Présentation de la santé mobile et du mobinaute
Présentation de la santé mobile ou m-santé
En 2005, c’est le Pr Robert Istepanian, universitaire londonien qui utilise le terme « mobile health » ou « m-health » pour désigner « l’utilisation des communications mobiles émergentes en santé publique ». En 2009, l’OMS définit la m-santé comme « les pratiques médicales et de santé publique reposant sur des dispositifs mobiles tels que les téléphones portables, les systèmes de surveillance des patients, les assistants numériques personnels et autres appareils sans fils ». La santé mobile est une composante de la e-santé. Elle représente toutes les applications mobiles de santé appelées, « appli » ou « app » en anglais, fonctionnant sur un smartphone, une tablette tactile ou d’autres dispositifs numériques (montres connectées…).
Ces applis peuvent être téléchargées dans des magasins d’applications mobiles en ligne.
Le smartphone peut également être la commande de contrôle des objets connectés ou l’interface digitale de nombreux autres outils en e-santé pour la pratique de la médecine ou de la santé publique. L’utilisateur d’une application mobile est appelé « mobinaute »
Le champ d’intervention et les composantes de la santé mobile
Le champ d’intervention de la santé mobile
On peut diviser le champ d’intervention des services de la santé mobile en différentes catégories. Une étude menée conjointement par GSMA et PwC5 classent ces services de santé en deux grandes catégories : « les solutions pour les patients et le renforcement des systèmes de santé ». Alors que les solutions pour le patient sont généralement utilisées directement par ces derniers, celle pour le renforcement des systèmes de soins de santé comprend « des solutions qui n’interagissent pas directement avec les patients, mais visent à améliorer l’efficacité des fournisseurs de soins de santé dans la prestation des soins aux patients ».
On retrouve dans la première catégorie, les patients souffrant d’une maladie ou avec un risque élevé de souffrir d’une maladie, la plupart des services de santé mobile peuvent y être regroupés en cinq sous-catégories : « bien-être, prévention, diagnostic, traitement et surveillance. Dans toutes ces catégories, le patient ou le consommateur est l’utilisateur final principal et interagit directement avec les services et les applications ».
Le bien-être, regroupe les composantes qui encouragent le patient à mieux contrôler sa santé pour adopter un style de vie optimal, pouvant aller de la perte de poids à la mesure de son activité physique journalière et de la consommation de calories associée. Elle lui permet ainsi d’être le premier acteur de sa santé au quotidien.
La prévention, regroupe les composantes utilisées « pour sensibiliser et encourager les gens à adopter ou à éviter certains comportements et pratiques visant à prévenir ou à contrôler l’apparition des maladies ». Les services de santé mobile peuvent par exemple prévenir l’apparition de maladies infectieuses ou l’usage de drogues par l’envoi d’informations essentielles aux populations cibles.
Le diagnostic, comprend les services de santé mobile aidant les professionnels de santé « à établir des liens avec des patients géographiquement éloignés pour fournir un diagnostic ou un triage », au moyen par exemple d’un centre d’appel ou de la télémédecine.
Le traitement, comprend « des services qui aident à traiter les patients à distance et à assurer le respect de l’observance du traitement » nécessaires au rétablissement du patient. Cela peutêtre une application pour rappeler au patient de prendre ses médicaments.
La surveillance, comprend les services aidant « à la saisie périodique des paramètres vitaux des patients » afin de contrôler ou de surveiller leur variation. Ce sont par exemple les appareils qui mesurent la tension cardiaque des patients et qui transfèrent les données à des professionnels de santé situés à distance.
On retrouve dans la deuxième catégorie, les applications « visant à améliorer l’efficacité des prestataires de soins de santé ». On la divise en quatre sous-catégories :
La réponse d’urgence, elle regroupe tous les services de santé qui permettent une « réponse rapide en cas d’urgence ou de catastrophe », utilisés par exemple par les hôpitaux pour interagir avec le personnel médical situé dans une ambulance.
Le soutien aux professionnels de santé, qui comprend l’accès aux bases de données médicales et la diffusion de l’information médicale.
La surveillance de la santé qui « comprend des services et des outils qui aident les professionnels de la santé à recueillir des informations sur la santé et à suivre l’évolution des maladies et des épidémies ».
L’administration de la santé, où les services de santé mobile servent à automatiser ou à simplifier « les processus administratifs liés à la prestation des soins de santé » afin d’avoir un impact positif sur l’efficacité globale du système de santé. C’est par exemple, les rappels de rendez-vous médicaux par messagerie instantanée.
Le développement de la santé mobile et de la téléphonie cellulaire dans les systèmes de soins
Dans un rapport du secrétariat de l’OMS publié en mai 20168 , l’OMS rappelle que les technologies mobiles deviennent la principale ressource pour fournir des services de santé et de santé publique, faciles à utiliser et à large portée. L’Organisation rappelle aussi les chiffres 2015 de l’Union Internationale des télécommunications (UIT) « le monde compte plus de 7 milliards d’abonnements de téléphonie mobile, dont plus de 70 % dans des pays à revenu faible ou intermédiaire » et en 2016, il y avait plus de 100 abonnements cellulaires mobiles pour 100 personnes dans le monde9 (figure 4). L’accès mobile devient omniprésent et est le principal argument pour l’adoption de la santé mobile dans le monde.
Le cadre réglementaire global de la santé mobile est hétérogène
Même si la plupart des États considèrent que la santé mobile pourrait avoir un impact positif sur leur système de soins, la majorité des pays ne possèdent pas de cadre réglementaire pour cette technologie. Alors que les autorités réglementaires des États-Unis et de l’Union Européenne (UE) accroissent l’examen des solutions de santé mobile, « plus de 150 pays n’ont pas encore élaboré de cadre réglementaire ou d’orientation17 ».
La majorité des pays favorables à l’adoption de la santé mobile pour leur système de soins ne savent pas comment la réguler et cette incertitude réglementaire peut freiner sa croissance dans les pays développés.
Or la m-santé ne peut pas avoir une utilisation optimale sans un cadre juridique et réglementaire assurant la confidentialité, la qualité et l’intégrité de l’accès et du partage des données de santé mobile. Un cadre juridique et réglementaire est en effet une solution pour maintenir la confiance des patients et des payeurs, mais aussi pour inciter aux investissements dans cette technologie.
Aussi, quand il existe un cadre réglementaire, celui-ci varie fortement entre les pays. Il est donc nécessaire de mettre en place des mesures pour l’harmonisation des normes liées à la santé mobile. Le Forum international des autorités de réglementation des dispositifs médicaux, comprenant aussi la GHTF (The Global Harmonization Task Force) créée en 1993 par les gouvernements et les représentants de l’industrie de l’Australie, du Canada, du Japon, del’Union européenne et des États-Unis d’Amérique pour encourager « une convergence des normes et des pratiques réglementaires liées à la sécurité, à la performance et à la qualité des dispositifs médicaux [par] la publication et la diffusion de documents d’orientation harmonisés pour les pratiques réglementaires de base» 18 continuent d’œuvrer à l’harmonisation de la réglementation des dispositifs médicaux et donc des applications de la m-santé14.
Cadre réglementaire de la santé mobile : l’exemple européen
Selon l’OMS2 , en 2015, 80% des États de la région européenne avaient un cadre législatif assurant la confidentialité des données contenues dans les dossiers de santé électroniques (DSE) des patients. La mise en place d’un cadre réglementaire progresse rapidement et se renforce chaque année.
Au niveau de l’Union Européenne
Le livre vert de la commission européenne sur la santé mobile, publié en 2014, rappelait qu’il n’y a pas de « règle stricte relative à la distinction entre applis concernant le mode de vie et le bien-être et dispositifs médicaux ou de diagnostic in vitro 19 ». Ainsi les services de la Commission Européenne publient des orientations, régulièrement mises à jour, pour permettre aux fabricants de logiciels et aux développeurs de déterminer « si leurs produits relèvent ou pas de la directive sur les dispositifs médicaux20 ou de la directive sur les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro »
21. Ces deux directives, sur les dispositifs médicaux (93/42 / CEE) et sur les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (98/79 / CEE) ont été abrogées et remplacées le 5 avril 2017 par un règlement européen sur les dispositifs médicaux22.
Cette réglementation européenne définit clairement à partir de quel moment une application devient un dispositif médical et ce que cela implique pour son fabricant. Les applications de santé mobile peuvent être considérées comme un dispositif médical lorsqu’elles ont une finalité médicale démontrée. La mise sur le marché européen d’un dispositif médical est subordonnée à l’obtention du marquage CE du produit, attestant la conformité aux exigences décrites dans les directives européennes. La réglementation européenne définit le cadre lié au traitement et à l’utilisation des données de santé pour assurer la protection du patient. Ainsi, le nouveau Règlement européen sur la protection des données personnelles (RGPD) entrera en application le 25 mai 201823 pour toutes les entreprises de l’UE.
Le cadre réglementaire de la santé mobile dans les systèmes de soins moins avancés : l’exemple africain
Dans les systèmes de santé moins avancés, la réglementation des applications de santé mobile est souvent très immature. Les pays appliquent aux nouveaux services de la santé mobile, des normes déjà existantes pour d’autres types de services de santé, notamment celles des dispositifs médicaux. D’autres pays s’inspirent des réglementations américaines et européennes, déjà abordées, pour construire leur propre réglementation.
Une étude menée par la GSMA a abouti à la publication d’un rapport qui donne un aperçu de la réglementation de la santé mobile en Afrique en 201528. L’objectif du rapport de la GSMA était de fournir « un aperçu des dispositions légales contenues dans les cadres juridiques existants qui peuvent avoir un impact direct sur les initiatives de santé mobile ». 14 thèmes pondérés ont été explorés dans cette étude : la stratégie en matière de cybersanté du pays (10%) ; sa mise en œuvre (5%) ; l’existence d’e-consulting, e-diagnostic, e-conseil, e-prescription, edispensing (5%) ; l’existence de mécanismes de gouvernance et de politique en place aux niveaux national, régional et / ou local pour assurer la mise en œuvre, le soutien et le suivi de la stratégie de cybersanté (2%) ; l’existence d’e-transactions et d’une législation de signature électronique (10%) ; la protection du consommateur (5%), organisme de réglementation de la cybersanté (5%), l’existence d’une e-législation(10%) ; des restrictions sur les données sensibles (3%) ; la législation sur la protection des données prévoit des normes minimales de collecte équitable et légale (5%) ; les codes de pratique ou lignes directrices en matière de cybersanté ou de télémédecine en place (5%) ; une limitation de la responsabilité du fournisseur de services (10%) ; une restriction sur les transferts de données offshore (5%) ; une législation applicable en matière de protection des données (20%).