Les catégories d’acteurs de l’archéologie
L’archéologie s’illustre par une pratique très communautaire, avec les différents ensembles qui la composent. « Les archéologues forment aujourd’hui une communauté, qui sacrifie, comme les autres communautés scientifiques, au rite du congrès, colloque et autre table ronde. » (Jockey, 2013, p.528). C’est une communauté éclectique qui s’est formée en même temps de l’archéologie comme discipline au cours du XIXème siècle et qui a évolué avec les changements de la discipline mais aussi de la société qui abrite cette activité. Une archéologie qui est le fruit du travail des amateurs, de professionnels mais elle est également encadrée par des personnalités diverses en matière de politique. A. Les petites mains de l’archéologie Lors de la constitution de l’histoire de la discipline, les amateurs ont joué un grand rôle, notamment par leurs activités de recherche et ils sont toujours très actifs dans cette discipline mais de manière plus discrète que par les passé. Ces acteurs ne sont pas normés par un cadre législatif stricte, « L’avantage de l’amateur, c’est de toujours garder une fraîcheur d’esprit, de faire de la recherche sans arrière-pensée, d’avoir de vrais amis, de jamais se lasser. » (Campmajo, 2015, p.171).
Les bénévoles
Les bénévoles de l’archéologie ont une place importante au sein de la discipline notamment dans son histoire (Schnapp, 1993, Jockey, 2013) et ce jusque dans les années 1960 (Demoule, 2009a, p.261). Les bénévoles, comme leur qualificatif l’indique, ne sont pas payés pour les travaux qu’ils effectuent. Le bénévolat reste encore très présent en archéologie notamment dans le cadre des fouilles programmées. Les chantiers qui sont ouverts aux bénévoles publient leurs offres dans les revues spécialisées en archéologie (Jockey, 2013, Les catégories d’acteurs de l’archéologie 6 p.312). Ce sont pour la plus part des personnes qui sont attirées par des éléments très différents. « Ces derniers [les bénévoles] ont remplacé, dans l’archéologie de cette fin de siècle, les ouvriers salariés, car ils ont sur ces derniers l’immense avantage de ne rien coûter, qu’il s’agisse d’étudiants suivant leur professeur, d’amis de la nature soucieux de vivre une expérience utile au grand air, ou des militants de la vie communautaire pour lesquels la fouille archéologique représente un ultime recours en ces temps difficiles. » (ibid, p.527). Les bénévoles peuvent aussi être des personnes habitant à proximité des sites archéologiques* et éprouvant un intérêt particulier pour l’histoire de leur région ou du territoire. « Pour moi, l’archéologie autochtone c’est un peu ça, cette implication des hommes à leur histoire et leur petite histoire ajoutée à d’autres histoires autochtones qui forment une longue chaîne génératrice de l’histoire de l’humanité. » (Campmajo, 2015, p.171). La passion de l’histoire et en particulier de l’archéologie permet aux nouveaux arrivants dans une région de s’ancrer plus aisément dans ce territoire. Ils accèdent ainsi à une autochtonie par l’appropriation d’un passé qui est proche physiquement et que l’on a aidé à émerger (Moulinié, 2015). La pratique du bénévolat « représente donc une occasion d’enrichissement d’un point de vue social et culturel » (Demoule, 2009b, p.289). Ces bénévoles, qui sont aussi des autochtones, sont également plus susceptibles d’éveiller l’intérêt pour l’archéologie de leurs concitoyens, du public et des élus locaux (Ibid). La pratique du bénévolat en archéologie nécessite un encadrement afin de conserver l’aspect scientifique de la discipline (Ibid) car certains bénévoles n’ont que peu d’expérience, un encadrement qui implique une hiérarchie et qui sera développé ultérieurement dans le mémoire. Le bénévolat permet aux archéologues de bénéficier à peu de frais d’une main d’œuvre importante et donc d’engager à l’occasion des travaux d’envergure comme des prospections pédestres (Lehoërff, 2009b, p.48).
Les étudiants
Les étudiants en archéologie sont une catégorie un peu particulière. La discipline bénéficie d’un enseignement à l’université, il est complet et spécifique, mais souvent associé à d’autres formations comme l’Histoire de l’Art, l’Histoire ou l’Anthropologie en majorité (Lehoërff, 2009a). La discipline bénéficie également de formations spécialisées dans l’objectif d’une professionnalisation, pour le patrimoine ou pour l’archéologie de terrain (Demoule, 2009b ; Jockey, 2013 ; Lehoërff, 2009a). Des formations qui demandent aux étudiants dès la 7 Licence d’effectuer plusieurs stages, notamment dans des chantiers de fouilles. Les fouilles qui s’inscrivent dans le cadre de l’archéologie programmée, sont souvent ouvertes aux étudiants qui débutent dans la pratique. Les étudiants sont des amateurs de l’archéologie par opposition aux professionnels, mais ils ne sont parfois pas seulement des bénévoles, ils peuvent aussi être rémunérés dans le cadre d’un poste de responsable de secteur sur des chantiers qui ont reçu les financements suffisants. Les étudiants dès le master pouvaient jusqu’en 2014 être responsables scientifiques sur une opération qu’ils dirigeaient mais les demandes d’opérations ne peuvent plus être faites par des personnes physiques1 . Le porteur du projet est nécessairement, dès lors, une structure publique, privée ou une association. Il devient donc difficile pour les étudiants d’exécuter des fouilles en leur nom propre. Les étudiants en archéologie sont donc une catégorie un peu particulière, ce sont encore des amateurs mais qui sont pour beaucoup dans un objectif de professionnalisation. C’est dans cette optique que les étudiants effectuent bon nombre de stages dans le cadre du bénévolat afin d’acquérir de l’expérience. Une expérience qui sera demandée par le biais de Curriculum Vitae. Ce document est nécessaire pour toutes demandes d’opérations effectuées auprès du SRA2 *. Les opérations comme les prospections, ou la fouille, permettent aussi au futur professionnel de l’archéologie de se créer un réseau, des contacts et des relations (Latour, Woolgar, 2005, p.29).
Les sociétés savantes et les associations
Les sociétés savantes et les associations qui font un focus sur l’archéologie, ont une place importante dans la constitution de la discipline (Jockey, 2013). Ces sociétés savantes lors du XIXème siècle vont permettre à des thèmes ou des disciplines qui étaient restés hors du cadre de l’université, d’exister et de produire de l’information (Laferté, 2009, p.131). Les sociétés savantes et les associations à caractère culturel ne sont pas différenciées comme cela semble être le cas habituellement (Lequeux, Mainjonet, Roscian, 1986, p.10). Dès lors, dans ce mémoire, nous en parlerons de manière indifférenciée. De ces sociétés savantes (dont les plus anciennes sont fondées au XVIIe siècle), l’archéologie n’en devient une branche que vers 1845, et de nouvelles portant uniquement sur cette discipline sont également crées durant cette période (Ibid, p.11). Elles concevaient l’archéologie comme une science avec des méthodes et 1 Annexe 2 : Fiche récapitulative des pièces à fournir obligatoirement. 2 Annexe 1 : Dossier de demande d’opération archéologique. 8 une critique scientifique. Si leur objectif était la recherche scientifique, ces associations avaient parfois des activités culturelles très prégnantes. Des domaines d’activités qui sont donc vastes : la pratique du terrain avec des fouilles, mais surtout des prospections, des sondages, des inventaires, des restaurations, de la surveillance des grands chantiers d’aménagements. Mais avant la loi du 17 janvier 2001 les membres d’une association pouvaient entreprendre des opérations de sauvetages (Ibid, p.37) ; la gestion des collections archéologiques avec celle d’un musée, d’une salle d’exposition ou encore du dépôt de fouille ; la gestion d’une bibliothèque qui est propre à l’association mais qui ne comporte pas seulement des ouvrages en lien direct avec l’archéologie. Quant à la diffusion des connaissances acquises par ces associations, divers moyens peuvent être mis en œuvre, comme des séances mensuelles, des congrès, des conférences, des excursions et des publications variées (Ibid). Elles peuvent ainsi développer le tourisme local en faisant découvrir des éléments du paysages qu’ils soient naturels ou anthropiques (Fesquet, 2012, p.129-131). Les associations vont influer sur un regard qui est porté sur la ville, le territoire au détriment d’autres éléments patrimoniaux. La passion de ces membres de l’association va être véhiculée à travers les activités proposées par elles (Leveratto, Montebello, 2001). Certaines associations sont polyvalentes en se concentrant sur une ville, un département ou une région. D’autres vont se spécialiser, dans les thèmes comme les monnaies ou dans une époque plus précise comme le haut Moyen-Age* ou la Préhistoire. Les membres d’une association peuvent aussi être actif dans une, voire plusieurs autres, avec des intérêts parfois différents mais touchant toujours à l’histoire locale (Baciocchi, Laferté, Le Guillou, Rowell, 2001). Ces associations peuvent agir en partenariat avec des professionnels de l’archéologie, mais leur implication dans le local est plus forte avec des considérations particulières pour des vestiges qui ont une vocation identitaire (Sagnes, 2015c). Ces associations sont de par ailleurs souvent associées à un musée, à un site archéologique où à un patrimoine culturel de manière plus générale, elles vont avoir une existence sociale, politique (Sagnes, 2015c ; Vincent, 2015) et parfois rentrer en concurrence si plusieurs sont présentes autour de problématiques locales proches (Amiel, 2015). La répartition des associations en matière d’archéologie n’est pas uniforme à l’ensemble du territoire sans que ce phénomène ne soit vraisemblablement compris (Ibid). En ce qui concerne les données fournies par Brigitte Lequeux, Monique Mainjonet et Suzanne Roscian datant de 1986, la région PACA n’est clairement pas uniforme avec des disparités parfois importantes entre les départements. En cette année de 1986, ce sont les départements des Bouches-du-Rhône et du Var qui dominent nettement la région en nombre d’associations avec 9 des spécificités en matière de chronologie de prédilection. Le département des Hautes-Alpes est, quant à lui, vide de toute association ayant un attrait pour l’archéologie. Cette situation a bien évidement évolué en vingt ans depuis l’étude effectuée. Si les associations bénéficient d’un archéologue professionnel en leur sein, elles peuvent être la structure qui va porter le projet . L’autorisation de réaliser une fouille et l’attribution des crédits étaient moindre pour les associations pendant un temps (Lequeux, Mainjonet, Roscian, 1986, p.37). Ces changements amorcés, depuis 2014 vont sûrement faire évoluer cette question dans le sens où les associations seront plus actives dans l’activité de terrain. Les associations doivent être enregistrées auprès de l’Etat, avec leur nom, leur objet et le lieu du siège social mais pas seulement. Cet enregistrement se fait auprès des représentants de l’Etat dans le département où est situé le siège social en préfecture et sous-préfecture. C’est une condition sine qua non afin que l’association ait une capacité juridique. Pour compléter le processus il faut que l’association soit rendue publique en étant publié au Journal Officiel des associations et des fondations d’entreprise (Loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, 2015, Article 5).