Les associations sportives et culturelles (a.s.c.) à SAINT-LOUIS

De 1970 à nos jours (2011)

L’année 1970 est une référence pour bien aborder la question d’organisation du territoire des A.S.C. dans les quatre quartiers parce que les deux A.S.C. les plus anciennes sont créées pendant cette année. Il s’agit d’Stade de Pikine et du FC Nord. Mais en 1971, l’A.S.C. Rakkadiou vient fractionner le territoire de FC Nord. C’est de là que commencent les tiraillements à l’intérieur d’un quartier. Dans l’ensemble des quartiers étudiés, les territoires des A.S.C. deviennent de plus en plus petits. Le tableau ci-dessous relatant la chronologie des A.S.C. dans les quartiers de 1970 à 2011 en est une illustration.
Le territoire des A.S.C. dans la ville de Saint-Louis n’est pas figé. En effet, il varie d’une année à une autre. L’exemple du tableau croisé de la création des A.S.C. dans la ville de Saint-Louis en est une illustration. Ce tableau ci-dessus montre que de 1970 à 1979, sur l’ensemble des quatre quartiers étudiés, l’occupation territoriale des A.S.C. a atteint le nombre de six. Les jeunes du quartier de Bango venaient jouer dans la ville de Saint-Louis et adhéraient à l’association de leur choix. Dés le début de la création des A.S.C. dans ces quartiers en 1970, chaque quartier correspondait à une A.S.C. On peut citer dans ce sens les A.S.C. du stade de Pikine, du FC Nord comme seules A.S.C. occupant tout le territoire de leurs quartiers respectifs.
Mais au fil des années, du fait des frustrations nées de la mauvaise gestion de l’organisation de communautaire de base, de l’augmentation conséquente de la population jeune à la demande de participation aux activités locales, de la dégradation des conditions de vie et l’accentuation de la pauvreté, de l’extension très rapide des quartiers surtout Pikine … la naissance des A.S.C. commence à s’y multiplier. C’est ainsi qu’entre 1980 et 1989 onze A.S.C. sont créées dans les quartiers de Pikine, de Nord, de Bango et de Ndioloféne. De même, on note la création de dix A.S.C. de 2000 à 2011 avec notamment cinq à Pikine, trois à Bango et deux l’une à Nord et l’autre à Ndioloféne. Le morcellement des territoires d’A.S.C. est devenu plus important pendant les périodes 1980-1989 et 2000-2011. A l’espace d’un intervalle de vingt ans, vingt et une A.S.C. sont créées dans les quatre quartiers. C’est ce qui donne en moyenne une A.S.C. par année.
Le quartier de Pikine, qui est le plus populaire de la ville, enregistre de 1990 à 2011 la création de onze A.S.C. C’est dans ce quartier que le dynamisme du contrôle territorial des A.S.C. estplus présent. Le chiffre record d’A.S.C. dans ce quartier de la ville de Saint-Louis nous prouve effectivement que la compétition territoriale de celles-ci est un phénomène quotidien et dynamique. Par conséquent, ce phénomène affecte l’organisation sociale sur l’occupation de l’espace à l’échelle des sous quartiers. C’est le cas des A.S.C. de Stade de Pikine (mère de toutes les A.S.C. du quartier) et de Pikine Centre qui inscrivent les messages d’informations montrant leur existence, leurs empreintes dans le territoire de chacun. A la même période Nord, Ndioloféne et Bango enregistrent sept A.S.C. On note une prolifération des A.S.C. dans la ville de Saint-Louis.
Cette création des A.S.C. dans les quartiers a été facilitée grâce au transfert des pouvoirs de compétences aux autorités locales. C’est pourquoi de 1970 à 2011, nous avons enregistré la création de 35 A.S.C. uniquement dans les quatre quartiers concernés. Cela est à l’origine des agissements et des méthodes conçus par les jeunes pour une organisation du territoire des A.S.C. Cette surcharge d’A.S.C. dans ces territoires fait que la vie quotidienne de celles-ci ne peut pas se dérober à un combat d’appropriation et à une compétition de contrôle de d’occupation d’entité. La création d’une A.S.C. est suivie d’une division territoriale. Avec de nouveaux acteurs, l’enjeu territorial s’intensifie actuellement. Il arrive qu’une ou plusieurs A.S.C. se localise dans un même sous quartier. L’exemple le plus frappant est le sous quartier de Pikine, le Bas-Sénégal dans lequel on a les A.S.C. de Ler Gui, de Nim Gui et de Bas- Sénégal. Alors, la concurrence territoriale des A.S.C. est née et devient de plus en plus permanente.

ORGANISATION DES A.S.C. DANS LA VILLE DE SAINT-LOUIS

Comme toutes structure fédérative, les A.S.C. obéissent à certaines normes d’organisation interne qui porte le charme de la dynamique du contrôle territorial. Dans la ville de Saint- Louis, cette tendance s’est manifestée dans tous les quartiers et a soulevé d’importants enjeux sociaux et territoriaux.

Les enjeux sociaux

Le sentiment d’appartenance des membres de l’A.S.C. dans un quartier ou dans un sous quartier les inscrit sur l’étendue du territoire de celle. L’indentification territoriale se fait sentir dans toutes les A.S.C. des quatre quartiers de Saint-Louis notamment Nord, Ndioloféne, Pikine et Bango. Ce sentiment se manifeste lors des activités ou des exercices collectifs de l’A.S.C. : les investissements humains communément appelés « set-setal » ; par la participation aux dons à la mosquée : des nattes, des dattes pendant le ramadan par exemple ; les remblayages des rues inondées (l’exemple du sous quartier de Gorée à travers son A.S.C. à Ndioloféne) ; le reboisement, la défense des couleurs de l’A.S.C. lors des compétitions… Le territoire du sous quartier, confondu avec les limites territoriales de l’A.S.C., est un fait entretenu par les membres de l’association en particulier les jeunes. A ce titre, les exemples les plus frappants sont les A.S.C. de Lappu Nder, Gorée …
Toutefois des familles sous forme d’îlots à l’intérieur d’un territoire d’une association peuvent appartenir à une autre A.S.C. logeant d’ailleurs. L’adhésion à une A.S.C. d’un quartier se fait de façon libre et volontaire. C’est pour quoi on peut évoquer par exemple la marraine de l’A.S.C. Fagaru (2001) qui habite à Ndioloféne (où se situe le territoire de l’A.S.C. Ndiolofène) mais ne participe qu’aux activités de l’A.S.C. Fagaru. Il en est de même pour le président et le gardien de cette même association. On peut aussi citer dans ce sens ce qu’une de nos enquêtées nous a confiée :

Enjeux territoriaux

Le territoire peut être défini comme un espace géographique transformé par les populations qui y habitent. Dans cette organisation des A.S.C. dans la ville de Saint-Louis, il est considéré comme une forme d’appropriation et d’identité culturelle des personnes qui l’habitent. Elles ont une emprise sur sa gestion ou encore des représentations qu’elles en font du territoire Lors de notre visite de terrain dans quelques quartiers (Nord, Ndiolofène, Pikine et Bango) à Saint-Louis, nous avons pu dénombrer plusieurs A.S.C. La formation d’une A.S.C. commence par une association à petite échelle et le plus souvent des jeunes de même génération dans un but bien précis pour une participation collective au développement socioculturel de son espace de vie. C’est le cas par exemple des associations qui ont la vocation première d’organiser des manifestations sportives et culturelles. Les A.S.C. regroupent tous les jeunes, voir même les moins jeunes, appartenant à un même quartier ou à un sous quartier.
Le contrôle territorial constitue un véritable enjeu entre deux ou plusieurs A.S.C. du même quartier ou du même sous quartier. La concurrence du contrôle territorial est permanente dans les activités associatives pendant les navétanes. Les quartiers vivent de l’ambiance émanant des A.S.C. à travers les comportements des individus et de leurs actions, les manifestations pour la bonne marche des activités de l’A.S.C. sur son territoire.
L’ancrage des A.S.C. dans les activités quotidiennes des individus nous fait dire que les limites des quartiers ou des sous quartiers se fait à l’aide de ces identifications. De ce fait, la nomination d’un quartier (par référence à une A.S.C. par exemple) ne reflète pas la réalité des nominations officielles des quartiers puisque les limites ne semblent pas être confondues.
Chaque A.S.C. a un territoire qui lui est propre.
Toutefois, toutes les limites entre les A.S.C. ne sont pas discernables c’est-à-dire qu’elles ne sont pas toujours visibles et claires sauf lorsqu’il s’agit d’une Avenue, d’une Artère, d’une grande route. On peut citer la route Coumba Dieng qui sépare les territoires des A.S.C. de Cité Niakh et Les Guelewars à Ndioloféne.
Elles sont ‘’floues’’ lorsqu’une ou des maisons constituent la ‘’borne frontière’’ entre les territoires des A.S.C. C’est le lieu de noter les territoires des A.S.C. de Nim Gui et de Ler Gui à Pikine. Il faut ajouter que malgré cette séparation difficile des limites territoriales, sources d’opposition entre les A.S.C., les populations savent les identifier.
Les populations d’un quartier donné pensent que le fait de voir inscrits les graffitis d’une A.S.C. adverse ou rivale sur l’aire d’appropriation d’une autre est un signe de provocation et une domination territoriale manifestée ou de l’effacement et voire de l’absorption alors qu’elle existe. Dés lors, les populations se livrent à une bataille psychologique et un trafic d’influence dans les quartiers. Chaque groupe membre d’une A.S.C. se lance dans une campagne consciemment ou inconsciemment. Nous constatons que les rapports sociaux se projettent dans un territoire. De ces rapports, est née cette appartenance territoriale qui anime les individus et se manifestant sous diverses formes. Ainsi, le marquage du territoire au nom de l’A.S.C. peut se faire par des décorations et des guirlandes à travers les rues. En effet, on peut lire cette image :
Ce sont des inscriptions territoriales des supporters pour marquer leur appartenance à l’A.S.C. et même au territoire. Elles nous informent sur l’attachement des jeunes à travers ces expressions en wolof ci-dessus : ‘’Dor Dorate’’ en faisant allusion à tous leurs adversaires. ‘’Dor dorte’’ signifie frapper et frapper encore frapper ou battre et encore battre, dans le sens de gagner son adversaire. D’après des informations obtenues lors de nos enquêtes de terrain, ce sont les jeunes membres d’une association qui sont des auteurs de ces marquages sur leur territoire. Cela peut aussi être l’oeuvre du comité des supporters, qui à chaque approche du match capital (finale ou demi-finale) s’active à animer le quartier par la distribution des teeshirts, des casquettes ou bien par l’écriture des slogans de l’équipe sur les murs.
Il y’a aussi des expressions comme ‘’Boulko lal Boulko diegge !!!’’. Quant cette formule, elle veut dire littéralement ne la touche pas et ne l’approche pas évidement à l’A.S.C. C’est une manière d’assure la protection et la sécurité de l’équipe, des joueurs, et du quartier en général.
C’est donc une sorte de mise en garde à l’endroit des adversaires.

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REPARTITION DES ASSOCIATIONS SPORTIVES ET CULTURELLES DANS LES QUATRE QUARTIERS ETUDIES : NORD, NDIOLOFENE, PIKINE ET BANGO.

Contrairement à la localisation des A.S.C. sur le territoire du quartier de Pikine, à Nord, les A.S.C. sont localisées entre les rues. Les dénominations de sous quartiers comme Bop Bara, Kanda,… à Bango ou de Bas-Sénégal, Pikine Sor Diagne,… à Pikine et de Senefobougou, Gorée, …à Ndioloféne correspondant à une ou plusieurs A.S.C. n’existent pas dans ce quartier de Nord.
Les territoires des A.S.C. portent et sont limités plutôt par des rues. Par exemple l’A.S.C. Manko se situe entre les rues de Abdoulaye et la rue Blaise Diagne, de même Rakkadiou entre les rues Mange, Khalifa Ababacar Sy et Pierre Loti ; Gouney Mar, occupant une portion de territoire entre les rues Khalifa Ababacar Sy, Pierre Loti et Aynini Fall. Cela s’explique par le fait que l’Ile est le site historique de l’installation des populations dans la ville de Saint-Louis pendant la colonisation et les plans d’urbanisations datent de cette période. L’expansion territoriale dans le Nord n’est plus possible parce que l’espace est saturé. En comparaison avec le quartier Sud qui enregistre seulement trois A.S.C. (Cosmos, Ker Thiane et Yone Wi), la compétition et le morcellement du territoire de Nord est plus important par les A.S.C.
Avec l’éclatement de l’Union de Ndioloféne, les premières A.S.C. du quartier de Ndioloéfene ont commencé à voir le jour. C’est le cas d’abord ‘’Des Guelewars’’ ensuite de Ndioloféne.
Les A.S.C. situées dans le Ndioloféne Sud sont : Les Guelewars, Cité Niakh et Bidew. Et, pour ce qui concerne Ndioloféne Nord, ce sont Ndioloféne, Gorée, Fagaru et Senefo. L’enjeu territorial est plus important au Nord qu’au Sud. Cela s’explique non seulement par la plus forte présence d’A.S.C. au Nord mais également par la séparation territoriale nette entre les A.S.C. Les Guelewars et Cité Niakh par la route Comba Dieng dans le sens Est-Ouest. Contrairement au quartier de Bango, à Ndioloféne les territoires des A.S.C. ne correspondent tous à des noms de sous quartiers. Il n’y a que les A.S.C. de Senefo, de Cité Niakh et de Gorée qui se trouvent dans des sous quartiers qui portent des noms suivants : Senefobougou, de Cité Niakh et de Gorée. Cependant, les populations de Ndioloféne pour localiser les territoires des autres A.S.C. notamment Les Guelewars, Ndioloféne, Bidew et Fagaru, parlent de ‘’Kogne’’. Ces A.S.C. ne sont pas faciles à délimiter sur le territoire. C’est là que l’enjeu territorial est plus important du fait des limites territoriales floues parce que les A.S.C. comme Bidew, Fagaru sont issues de Ndioloféne à la suite des frustrations nées au sein des membres de l’association. De même, l’A.S.C. Senefo, malgré qu’elle correspond à un sous quartier Senefobougou, ces limites territoriales ne font pas l’unanimité à Ndioloféne. Elle est aussi créée à partir de l’A.S.C. Ndioloféne.
Le quartier de Pikine enregistre le plus grand nombre d’A.S.C. dans la ville de Saint-Louis.
Toutes les A.S.C. de Pikine se localisent dans les quartiers de Pikine 1, 2 et 3. Il s’agit cinq A.S.C. qui partagent le territoire de quartier de Pikine 1, six à Pikine 2 et cinq à Pikine 3. Cela nous amène à dire que les territoires de ces quartiers sont densément occupés par les A.S.C. et que les problèmes d’appartenance à une association fait vivre les compétions territoriales. Par exemple, dans le sous quartier Bas Sénégal, on enregistre trois A.S.C. à savoir Nim Gui, Lergui et Bas-Sénégal (qui porte le nom du sous quartier). Il y’a également le territoire du sous quartier Pikine Sor Diagne où l’on a les A.S.C. Diappo et Méridien.
La compétition territoriale est importante entre Stade de Pikine (1970) et Pikine centre grâce non seulement de leurs frontières communes mais également à l’ancienneté de la première et du fait du réflexe identitaire qui sous-tend son dynamisme. Mais également, du fait de sa position centrale, l’A.S.C. Pikine-Centre engendre des bagarres territoriales avec les autres A.S.C. surtout celles qui se trouvent dans le Bas-Sénégal. Les populations de Pikine donnent des noms de localisation aux A.S.C. à l’intérieur même des sous quartiers de Pikine 1, 2 et 3 pouvant correspondre à des sous quartiers. En ce sens, on peut citer par exemple Réveil à Fass Ngom, Pikine Diokkoul à Pikine Diokkoul, Daggou Dane à Gouye Mbargou, Walo à Tableau Walo, Gouye Seddley à Pikine Sor Dagga, … Le territoire de l’A.S.C. Diamano est partagé dans les quartiers de Pikine 1 et de Pikine 2.
Les habitants de Pikine utilisent le terme de ‘’kogne’’ pour désigner la localisation des A.S.C. C’est l’exemple de ‘’kogne’’ Milan où loge le Stade de Pikine. Il faut signaler qu’il y’a des A.S.C. dans le quartier de Pikine qui n’ont pas d’appellations des noms de sous quartiers connus à l’image des précédents noms. Il s’agit des A.S.C. de Deggo (entente), de Dioubo (faire la paix) et de Melakh Gui (cette éclaire).
En ce qui concerne les sous quartiers de Bop Bara et de la Cité Adama Diallo logeant l’A.S.C. Lappu Nder, les populations qui y habitent sont essentiellement des Peul. C’est une deuxième création d’A.S.C. après celle de Bango. Dés la création de l’A.S.C. Lappu Nder, les querelles territoriales et les tensions ont émaillées la vie des deux associations parce que l’A.S.C. naissante occupe un nouveau territoire approprié avec ses limites connues le plus souvent grâce aux adhérents, à partir du territoire de l’A.S.C. mère. Pour preuve, nous nous appuyons sur les propos recueillis auprès de notre enquêté Alassane KA (Jumeaux) membre fondateur de l’A.S.C. Lappu Nder : « un cas de réserve avait opposé les deux associations en 1998. Cette réserve était à notre faveur. Et cela, du fait que le marché se trouve dans le sous quartier de Bango barrage, nos femmes en s’y rendant, sont menacées verbalement et mêmes sont battues par les gens de l’A.S.C. Bango. Nous avons conseillé à celles-ci de ne pas s’y rendre. En ce moment, les femmes allaient faire leur marché en ville (le marché central de Saint-Louis). Il a fallu plusieurs interventions des vieux et des aînés pour calmer la situation afin d’éviter le pire ». A Bango, chaque A.S.C. s’identifie à un ou plusieurs noms de sous quartiers. C’est récemment dans les années 2000 que Sawaly, Aéroport et Flamengo sont créées. Le territoire des A.S.C. est ainsi subdivisé.

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