectifs pour 2010 étaient d’augmenter de 114% la production de paddy, sans dégrader l’environnement, pour satisfaire une population en croissance de 32% et exporter 1,8 millions de tonnes annuelles. Ces objectifs paraissent peu réalistes confrontés aux réalités de terrain. D’ailleurs, l’amélioration de la qualité du riz pour le marché national ne figure nulle part.

L’exigence en qualité de riz 

La qualité du riz a grande signification pour le consommateur malagasy. Il faut apporter la distinction entre la qualité des différents riz et les indicateurs de qualité. Plusieurs travaux en économie de la qualité partent de la constatation d’une double distanciation progressive : d’une part, le développement des villes a favorisé l’éloignement des consommateurs de la production agricole (Requier-Desjardins, 1989 ; Hugon, 1998 ; Padilla, 1998 ; Bricas et Seck, 2004) ; d’autre part, un transfert de l’expertise en alimentation s’est opéré depuis les ménages vers les nouveaux spécialistes de la consommation que sont devenues les industries agroalimentaires, les supermarchés et les unité de restauration (Valceschini et Nicolas, 1995 ; Coestier et Marette, op. cit…). Du fait de cette distanciation, le consommateur urbain devient l’auteur de l’évaluation de la qualité. Selon la littérature, la qualité est de nature multidimensionnelle. Les différentes sphères de jugement conditionnent la perception de la qualité en question. Par exemple, les dimension nutritionnelle (composition quantitative et qualitative en nutriments), sanitaire ou hygiénique (propreté bactériologiques…), fonctionnelle ou d’usage (divers services inclus dans le produit), organoleptique ou psychosensorielle, gustative et culturelle, sociale et symbolique (Sylvander, 1995 ; Cazes-Valette, 1998).

Pour l’évaluation de la qualité (Dabat et al., 2008), les consommateurs malagasy ont établi les critères suivant :
• La présence de cailloux ;
• La présence de grains noirs : issus des mauvaises herbes ;
• La présence de poussière de son : s’évalue en plongeant la main dans le riz ;
• La présence de paddy : dépend de la dureté des balles ;
• La présence de brisures : nuit à la cuisson, elle est liée à l’humidité et à la forme du grain ;
• L’humidité du riz : se détecte par la présence de poussières de son ;
• La présence de grains de riz verts (grain immature) ;
• La morphologie du grain : dépend des préférences du consommateur ;
• La couleur du grain : varie du blanc au très rouge ;
• La translucidité ou opacité du grain : la plupart des riz sur le marché sont opaques. Pour exprimer la translucidité, on utilise le mots « manjelatra » ;
• Le gonflement du riz : apprécié pour son volume après la cuisson ;
• Le mohaka : phénomène de prise en masse du grain de riz lors de la cuisson ;
• Le mantamohaka : problème lié à l’hétérogénéité de cuisson des grains de riz ;
• Le temps de cuisson : la préférence va vers un riz qui cuit rapidement ;
• Le goût sucré : la plupart es riz malagasy possède ce critère, surtout les riz rouges ;
• Le goût laiteux (ou gras)
• Le goût astringent : on le rencontre chez les riz trop rouges, et se caractérise par son aspect qui sèche la langue ;
• Le riz sans goût : le riz qui n’a ni goût sucré ni goût laiteux ;
• L’éparpillement des grains : apprécié pour la préparation du « varymaina » ;
• La fermeté du grain : le riz est soit ferme, soit moyen (ferme mais pas trop ferme), soit mou ;
• La tenue au ventre : lié à la fermeté du grain, plus le riz est ferme, plus il tient au ventre ;
• La satiété : définie par l’expression « on a vite plus faim » ;
• La facilité à digérer : associé à la consommation du varymaina.

Ces critères sont regroupés selon le choix de préparation des plats. Les plus importants sont liés à la propreté du riz et aux défauts du grain. Puis viennent ensuite les critères liés à sa cuisson. La préférence va en priorité à des riz qui gonflent, qui ne présente pas les phénomènes de mohaka et de mantamohaka, et qui sont rapide à cuire.

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I : CONTEXTE ET REVUE DE LITTERATURE
Section 1 : Contexte
Section 2 : Revue de littérature
2.1. L’importance du riz dans le monde
2.2. Le riz à Madagascar
CHAPITRE II : LA CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE, FACTEUR DE L’IMPORTATION DE RIZ
Section 1 : Evolution de la population des deux dernières décennies
Section 2 : Une offre nationale insuffisante
CHAPITRE III : LA PRODUCTION RIZICOLE MALAGASY DEFICITAIRE
Section 1 : Analyse SWOT de la filière riz
1.1. Les atouts de la riziculture malagasy
1.2. Les faiblesses de la riziculture malagasy
1.3. Les opportunités
1.4. Les menaces
Section 2 : Les politiques agricoles et rizicole malagasy
2.1. Les politiques agricoles depuis 1960
2.2. L’évolution de la riziculture après les politiques agricoles
2.3. L’échec des politiques agricoles
CONCLUSION

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