Les bases de la cosmologie moderne

Big-Bang et temps de Planck

Au sein de la communauté scientifique, l’hypothèse la plus communément acceptée est que l’histoire de l’univers commence par une singularité à t = 0. Cette singularité est nommée le Big-Bang. L’existence d’une telle singularité découle simplement de l’expansion de l’univers. Si l’univers est en expansion, c’est qu’il sera plus « grand » demain et qu’il a été plus petit hier, voir infiniment plus petit au début des temps. Ce modèle fut ironiquement désigné par ce terme en 1950 par Fred Hoyle, lui-même partisan des modèles stationnaires. L’existence d’une telle singularité et d’une expansion de l’univers fut intensivement discutée à cette époque. Albert Einstein lui-même avait rejeté cette idée et créé la constante cosmologique Λ pour contrebalancer l’expansion de l’univers. Il a reconnu son erreur quelques années plus tard en qualifiant ceci de « plus belle bêtise de sa vie ». A l’heure actuelle, les mesures des paramètres cosmologiques vont toutes dans le sens d’un univers en expansion accélérée.
La physique au moment de la singularité reste encore à l’heure actuelle un mystère.
En effet, à cette époque et à ces échelles quantiques, la théorie de la relativité ne s’applique plus. À cette âge, la gravitation, l’interaction forte, l’interaction faible, l’interaction électromagnétique ne formeraient qu’une seule et même super-force. Il nous faudrait donc créer une théorie permettant de réconcilier la théorie de la relativité générale avec la physique quantique. S’il existe un certain nombre de théories possibles, aucune d’elles n’a, jusqu’à présent, été totalement convaincante. C’est pourquoi notre connaissance est pour l’instant limitée au domaine de validité de la relativité générale. Le temps correspondant au début de cette validité est le temps Planck qui correspond à s. Avant le temps Planck, on s’attend à ce que ce soient les phénomènes quantiques qui dominent.
La détermination du temps Planck se fait en partant du principe d’incertitude de Heisenberg.

L’inflation, un ajout nécessaire

Les problèmes du modèle du Big-Bang Le modèle du Big-Bang s’est avéré être un modèle relativement robuste d’évolution de l’univers. Outre son existence d’un point vue logique considérant l’expansion actuelle de l’univers, un certain nombre de ces prédictions se sont révélées exactes, telles que l’abondance en éléments légers dans l’univers ou la température actuelle du fond diffus cosmologique. Néanmoins, il comporte encore un certain nombre de zones d’ombre dans ses toutes premières parties, en raison du manque d’informations sur la physique à ces échelles de température. Cependant, avec l’avancée de la physique, il est possible d’imaginer que ces problèmes se régleront. La découverte, au CERN en 2012, d’un boson pouvant être un boson de Higgs, va d’ailleurs dans ce sens.
Ceci mis à part, le modèle du Big-Bang présente une série de problèmes plus fondamentaux directement liés à sa formulation. Nous présentons deux des principaux problèmes du modèle ; celui de la formation des structures sera abordé dans le chapitre sur les amas et leur formation.

Le fond diffus cosmologique FDC

De sa prédiction à la mesure de sa température et de son spectre

L’existence et la température du fond diffus cosmologique furent prédites en 1948 respectivement par Gamow (voir Gamow (1948)) et Halpher et Herman (voir Alpher & Herman (1948)). Penzias et Wilson (Penzias & Wilson, 1965) découvrirent pour la première fois le fond diffus cosmologique en 1964. Dans les faits, ils percevaient dans leur antenne un bruit parasite identique dans toutes les directions. Après avoir accusé un certain nombre de phénomènes, y compris les pigeons, d’être responsables, c’est finalement Dicke et al. (voir Dicke et al. (1965)) qui identifia le bruit comme étant le fond diffus cosmologique à 3.5 ± 1 K. Cette température peut être définie comme la température moyenne du ciel.
La première mesure du spectre de corps noir du FDC fut effectuée en 1997 par le satellite COBE à l’aide de l’instrument FIRAS (voir Smoot (1997)). Ce résultat était attendu dans la mesure où le rayonnement est thermalisé grâce à l’interaction avec les photons, ce qui amène le FDC à avoir un spectre de corps noir. La température mesurée était alors de 2.725 ± 0.001 K.

Le dipôle du FDC

Le mouvement de la terre pour une expérience terrestre, ou du satellite dans le référentiel propre comobile du FDC, induit un dipôle dans le fond diffus cosmologique ; une moitié du ciel est légèrement plus chaude que la seconde moitié. Ce dipôle est communément interprété comme d’origine cinétique et il est alors dû à un effet Doppler. Il aurait pu être d’origine cosmologique, mais il aurait été alors beaucoup plus faible. Le satellite WMAP5 donne une mesure du dipôle cosmologique égal à (d, l, b) = (3.355 ± 0.008 mK, 263.99 ◦ ± 0.14 ◦ , 48.26 ◦ ± 0.03◦) (Hinshaw et al. (2009)) en coordonnéesgalactiques (voir figure 1.6).

Les anisotropies du FDC

Une fois les soustractions du dipôle et du monopôle des cartes du FDC effectuées, il reste toujours des petites fluctuations du fond diffus cosmologique par rapport à zéro. Ces fluctuations nommées anisotropies du FDC ont une amplitude relative de ∼ 10 −5 , c’est-àdire environ 30 µK. Le spectre de puissance prédit des anisotropies du FDC est donné dans la figure 1.7. Il est composé de plusieurs parties. L’étude exacte de ces anisotropies a été intensivement décrite dans la littérature. Ce sujet n’étant pas directement lié au contenu de ma thèse, nous n’en donnerons ici qu’une brève description. L’ensemble de ces anisotropies est dû à des modes de perturbations de densité avant le découplage photon-matière.

Mesures des paramètres à partir du fond diffus cosmologique

L’outil le plus performant permettant la mesure des paramètres cosmologique est le spectre de puissance des anisotropies du FDC. Entre autres, la position du premier pic permet de mesurer une combinaison de plusieurs paramètres dont ΩT et h. L’amplitude relative des pics acoustiques impairs par rapport aux pics acoustiques pairs permet de mesurer la densité baryonique physique Ωb h 2 . La constante cosmologique ΩΛ quant à elle peut être mesurée à partir de la comparaison de la hauteur du pic acoustique par rapport au plateau de Sachs-Wolfe. Les petites échelles permettent de mesurer l’indice spectral ns. Plus ns est grand, plus la puissance des petites échelles sera importante.
En fait, concrètement, on mesure le spectre des anisotropies, puis on essaye de trouver la combinaison de paramètres qui permet de recréer un spectre de puissance s’ajustant au mieux aux points de mesures. La figure 1.8 présente le spectre de puissance tel que mesuré par le satellite Planck(X. V. I. Planck Collaboration, 2013). Le meilleur ajustement du modèle sur le spectre de puissance est la courbe rouge. Cette mesure du spectre de puissance du fond diffus cosmologique est la plus précise jamais mesurée sur l’ensemble des multipôles.

Les amas de galaxies

Les amas de galaxies sont les plus grosses structures de l’univers. Ils sont donc des traceurs importants de la matière et de l’évolution des structures. Leur étude constitue une possibilité pour contraindre les paramètres cosmologiques, alternative et complémentaire de l’étude du fond diffus cosmologique. Dans cette partie, nous aborderons tout d’abord la formation des amas de galaxies, puis nous en donnerons une modélisation. Nous définirons ensuite les différents types de mouvements et de vitesses étudiés des amas de galaxies. Dans la quatrième partie, nous parlerons des effets Sunyaev Zel’dovitch.

Des fluctuations primordiales à la formation des structures

Dans le chapitre précédent, nous nous sommes basés sur le principe cosmologique pour décrire notre univers comme homogène et isotrope. Si cette approximation est vraie aux échelles supérieures à 100 Mpc, elle est fausse aux petites échelles. A ces échelles, l’univers présente diverses structures, des étoiles jusqu’aux galaxies, amas de galaxies, voire même super-amas. Dans les années 1980, il a été postulé que la formation de ces structures serait due à l’effondrement gravitationnel des fluctuations de densité dans un fluide sans pression (voir Peebles (1982); Blumenthal et al. (1984); Davis et al. (1992)). Dans cette partie, nous verrons les différents mécanismes capables de mener à la formation des structures et, en particulier, ceux responsables de la formation des amas de galaxies. Nous n’aborderons icique le point de vue théorique, les simulations à N corps n’étant pas l’objet de cette thèse.

Les fluctuations de densité

Dans le chapitre précédent, nous nous sommes intéressés uniquement à un univers homogène et isotrope décrit par la métrique de Friedmann-Lemaître. Dans cette partie, nous nous intéresserons aux univers proches de ceux de Friedmann-Lemaître, de façon à comprendre la formation des grandes structures par le mécanisme effondrement gravitationnelle dans un univers en expansion.
Nous développerons ici l’approche newtonienne de l’évolution des perturbations et non relativiste dans un fluide initialement homogène. Cette approche newtonienne est suffisante pour décrire l’évolution des perturbations pendant l’ère de la matière qui nous préoccupe ici. Néanmoins, elle est fausse pour décrire les structures à petites échelles, ainsi que pour les très grandes échelles, pour lesquelles il faudra absolument passer par une simulation numérique et des calculs non linéaires.

Qu’est-ce qu’un amas de galaxies ?

Les amas de galaxies sont les plus gros objets gravitationnellement liés connus. Si leurs premières observations datent du XVIII ème avec Charles Messier et Wilhem Hershel, qui parlaient à l’époque de nébuleuse, ce n’est en fait qu’au XX ème qu’ont réellement commencé les observations de ces objets. En effet, ce n’est qu’à cette époque, grâce à la découverte du décalage vers le rouge par Edwin Hubble, qu’on commence à identifier les galaxies comme des éléments extérieurs à notre Voie Lactée. Une approche épistémologique de l’histoire de l’observation des amas de galaxies du XVIII ème jusqu’au XX ème siècle a été écrite par Biviano (voir Biviano (2000)).
Dans cette partie, nous aborderons tout d’abord, au travers des observations, un certain nombre de caractéristiques des amas de galaxies. Puis, nous aborderons le profil des amas de galaxies, et enfin les lois d’échelles qui lient les différentes caractéristiques d’un amas.

Caractéristiques physiques

C’est dans le visible et dans les années 1930 que commencent les premières études ponctuelles d’amas de galaxies. Les amas de galaxies apparaissent alors comme des surdensités de galaxies, dont on confirmera ensuite l’existence en trouvant plusieurs galaxies au même décalage vers le rouge. A cette époque, les amas permettent la mise en évidence de la présence d’une masse manquante en leur sein, masse manquante qu’on appellera plus tard la matière noire. En1933, Zwiky prouva que la masse de l’amas Coma, mesurée à l’aide de la dispersion de vitesse des galaxies qu’il contient, est plus importante que la masse totale des galaxies contenues. Ce fait est synthétisé dans le rapport masse sur luminosité : M/L ≈ 300h. Les études actuelles de ce rapport pour Coma donne des résultats similaires de l’ordre d’environ 351h.
Ces premières études optiques ont permis d’établir les premiers catalogues d’amas de galaxies. Le premier a été établi en 1958 par Georges Abell (Abell (1958)) et contenait 2712 amas ; il fut ensuite corrigé et enrichi en 1989 par 1361 autres amas venant de l’Hémisphère Sud. Ces premières études, ainsi que celles qui suivront, en particulier en X, ont permis de mettre à jour un certain nombre de caractéristiques des amas de galaxies.

Table des matières

Introduction 
1 Le modèle standard de la cosmologie 
1.1 Les bases de la cosmologie moderne
1.1.1 La relativité générale
1.1.2 Le principe cosmologique
1.1.3 La métrique de Robertson-Walker ou Friedmann-Lemaître
1.1.4 Quelques propriétés découlant de la métrique
1.1.5 Tenseur énergie-impulsion et équation de Friedmann
1.1.6 Equation d’état
1.2 L’histoire de l’univers primordial
1.2.1 Différentes ères de domination
1.2.2 Big-Bang et temps de Planck
1.2.3 Histoire thermique de l’univers
1.2.4 L’inflation, un ajout nécessaire
1.3 Le fond diffus cosmologique FDC
1.3.1 De sa prédiction à la mesure de sa température et de son spectre
1.3.2 Le dipôle du FDC
1.3.3 Les anisotropies du FDC
1.4 Les mesures des paramètres cosmologiques
1.4.1 Différents paramètres cosmologiques
1.4.2 Mesures des paramètres à partir du fond diffus cosmologique
1.4.3 Mesures des distances grâce aux supernovae
1.4.4 Mesures des distances grâce aux Oscillations Accoustiques Baryoniques
1.4.5 Mesures des contraintes grâce aux amas de galaxies et à l’effet de lentille gravitationnelle
1.4.6 Résultats combinés
2 Les amas de galaxies 
2.1 Des fluctuations primordiales à la formation des structures
2.1.1 Les fluctuations de densité
2.1.2 Le spectre de puissance
2.1.3 La formation des amas de galaxies
2.2 Qu’est-ce qu’un amas de galaxies ?
2.2.1 Caractéristiques physiques
2.2.2 Lois d’échelle
2.2.3 Le profil des amas
2.3 Amas et mouvement
2.3.1 La vitesse propre des amas de galaxies
2.3.2 Le dipôle des amas
2.3.3 Les paires de halos de galaxies
2.4 Les effets Sunyaev-Zel’dovitch
2.4.1 L’effet SZ thermique
2.4.2 L’effet SZ cinétique
2.4.3 L’effet SZ polarisé
2.5 Bref historique des mesures de l’effet SZ
3 Les données 
3.1 Le satellite Planck
3.1.1 Le satellite : ses dates
3.1.2 LFI
3.1.3 HFI
3.2 Les cartes Planck
3.2.1 Les différentes composantes des cartes
3.2.2 La carte NILC
3.3 Les simulations
3.3.1 Le Planck Sky Model
3.3.2 Elaboration des simulations
3.4 Les catalogues
3.4.1 Le catalogue MCXC
3.4.2 Le catalogue MaxBCG
3.4.3 Le catalogue XMMESZ
3.4.4 Le catalogue LBG
4 Méthode d’extraction des vitesses d’amas de galaxies 
4.1 Les grandes méthodes possibles d’extraction du signal
4.2 Préparation des cartes aux filtres adaptés
4.3 Le filtre adapté monofréquentiel
4.3.1 Présentation générale
4.3.2 Application aux effets SZ
4.4 Les filtres adaptés multifréquentiels
4.4.1 Présentation générale
4.4.2 SZT biaisé
4.4.3 SZC biaisé
4.4.4 SZC non biaisé
4.5 Les paires de halos de galaxies
5 Mesure et analyse des vitesses des amas de galaxies 
5.1 Catalogues et simulations
5.2 Etude des erreurs
5.2.1 Simulation, catalogue et outil utilisé
5.2.2 Erreurs statistiques
5.2.3 Erreurs systématiques
5.3 Mesures des vitesses individuelles
5.3.1 Mesures obtenues à partir des simulations
5.3.2 Mesures obtenues à partir des données
5.3.3 Réflexion sur les mesures à 3σ
5.4 Analyse statistique
5.4.1 Etude de la moyenne
5.4.2 Etude de la variance
5.4.3 Utilisation des signes dans l’étude de la variance
5.4.4 Dipôle des amas de galaxies
5.5 Conclusion
6 Etude des paires de halos de galaxies 
6.1 Simulations et catalogue
6.1.1 Catalogue et masque
6.1.2 Simulation « toy model », présentation et résultats
6.1.3 Simulation avec distribution de masse réaliste
6.1.4 Simulation avec amas et position réaliste
6.2 Analyse des données
6.2.1 Mesure du moment moyen des paires avec un filtre monofréquentiel
6.2.2 Mesure du moment moyen des paires avec un filtre multifréquentiel
6.3 Conclusion et discussion
7 Etude de l’effet SZT relativiste 
7.1 Catalogue et procédure
7.2 Impact de la correction relativiste sur les flux SZ thermiques
7.2.1 Spectre relativiste moyen
7.2.2 Contamination du signal
7.2.3 Etude du résidu
7.2.4 Etude du χ2
7.3 Comparaison entre le flux X et le flux SZ
7.4 Mesure de la température par l’effet SZT relativiste
7.5 Impact de la correction relativiste sur la mesure de l’effet SZC
7.6 Conclusion
Conclusion 
A Dérivation de l’effet SZ thermique à partir des équations de Kompaneets1
B Dérivation de l’effet SZ cinétique à partir des équations de Kompaneets
C Correction relativiste de l’effet SZ thermique
Table des figures 
Liste des tableaux 
Bibliographie

projet fin d'etude

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