Les besoins des documents numériques dans l’enseignement supérieur et la recherche

Les usages et les besoins des documents numériques dans l’enseignement supérieur et la recherche

L’importance de la médiation humaine

Dans le domaine de la formation, de nombreux observateurs mettent en avant l’importance de la relation directe entre l’apprenant et le formateur. Le directeur du CNED met en garde contre ce qu’il appelle « le mirage des nouvelles technologies de l’information » : « la simple diffusion des connaissances ne constitue pas à elle seule un acte pédagogique » (Moreau, 1998). L’existence d’une relation humaine, même à distance, entre l’apprenant et le formateur est indispensable. La communication électronique doit pouvoir intégrer cette dimension humaine de l’interaction, ou se combiner avec elle. Notamment sur la formation à distance, on insiste sur la nécessité de dispositifs qui permettent, quand c’est nécessaire, le contact direct « humain » et pas seulement virtuel. Le modèle de l’enseignement à distance ne doit pas être celui d’une diffusion vers des individus isolés, sans autre contact que la connexion avec les cours électroniques, mais celui d’un apprentissage via les réseaux, mêlant la médiation virtuelle et la médiation humaine. De ce point de vue, Cronin préfère l’expression « apprentissage réparti » (distributed learning) aux traditionnels « éducation à distance » et « apprentissage basé sur le réseau », car elle renvoit mieux à l’ensemble du processus de formation, et met en avant l’aspect social et socialisant de la formation. En fait, les institutions cherchent à trouver une présence complémentaire dans l’émergence des marchés virtuels, par une combinaison des solutions technologiques et des processus pédagogiques. Les technologies de l’information permettent notamment le développement de l’enseignement assisté par l’ordinateur, et la mise en place de « cours électroniques » (electronic courseware). Mais ceux-ci doivent être accompagnés d’une assistance sur place ou en ligne (JISC, 1995).La nécessité de coupler les services à distance à des prestations de proximité est aussi soulignée. Le problème des lieux de contact du public avec le réseau est une question décisive. Ces lieux doivent à la fois permettre l’utilisation sur place des médias à distance, et l’assistance méthodologique sur place. Perriault propose le concept de « maison du savoir », lieu d’accueil chaleureux, équipé en médias accessibles à distance, avec la présence en permanence d’une personne ressource, et offrant toutes les commodités quotidiennes (cafétéria, garderie, …), et bien sûr ouvert tard le soir. Ce concept s’inscrit dans les deux logiques de l’hybridation et de l’usage, « tentant de profiler le service localement fourni à la diversité des besoins latents et exprimés ». Cette approche s’oppose à la vision d’un développement des technologies de l’information fondé quasi exclusivement sur un usage domestique des autoroutes du savoir. Pour les bibliothèques, il s’agit aussi d’un problème crucial. On a déjà indiqué précédemment que le rôle de conseil et d’assistance devenait un axe essentiel de développement pour les bibliothécaires. La médiation virtuelle / humaine intervient aussi à ce niveau. L’introduction des nouvelles technologies de l’information dans les bibliothèques, a entraîné ce qu’on a appelé la désintermédiation, c’est-à-dire l’élimination de la médiation du professionnel de l’information, puisque le réseau permet de mettre en contact direct le producteur de l’information et son utilisateur. Plusieurs facteurs ont contribué à ce phénomène : la délocalisation des usagers, qui ont désormais accès au réseau sans passer par la bibliothèque ; la décentralisation des ressources documentaires accessibles par les réseaux, la bibliothèque n’étant plus la seule source d’information scientifique et technique ; la tendance à l’autonomie des chercheurs, séduits par ce nouvel outil. Il s’est cependant avéré que cette autonomie était une illusion : l’utilisateur du réseau est saturé d’information ; la recherche documentaire est longue et fastidieuse ; les informations pas forcément validées ; l’accès aux informations payantes plus onéreux. Après un engouement passager pour l’autonomie totale de l’usager, on assiste désormais à une ré-intermédiation, qui se traduit par la mise en place d’outils et de services électroniques à haute valeur ajoutée, qui répondent aux besoins de recherche documentaire et facilitent l’accès à l’information, permettant ainsi « la création d’une plus-value entre producteurs et consommateurs sur internet ». Dans le domaine de la recherche, les bibliothèques retrouvent là leur rôle de « régulateur de l’information au service de l’enseignement et de la recherche ». (Spoinden, 1998). Ce problème de l’interaction humaine se pose par exemple pour les services de référence. L’interaction humaine entre l’utilisateur et le bibliothécaire y est nécessaire pour que le service soit correctement rendu, malgré cette tendance à la dés-intermédiation. Les services de référence électroniques doivent combiner les technologies pour favoriser la dimension humaine de l’interaction, par exemple en concevant un modèle de service de référence électronique alliant vidéoconférences et messagerie électronique (Sloan, 1998).

Le problème de la formation des utilisateurs

La formation et l’information des utilisateurs sont très vite évoquées par nombre d’observateurs des évolutions des technologies de l’information. Tous évoquent d’abord la nécessité d’une maîtrise minimale des langages et des outils électroniques. La notion « d’alphabétisation médiatique », c’est-à-dire d’apprentissage des outils et de leur code, est présentée comme une nécessité absolue et un devoir actuel de l’école (Tardif, 1998, Cordier, 1999). Cette alphabétisation devrait être prioritaire, au même titre que l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. La maîtrise de l’information est à la fois une affaire de professionnalisme et de citoyenneté. Il faut donc donner à chaque individu le bagage suffisant pour être autonome dans la recherche et l’utilisation de l’information, le recours aux professionnels restant bien sûr souhaitable dans certains cas. De plus, se développe un besoin de formation continue à l’information, pour les professionnels en exercice, qui doivent être en permanence sensibilisés à certains aspects nouveaux de la gestion de l’information et des connaissances (intelligence économique, capitalisation des connaissances, propriété intellectuelle et droit de l’information, … ) (Michel, 1999).Un autre thème très développé est celui de la formation des enseignants, dont beaucoup regrettent, on l’a déjà dit, les réticences et parfois le conservatisme. Plusieurs études constatent que les enseignants ont encore des progrès à faire pour véritablement intégrer les technologies de l’information dans leurs pratiques pédagogiques. Il y a consensus sur le fait de dire que la formation à la recherche documentaire, notamment, est vraiment efficace au moment du besoin d’information, et que la participation des enseignants dans le processus est essentielle. Or, l’attitude des enseignants face à la sensibilisation et à l’enseignement est très variable et souvent inconsistante. L’observation des enseignants de deux universités canadiennes montre que les pratiques pédagogiques des enseignants pour développer les compétences informationnelles de leurs étudiants sont limitées. Une grande majorité des enseignants ne fait jamais appel aux services de formation de la bibliothèque pour les étudiants, malgré les efforts de promotion de cette dernière. Les assistants semblent également peu utilisés pour faire ce travail d’initiation à la bibliographie. Il ressort d’ailleurs une image assez négative des bibliothécaires de la part des enseignants. Une petite moitié cependant n’est pas opposée à une collaboration avec les bibliothécaires. La condition de la réussite d’une formation à la recherche documentaire et à l’exploitation des ressources d’information électroniques tient au fait qu’elle ne soit pas générique, mais ciblée et individualisée en fonction des enseignements, et centrée sur la pratique (Leckie, 1999).On constate aussi un manque de connaissance de la part des utilisateurs de ce qui est disponible. En particulier pour les enseignants, cette question de la connaissance des ressources devient cruciale, pour une véritable intégration des ressources et des services électroniques dans les processus pédagogiques. L’expérience montre que les actions traditionnelles de promotion, de même que l’organisation de sessions d’information formalisées, ne fonctionnent pas sur le public des enseignants. D’autres moyens de faire passer les messages sont donc à trouver (Van der Meer, 1997).

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Le problème de la disponibilité des outils technologiques et de l’adaptation des supports

Les différents développements qui précèdent, et qui mettent en avant l’utilisation par les acteurs de l’enseignement et de la recherche des ressources et des services électroniques, supposent un accès permanent à ceux-ci. Les apprenants doivent pouvoir avoir accès à l’ensemble de la panoplie des outils technologiques disponibles. D’autant plus que l’on sait que l’appropriation des technologies de l’information passe d’abord par leur usage régulier. Dans le domaine de l’éducation, les fonds destinés aux supports pédagogiques actuels devraient être transférés sur des achats technologiques. Tardif cite le Ministère de l’éducation du Texas qui indiquait, dès 1997, que, sur le long terme, il ne serait pas plus coûteux d’acheter un ordinateur pour chaque élève, plutôt que de payer l’ensemble du matériel scolaire traditionnel. Aux Etats-Unis, selon les résultats 1998 de l’enquête américaine « Campus computing survey », malgré l’envahissement progressif des universités par les technologies de l’information, les politiques institutionnelles restent encore largement à mettre en place. Seulement une petite moitié des universités américaines possède un plan stratégique d’intégration des technologies de l’information, plus de 60% n’ont pas de plan d’investissement. Seulement les 2/5 ont un programme pédagogique autour des technologies de l’information. Seulement les 2/5 également ont un plan pour l’intégration pédagogique d’internet, et moins d’un tiers a un programme d’intégration d’internet pour l’enseignement à distance.Plusieurs auteurs insistent aussi sur le délicat mariage entre les exigences de la pédagogie et celles de la conception de supports informatiques attractifs. L’ergonome cherche à limiter les efforts de l’utilisateur, mais le professeur cherche au contraire à susciter chez l’apprenant des efforts susceptibles de contribuer à la construction de son savoir (Choplin, 1999). Inversement, l’effort indispensable pour entrer dans l’outil informatique peut se réaliser au détriment de celui qui conduit à l’acquisition des connaissances (Seguy, 1999). Enfin, les cultures et exigences professionnelles des enseignants et des concepteurs d’outils peuvent entrer en contradiction (Laramée, 1999).

Le problème de l’hétérogénéité, de la quantité d’information et du manque de standardisation

Avec les technologies de l’information et le développement des réseaux, les utilisateurs sont confrontés à une masse d’information de toutes natures et de tous accès, qui devient très difficile à gérer. On a d’ailleurs déjà indiqué que les utilisateurs se plaignaient de ce manque de facilité et « d’ergonomie » du réseau et des ressources qu’il propose. L’harmonisation des systèmes de codage de l’information est un problème essentiel. De la même façon, les services électroniques fournis par les bibliothèques sont très hétérogènes dans leur accès, ce qui risque fort de décourager nombre d’utilisateurs encore insuffisamment rompus à l’informatique, et qui, du coup, ne retrouvent plus les règles traditionnelles d’accès et d’usage des services d’une bibliothèque. Il y a donc un grand besoin de standardisation des interfaces électroniques des bibliothèques, avec le développement d’interfaces uniques pour l’ensemble des services proposés (Van der Meer, 1997).

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