Etude de l’émission prompte des sursauts gamma : Expérience HETE-2
Les câbles électriques sous-marins et leurs émissions
Les généralités techniques
Jusqu’à présent, la présence de conducteurs électriques était rare en milieu marin et principalement liée au trafic maritime (p.ex. équipement électrique des navires) et à la télécommunication (Otremba et al., 2019). Toutefois, la progression récente des installations offshores entraine une hausse du nombre de câbles électriques sous-marins (abrév. CES). En outre, la mise en place d’interconnexions électriques entre les pays s’intensifie afin de promouvoir la production et l’utilisation généralisée des énergies renouvelables et de permettre plus de « souplesse » au réseau électrique (Rte, 2019). Les fonctionnalités des CES sont variées et intègrent : l’alimentation en électricité d’îles, de plateformes pétrolières, d’observatoires sous-marins ainsi que le transport de l’électricité produite par les EMR et le support des connexions entre les états voisins, ces deux dernières étant associées aux courants électriques les plus forts (Worzyk, 2009 ; Taormina et al., 2018). Bien que les câbles de télécommunication soient dominants, leur tension électrique est jusqu’à 50 fois inférieure à celle CES2 (Meiβner et al., 2006 ; Ardelean et Minnebo, 2015; Kavet et al., 2016). Les CES peuvent transmettre du courant alternatif (abrév. AC) ou du courant continu (abrév. DC) selon la fonction, la puissance 2 La tension électrique totale associée à un câble de télécommunication transatlantique de 7500 km, équipé de 100 répéteurs pour le maintien du signal optique, est d’environ 10 kV contre plus de 500 kV pour les câbles électriques. Introduction Générale | PARTIE 1 | Vers un système énergétique durable : le potentiel des énergies marines Page| 16 et la longueur de la ligne de transmission ainsi que les budgets à disposition. La plupart du temps, les câbles à courant AC constituent l’option la plus pratique et économique pour les distances inférieures à 50 km (Wei et al., 2017). Plus onéreuse, la transmission DC est donc privilégiée pour des distances et tensions électriques supérieures mais requiert l’installation de station de conversion DC vers AC pour la liaison au réseau électrique terrestre. Il existe trois types de câbles définis selon leur nombre de conducteurs, monophasés, biphasés et triphasés; et leur tension (HV pour « high-voltage » en anglais, MV pour « medium voltage » et LV pour « low-voltage »). En général, les câbles mesurent ~ 30 cm de diamètre, pèsent environ 120 kg par mètre et sont constitués d’une succession de couches isolantes et d’une armature métallique assurant une protection mécanique (Figure 4). À de rares exceptions près, les câbles ne dépassent pas 300 km de long et sont situés dans les zones côtières jusqu’à la limite de la zone bathyale (< 500 m de profondeur) (Ardelean et Minnebo, 2015). Ces derniers peuvent être suspendus dans la colonne d’eau (appelés câbles dynamiques), enfouis dans le sédiment entre 0,3 à 3 m de profondeur, ou disposés à sa surface. Au sein des parcs éoliens en mer, les câbles sont nombreux et forment un réseau relativement complexe (Sun et al., 2012). Figure 4 | Schéma en vue de face d’une section d’un câble HVAC triphasé (Figure élaborée à partir des données du constructeur kvcable ; disponibles à https://kvcable.com/products/submarine-cable/)
L’exemple des parcs éoliens offshores
En règle générale, un parc éolien offshore comprend un système de production et un système de transmission de l’électricité (Wei et al., 2017) (Figure 5). Le système de production d’énergie est constitué de câbles inter-turbines (15,5 – 16,5 cm de diamètre) qui recueillent l’énergie de toutes les éoliennes. En mer d’Irlande, le plus grand parc éolien opérationnel de Walney extension, compte 87 éoliennes d’une puissance inférieure à 1000 V (p.ex. 690 ou 900 V) et couvre une superficie de 145 km² (Natural power, 2015). Les câbles de collecte amènent l’électricité de toutes les éoliennes dans une chaîne ascendante de transformateurs, où l’électricité est portée à des niveaux de moyenne tension (10 – 36 kV), puis de haute tension avant d’atteindre le point de collecte en mer. Les câbles internes (câbles inter-turbines et câbles collecteurs) sont généralement des câbles triphasés à courant alternatif de moyenne tension (10 – 36 kV) (Ardelean et Minnebo, 2015; Worzyk, 2009). Dans la mesure du possible, ils sont enfouis dans le sédiment (0,9 à 1,8 m de profondeur) et protégés par des tubes en « J » au niveau des fondations des sous-stations et des éoliennes (CMACS, 2003; CSA Ocean Sciences Inc. et Exponent, 2019; Natural power, 2015). Enfin, le système de transport de l’électricité est composé de câbles d’exportation (20 – 30 cm de diamètre), généralement de 138 à 230 kV, qui relient le point de collecte en mer à la côte (CSA Ocean Sciences Inc. et Exponent, 2019). Figure 5 | Réseaux de câbles sous-marins d’un champ éolien offshore (inspiré par https://www.rtefrance.com/projets/raccorder-les-energies-marines-renouvelables)
Les effets potentiels sur l’environnement marin
Au cours des phases d’installation et de démantèlement des câbles, des effets à courtterme localisés dans le temps et l’espace, peuvent être engendrés : perturbation des fonds marins par destruction directe ou modification des habitats benthiques (Dunham et al., 2015), remise en suspension du sédiment et d’éventuels polluants avec la formation de panaches turbides (Worzyk, 2009), ainsi qu’une augmentation du bruit sous-marin ambiant lors des travaux (Nedwell et Howell, 2004). Néanmoins, selon les études menées, ces effets de court-terme seraient relativement mineurs sur la structure et le fonctionnement des écosystèmes (Love et al., 2015). Durant la phase d’exploitation, les effets associés aux CES surviennent sur le long terme : hausse de la température en périphérie du câble (Emeana et al., 2016), émission de sons continus causés par les vibrations des câbles à haute tension (Meißner et al., 2006), introduction de substrat dur artificiel et risque d’effet récif (Encart 1) , restriction des activités de pêche le long du tracé du câble et potentiel effet réserve (Encart 1) (Lindeboom et al., 2011). Pour finir, les câbles génèrent des champs magnétiques et électriques circulaires et perpendiculaires à la direction du courant électrique (Gill et al., 2012) (Figure 6). À l’heure actuelle, la nature et l’ampleur de ces effets sont très insuffisamment étudiées. Taormina et al. (2018) ont notamment souligné l’état critique des connaissances inhérentes à l’introduction de champs magnétiques et électriques artificiels dans l’environnement marin. 4.4 |La notion physique des champs Les champs magnétiques et électriques sont des forces naturellement présentes en milieu marin. En physique, le champ décrit un espace dans lequel une force, générée par une source, interagit avec des objets aux propriétés définies. Dans le cas des champs électriques et magnétiques, les sources identifiées sont respectivement les charges électriques fixes et les charges électriques en mouvement, sur lesquelles les forces des champs vont s’exercer respectivement et réciproquement. En pratique, les champs électriques émanent de la tension électrique générée autour d’un corps conducteur et sont exprimés en volt par mètre (V. m-1 ), Figure 6 | Représentation des vecteurs du champ magnétique et du champélectrique induit produits autour d’un câble en fonctionnement (adapté de Orr, 2016). Introduction Générale | PARTIE 1 | Vers un système énergétique durable : le potentiel des énergies marines Page| 20 tandis que les champs magnétiques sont créés par un courant électrique et sont mesurés en micro-tesla (symbole µT). Chaque type de champ est caractérisé par un nombre d’oscillations par seconde que l’on appelle la fréquence, mesurée en hertz (symbole Hz). Son amplitude de variation est décrite par le spectre électromagnétique (Figure 7) et varie de zéro, dans le cas d’un champ statique (ou champ continu) qui est invariable dans le temps, jusqu’à des valeurs très élevées de l’ordre du Gigahertz dans le cas d’un champ alternatif. Les champs magnétiques et électriques naturels sont très peu énergétiques et appartiennent au domaine des très basses fréquences (0 – 300 Hz). Ils diminuent par ailleurs très fortement avec la distance à la source, selon des lois de décroissance variables. Pour des raisons physiques, inhérentes à leur longueur d’onde et leur fréquence, les champs électriques et magnétiques basse fréquence n’échangent pas d’énergie au cours du temps et ne forment donc pas de champs électromagnétiques (détails en Encart 2). Enfin, ces champs ont des interactions différentes avec l’environnement. Si le champ électrique est facilement stoppé par des matériaux conducteurs d’électricité (p.ex. bois, béton, métal), la situation est inverse pour le champ magnétique qui traverse la majorité des milieux sans atténuation. Il peut néanmoins être contenu par des éléments hautement conducteurs (p.ex. cuivre, aluminium) ou à forte perméabilité magnétique tels que le fer ou le cobalt.
INTRODUCTION GÉNÉRALE |