Une Association de l’ESS qu’est-ce que c’est ?
Une association de l’ESS est une association dont le modèle économique, basé sur la finalité sociale, est fondamentale. Cette finalité sociale est présente aussi bien dans la gestion de l’institution (ici une association), que dans les pratiques et le suivi des bénéficiaires. Il s’agira donc d’orienter toutes les démarches de cette association au service d’une cause qui est défendue.
Dans les pays de l’étude, Cameroun et Togo, les projets d’appui à l’économie sociale et solidaire ont un rôle régalien puisqu’ils assument des missions de service public que l’Etat n’est pas en capacité d’exercer pleinement.
Les associations de l’ESS en Afrique, quels liens avec la Cevaa ?
Dans l’ouvrage, « Charles Gide, Ethique protestante et solidarité économique », Frédéric Rognon montre avec force la place centrale de la vision chrétienne qui soustend toute la pensée de Gide et l’élaboration du concept de solidarité. De ses prédécesseurs, comme Charles Fourier, il retient le concept d’entraide ; il va plus loin en élaborant une théorie sur les solidarités, de fait, et de devoir ; « A ce niveau il faut distinguer deux types de solidarité sociale : une solidarité de fait et une solidarité de devoir (…) La conversion personnelle ne suffit pas aussi ils mettent l’accent sur l’action sociale ; la conversion spirituelle et l’action sociale doivent aller de pair. Le christianisme social est né en France en octobre 1888. » .
Les bases de la solidarité sont jetées. Les Eglises protestantes porteront dès lors, le souci de l’Autre pour un appui social et économique. Ainsi, les Eglises d’Afrique, membres de la Cevaa, sont très actives en matière de prise en charge des personnes fragilisées, et le travail qu’elles mènent s’intègre tout à fait dans les caractéristiques de l’ESS par des similitudes de fonctionnement.
L’autonomisation des femmes, qu’est-ce que cela veut dire ?
« Nous définissons l’autonomisation comme le processus complexe d’accession des femmes à une pleine participation à la vie civile, politique, sociale et économique, et à l’exercice des droits correspondants ».
Dans les Eglises africaines, qui sont le socle de l’étude, la place des femmes ne diffère pas de celle des hommes, en ce sens que le message évangélique véhiculé va dans le sens de l’égalité homme-femme ; en revanche, les sociétés dans lesquelles ces Eglises sont implantées, sont encore trop souvent machistes. Toutefois, cet état de fait diffère d’un endroit à l’autre, et dans un contexte social dégradé (crise économique), dans un contexte politique tendu (régime autoritaire…), la lutte pour la survie entraine des préjudices non négligeables pour les femmes. Je dirais que le clivage riche/pauvre est crucial pour cette question et qu’une femme éduquée, riche a à peu près les mêmes perspectives au Cameroun, au Togo ou en France. Par contre, l’écart est abyssal pour les femmes pauvres dans les pays en voie de développement ; Au Cameroun et au Togo, la conscience du besoin est recensée par les associations qui viennent en aide aux plus fragiles, mais la volonté politique est balbutiante ; toutefois nous verrons que la pandémie actuelle tend à rebattre les cartes.
Les Eglises de la Cevaa, tant au Cameroun, qu’au Togo, ont à cœur de redonner aux femmes la place qu’elles méritent, à savoir la codirection du foyer à égalité avec son mari, ou une pleine autonomie si elles sont célibataires. Plusieurs contextes pourraient être étudiés lorsque l’on parle de l’autonomisation des femmes en Afrique, néanmoins, dans ce texte, nous nous attacherons à décrire la situation des femmes bénéficiaires qui vivent dans des petites villes ou villages, en majorité très pauvres, démunies, et avec un bagage scolaire basique.
A travers les actions que nous menons, nous voulons accompagner les femmes pour qu’elles reprennent pleinement confiance en elle, dans leurs possibilités d’autonomisation, et qu’elles mettent sur pieds une activité, dans le but de ne dépendre financièrement que d’elles-mêmes. Si nous y parvenons, alors les femmes deviennent autonomes et ce faisant gagnent en estime de soi. Ce principe d’autonomisation des femmes passe par un appui protéiforme : appui financier pour lancer une activité, formation pratique, accompagnement personnalisé, solutions de garde pour les enfants… Nous verrons également que l’appui passe aussi par un ancrage territorial et social .
Quelles sont les Eglises en Afrique qui portent les projets ?
Il s’agit d’Eglises protestantes réformées. Le projet révolutionnaire, utopique, que porte la Cevaa, est de faire vivre toutes les Eglises membres (celles d’Europe, comme celles du reste du monde) sur un pied d’égalité, à travers une démocratie participative (une Eglise = une voix) et un partage des ressources de manière équitable (en fonction des besoins et non des contributions) pour mieux habiter le monde, comme le dit si bien, le théologien Pierre Gisel : « La première tâche et fonction de l’Eglise est, pour paraphraser Slavoj Zizek, de dire ce qui ne va pas dans le monde tel qu’il est, parce qu’elle a à restituer des questions décalantes, autres, hétérogènes, et les rendre fructueuses dans le monde et pour l’humain. En rigueur de termes, l’Eglise n’est pas appelée à apporter un –plus-, mais à faire voir le monde autrement. L’orienter autrement, ou en proposer une autre habitation, selon un ordre propre… ».
La Cevaa, depuis 2000, accompagne aussi les Eglises sur des projets de développement, dont l’autonomisation des femmes, à travers un partenariat financier avec le Huit pour Mille . De la conception du projet à la réalisation, l’Eglise locale est maître d’œuvre, la Cevaa se trouvant à la fois facilitatrice, accompagnatrice et évaluatrice. Un accent important est mis sur la nécessité d’impliquer les bénéficiaires dans le projet afin de pérenniser celui-ci. Le travail que nous menons actuellement est d’interroger nos pratiques et donc de proposer une meilleure façon d’accompagner cette autonomisation.
Objectif de Développement Durable 5 : Parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes
La Communauté internationale, s’est engagée en 2015 à mener des politiques publiques contribuant à l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD), une série de 17 objectifs transversaux pour améliorer le sort des individus et de la planète selon des indicateurs chiffrés, ce, tant à l’échelle domestique qu’à l’international. Cet objectif de développement durable, contenu dans l’agenda 2030, montre à quel point le conceptmême d’égalité est un but non atteint. De quoi parle-t on ? L’égalité des sexes c’est le principe selon lequel femmes et hommes doivent être traités de la même manière, avec la même dignité, les mêmes droits, sans que leur sexe social (le genre) ne puisse leur imposer des rôles particuliers auxquels elles/ils devraient, obligatoirement se conformer. La construction des genres, en opposition, produit des relations asymétriques et des rapports de domination entre femmes et hommes favorisant l’émergence de stéréotypes de genre soit : « des représentations schématiques et globalisantes sur ce que sont et ne sont pas les filles et les garçons, les femmes et les hommes ». (Définition du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, France). Les organisations qui travaillent en Afrique doivent particulièrement être attentives à la problématique du genre, car les femmes sont un élément essentiel de la réussite des projets, comme nous le verrons plus loin, mais elles sont aussi les plus marginalisées, et elles doivent redoubler d’efforts pour être prises au sérieux. Si l’on veut donner du crédit au travail que la Cevaa mène sur le terrain, il faut revisiter nos pratiques en matière d’approche genre, remettre en cause l’androcentrisme et donner une réelle place à des politiques et actions en faveur du développement des femmes. Si on évalue les stratégies mises en place dans nos différentes Eglises en matière d’accompagnement des femmes dans des projets d’autonomisation, cela nous permet de définir un modèle, une base de travail à reproduire d’une Eglise à l’autre, en tenant compte des spécificités bien entendu. La Cevaa, tout au long de ses 50 années d’existence a eu à cœur d’améliorer les conditions de vie des populations, notamment à la base et pour cela, réfléchit continuellement avec les Eglises membres à des dispositifs visant à renforcer les capacités et améliorer la vie des plus faibles.
Introduction |