Les catégories de contenus d’enseignement et d’apprentissage assignés à l’école
maternelle
Il s’agit ici d’étudier les instructions officielles afin de mettre en relief les différentes catégories de contenus qui sont prescrits à l’enseignement et à l’apprentissage. Pour ce faire j’ai mené une analyse textuelle basée non seulement sur le lexique (quels termes sont utilisés explicitement pour désigner les contenus ?) mais aussi sur le plan sémantique de manière à avoir accès à des informations complémentaires sur la manière dont le législateur conçoit chaque type de contenus (quelle importance est accordée à tel contenu par rapport à tel autre ? Quelle articulation existe entre les différents contenus ?). Ce travail a porté essentiellement sur six textes de mon corpus initial : 1855, 1887, 1977, 1995, 2008 et 2015.
En effet, dans le souci de mener une analyse approfondie des instructions officielles et au regard de leur densité, il m’est paru nécessaire de limiter mon échantillon. Aussi, j’ai choisi de ne pas retenir les textes de 1837 et 1921 parce qu’ils font une présentation assez succincte des contenus à enseigner et à apprendre ; j’ai analysé une circulaire sur les deux qui composent mon corpus et le texte de 2008 a été préféré au texte de 2002. Mon analyse a permis de mettre en relief des mouvements de catégories de contenus tout au long de la période couverte par les textes à savoir de 1855 à 2015. Dit plus clairement, de l’ensemble des catégories identifiées certaines sont présentes dans toutes les instructions étudiées tandis que d’autres ne sont l’objet que d’une partie des textes.
Des catégories pérennes
Quatre types de contenus ont été prescrits par l’ensemble des textes officiels soumis à analyse : les savoirs, les savoir-faire, les savoir-être et les comportements. De quoi s’agit-il ? De manière générale, les savoirs sont caractérisés par le fait que ce sont des énoncés verbalisables et indépendants de tout contexte. Selon les instructions de la maternelle ils renvoient à des « notions », des « principes », des « concepts » présentés soit sous forme de leçons à retenir par cœur (1855), soit par le biais d’entretiens familiers (1887) ou encore à travers une mise en situation des enfants (1977, 1995, 2008 et 2015).
Ainsi, au niveau épistémologique, une distinction est faite entre savoir et connaissance. En effet, avec la notion de savoir on désigne une connaissance originelle, c’estLes catégories de contenus d’enseignement et d’apprentissage assignés à l’école maternelle 35 à-dire le savoir « savant » tel qu’il est enseigné aux élèves17. Tandis qu’avec la notion de connaissance on met l’accent sur la manière dont chaque élève s’est approprié les savoirs en les articulant à ses expériences personnelles. Ainsi, quand on parle des savoirs on se situe du côté de l’enseignement alors que les connaissances impliquent de s’intéresser à l’apprentissage. Ceci étant, retrouve-t-on dans les instructions officielles un usage différencié de ces notions ? Dans le texte de 1977 le terme « connaissance » est utilisé selon une acception différente de celle de « savoir ». On peut effectivement y lire que « la connaissance ne relève pas de l’acquisition de notions mais d’une action qui opère sur les réalités, action personnelle dont les démarches, ainsi que les incidences sur le devenir des structures mentales, dépendent du niveau de développement de chacun. ». Ce fait s’articule avec le changement de perspective au niveau de l’organisation des contenus qui a lieu cette année-là (passage d’un mode thématique à une organisation en fonction des objectifs) et confirme la volonté du législateur de se centrer sur l’enfant. Ainsi, la connaissance n’est plus simplement assimilée à un savoir qui s’acquière ; il s’agit désormais du produit de la transformation du savoir via « l’activité », la « verbalisation » et « l’examen critique » et, il revient à l’enseignant d’accompagner les élèves dans ce processus en leur proposant des mises en situation pertinentes.
Des catégories spécifiques à une période
L’analyse des textes a permis d’identifier des catégories de contenus prescrites uniquement à partir de 1977. Ces catégories, absentes des instructions antérieures, seraient donc représentatives de la période axée sur l’apprentissage. Autrement dit, c’est parce que les législateurs ont voulu faire de l’enfant un acteur de ses apprentissages qu’ils ont institué l’enseignement et l’apprentissage de nouveaux types de contenus que sont : le rapport à, la prise de conscience, et les compétences. En effet, présenté comme étant le lieu des « apprentissages premiers » l’école maternelle a pour mission non seulement de doter les enfants d’un certain nombre de savoirs, savoir-faire, savoir-être et comportements ; elle doit en outre veiller à ce que ces derniers établissent un rapport positif à l’école et aux objets d’enseignement et d’apprentissage qu’ils y rencontrent.