La cataracte congénitale se définit comme une opacification du cristallin présente dés la naissance. Le risque majeur de cette pathologie est l’altération du développement visuel chez l’enfant avec constitution d’une amblyopie profonde et irréversible entrainant une baisse de l’acuité visuelle. C’est la cause la plus fréquente de cécité curable chez l’enfant dans le monde. Les étiologies sont très nombreuses, dominées par les causes héréditaires et infectieuses. Dans les formes bilatérales, les étiologies sont souvent génétiques et héréditaires, liées à des désordres métaboliques ou à des infections intra-utérine. Les formes sporadiques sont souvent unilatérales. Quelle que soit l’origine de la cataracte congénitale, son traitement implique l’extraction du cristallin cataracté ainsi que la correction adéquate de l’aphaquie. L’avancée des techniques chirurgicales et la prise en charge péri opératoire contribuent à une réhabilitation fonctionnelle sans cesse améliorée ; l’implantation primaire est actuellement le traitement de choix de l’aphaquie, facilitant la rééducation précoce et offrant de meilleurs résultats fonctionnels. Le pronostic visuel et le traitement dépendent de l’âge d’apparition de la cataracte, de ses caractéristiques cliniques et des lésions oculaires et générales qui lui sont associées. Les formes unilatérales, totales et précoces sont plus sévères que les formes bilatérales, partielles et tardives.
Etude épidémiologie
Fréquence
La cataracte congénitale est la cause la plus fréquente de cécité évitable chez l’enfant dans le monde. On estime qu’il y a actuellement dans le monde 200 000 enfants aveugles par cataracte et que 20 000 à 40 000 d’enfants naissent chaque année avec une cataracte congénitale (3,4). Selon une étude réalisée aux états unis par FRANCIS(5), l’incidence de la cataracte congénitale est estimée entre 1 et 6 nouveau-nés atteints pour 10 000 naissances. Selon une étude de VASVADA (3), l’incidence de la cataracte congénitale est estimée entre 1 et 4 nouveaunés atteints pour 10 000 naissances dans les pays développés.
◆ 36 cas pour 100 000 naissances en Suisse.
◆ 1,2 cas pour 10 000 naissances aux Etats-Unis.
◆ 5 à 6 cas pour 10 000 naissances au Royaume-Uni.
Des études épidémiologiques ont été réalisées dans certains pays en voie de développement et ont montré les résultats suivants(6) :
• Afrique de l’Ouest : 15,5 %
• Inde du sud : 7,4 %
• Chili : 9,2 %
• Malawi : 13,1 %
• Kenya : 0,1 %
• Uganda : 27,6 %
• Ethiopie : 9,2 %
Globalement, l’incidence de la cataracte chez l’enfant est de 1 à 15 nouveau-nés sur 10 000 naissances (5). La cataracte congénitale est une affection relativement fréquente dans la pathologie ophtalmologique pédiatrique dans notre formation. Durant une période de 4ans allant de 2009 à 2012, 80 cas de cataracte congénitale ont été colligés au service d’ophtalmologie du CHU Mohammed VI Marrakech. GHEMRI (7) rapporte sur une série de 291 cas d’affections congénitales, 170 cas de cataracte congénitale durant une période de 4ans allant de 2005 à 2008, en Alger soit un pourcentage 40% de l’ensemble des affections congénitales. Ces résultats rejoignent ceux de notre étude. La fréquence des cataractes congénitales dans notre étude est de 20 patients par an ; cette fréquence est diminuée par rapport à une étude faite à Rabat (8) durant une période de 3ans et demi où la fréquence des cataractes congénitales est de 29 patients par an. Mais reste élever si on la compare à la série de LOPES (9) où la fréquence des cataractes congénitales pendant 4ans est de 3 cas par an.
Age de la prise en charge
L’âge de la prise en charge constitue le facteur pronostic le plus important pour la récupération visuelle. Avec les progrès de l’anesthésie pédiatrique, un nouveau né même prématuré peut être opéré, mais la majorité des auteurs préfère intervenir à partir de la 5eme semaine; tout en sachant que le système visuel a une période de latence de 6 semaines avant qu’il ne devient sensible à la déprivation visuelle. Les cataractes obturantes unilatérales et bilatérales doivent impérativement être opérées pendant la période sensible, afin de diminuer le risque d’amblyopie et de trouble de la binocularité.
Plusieurs études ont suggéré que l’âge idéal permettant d’avoir les meilleurs résultats visuels avec moins de complications pour les cataractes denses serait entre 5 et 8 semaines de vie, et au-delà de 10 semaines les résultats visuels sont moins bons. Dans notre série, la moyenne d’âge de l’intervention est de 2,7 ans avec des extrêmes comprises entre 2 mois et 19 ans et une nette prédominance la tranche des patients âgés de 3 à 7ans qui représentent 33,75 % des cas. Notre moyenne d’âge rejoint celle des études faites en pays en voie de développement; pourtant elle reste élever si on la compare à une série française de LEFEVRE HANSEN (12). Ceci est dû à un retard de consultation par les parents, mais aussi et surtout à une absence de dépistage systématique en maternité dans la mesure où seulement 1 cas de notre série qui a été adressé par un pédiatre, et aucun cas par un obstétricien ou un médecin généraliste .
Etude clinique
Interrogatoire des parents
L’interrogatoire des parents est la première étape du diagnostic, il doit être le plus complet possible afin de recueillir le maximum d’éléments permettant de guider notre attitude diagnostique et thérapeutique. Il permet aussi de faire comprendre aux parents la pathologie , ses conséquences pour l’avenir et l’importance que va avoir leur coopération pour le traitement de l’affection et de son succès .
Circonstance de découverte :
La leucocorie :
La symptomatologie clinique est largement dominée par un signe ophtalmologique .Il s’agit de la leucocorie qu’on retrouve chez 52% des cas. Les différents auteurs obtiennent une prépondérance de ce signe avec des proportions différentes. AMMAR (10), dans son étude rétrospective sur 6ans constate que la leucocorie est le signe majeur, le plus fréquemment retrouvé (60%) lors de la première consultation. La leucocorie est un reflet pupillaire blanc. Bien que 60% des leucocories chez l’enfant sont dues à une cataracte congénitale (14), un examen ophtalmologique approfondi permet d’éliminer une pathologie tumorale oculaire très grave telle le rétinoblastome .
Baisse de l’acuité visuelle :
La baisse de l’acuité visuelle était le motif de consultation chez 15 patients soit un pourcentage de 19% des cas. Elle se voit généralement dans les cataractes survenant tardivement chez les enfants en âge scolaire.
Troubles du comportement visuel de l’enfant :
Ces troubles sont représentés par une absence de réaction à la lumière, une incapacité à suivre ou à saisir un objet, le signe de Franceschetti (digito_oculaire) (Fig.21) au cours du quel l’enfant appuie fortement sur ses globes oculaires pour se créer des sensations visuelles, et le signe de l’éventail au cours du quel l’enfant balaie son champ visuel de ses doigts écartés. Ces troubles constatés par les parents, dans notre étude ont été le motif de consultation chez 14% des cas. Le signe de Franceschetti et le signe de l’éventail témoignent d’une malvoyance très profonde.
Le nystagmus
Le nystagmus ou mouvements oculaires anormaux sont des mouvements erratiques sans fixation stable traduisant une vision médiocre. Le nystagmus est un signe de gravité témoignant d’une cataracte dense lorsqu’il est précoce. Dans la littérature comme dans notre série (7%), il est moins fréquemment retrouvé comme motif de consultation par contre diagnostiqué à l’examen clinique.
Le strabisme :
Le strabisme ou perte de parallélisme des yeux dont il faut rechercher la date d’apparition et ses caractéristiques, car il signe une amblyopie sévère qui relèvera d’une rééducation après l’intervention; 5% des patients ont consulté pour ce signe.
Examen général :
L’examen systématique par un pédiatre avant la sortie de la maternité ou plus tard dans le cadre de la PNI (protection maternelle et infantile), permet un diagnostic précoce. Dans notre série, un seul cas a été adressé par un pédiatre et aucun cas n’a été dépisté avant la sortie de la maternité ; d’où l’intérêt d’établir des protocoles standardisés afin de dépister efficacement la cataracte congénitale chez les nouveaux-nés avant la sortie de la maternité(15).
Le diagnostic in utéro :
Le diagnostic de cataracte in utéro représente une situation moderne et idéale pour le dépistage de la cataracte congénitale. Grâce à la qualité des examens des spécialistes et aux performances des appareils échographiques utilisées, la mère arrive à la consultation d’ophtalmologie avec ses échographies abdominales qui montrent effectivement les cataractes parfaitement individualisables lorsqu’elles sont très opaques et échogènes.
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