LES ASPECTS DIAGNOSTIQUES ET THERAPEUTIQUES DU SPINA-BIFIDA EN MAURITANIE
EMBRYOPATHOLOGIE ET FACTEURS ETIOLOGIQUES
Les grandes variétés anatomiques rencontrées imposent que l’événement tératogénique soit multifactoriel et qu’il survienne entre la neurulation (j 28) et une quinzaine de jours plus tard. Différentes théories dysembryogénétiques ont été émises, aucune n’explique la cause initiale.
Théorie de l’arrêt du développement (Daniel et Strich, 1958)
L’arrêt du développement du tube neural peut entraîner la non fermeture de celui-ci pouvant conduire à la myéloméningocéle. Il peut aussi bloquer la flexion pontique. Ce blocage peut entraîner un rallongement du bulbe qui peut 7 alors recouvrir la face postérieure de la moelle cervicale bloquée par les ligaments dentelés. Le cervelet ne pourra alors plus se développer à l’intérieur de la cavité du V4, ce qui provoquera une descente vers le bas du vernis inférieur et du plexus choroïde à travers le trou occipital. L’arrêt du développement osseux de la base du crâne, en particulier du basioccipital, est à l’origine d’une fosse postérieure trop petite pour faire face au développement du cervelet qui ne continuera sa croissance qu’à travers le trou occipital. Cette anomalie du mésoderme peut survenir avant, pendant ou après la fermeture du tube neural. L’une des principales critiques que l’on peut opposer à la théorie mésodermique est l’existence de malformations de la charnière cervico-occipitale dès la 16e semaine de vie intra utérine, avant que le cervelet ne débute sa phase de grande croissance.
Théorie hydrodynamique
D’après GARDNER, tous les problèmes dysraphiques peuvent être expliqués par un défaut d’évacuation liquidienne du tube neurale pendant la période embryonnaire, ou des espaces sous-arachnoïdiens pendant la période fœtale. Le point clé de cette théorie est la date d’ouverture du trou de MAGENDIE. Le toit du rhombencéphale est fermé par une fine membrane : l’area membranacea superior (AMS) et inferior (AMI). Cette membrane va progressivement s’amincir sous l’effet d’une pression exercée par l’accumulation de substances protéiformes dans le tube neural.
Au niveau médullaire
Deux mécanismes pathologiques sont déterminants : a) la non fermeture de la gouttière neurale est à l’origine de la malformation de la moelle qui peut prendre différents aspects cliniques. 8 Cette atteinte médullaire induit les anomalies des méninges et du Spina-bifida proprement dit, qui est la non fermeture de l’arc postérieur des vertèbres, fente osseuse à travers laquelle passe la hernie médullaire et méningée. b) La dysplasie de la moelle est produite par un mécanisme cellulaire qui se manifeste par : l’atrophie des cellules de la corne antérieure et de la corne postérieure de la moelle ; les défauts de développement des cordons antérieurs et postérieurs de la moelle ; les lésions des racines rachidiennes. D’autre part, la dysplasie peut être attribuée, dans certaines situations, aux effets mécaniques. On parle alors de syringomyélie et d’hydromyélie.
Les facteurs étiologiques
Facteurs environnementaux
En 1972, RENWICK lançait ce qui allait être, par la suite, appelée « l’Affaire de la pomme de terre ». La pomme de terre infestée par une moisissure phytophtora infestant serait tératogène et à l’origine d’un défaut de fermeture du tube neural. L’intérêt soulevé par cette affaire a conduit à identifier de nombreux autres facteurs étiologiques.
L’hyperthermie
Dans une étude rétrospective, LAYDE et coll. (38) ont montré que 19% des mères d’enfants atteints de spina-bifida avaient une élévation notable de la température au cours du premier trimestre de la grossesse. Ce rôle tératogène de l’hyperthermie a été prouvé chez les animaux de laboratoire. Les cellules neuroépithéliales sont très sensibles à l’action de la chaleur qui entraîne un ralentissement de la neurulation et un défaut de fermeture du tube neural.
Facteurs nutritionnels
Le mécanisme d’action précis de l’acide folique sur la pathogenèse des anomalies du tube neural demeure obscur. L’acide folique est essentiel à la synthèse des acides nucléiques et des acides aminés ainsi qu’à la division cellulaire. Au regard du rôle de l’acide folique, on pourrait s’attendre à ce qu’en plus des anomalies du tube neural, d’autres anomalies de structure isolées, résultant d’un développement incomplet, soient liées à la disponibilité de l’acide folique durant l’embryogenèse.
Facteurs génétiques
Les malformations du tube neural sont imputables à une anomalie de son développement au cours de l’embryogenèse. A l’échelle mondiale, le taux d’incidence des MTN s’échelonne de 1 à 8 sur 1000 naissances et varie considérablement d’un pays à l’autre. Au Canada, il est de 1 à 2 sur 1000 naissances et fluctue selon les régions, diminuant d’Est en Ouest. On estime que le taux d’incidence de cette malformation serait de 4 sur 1000 naissances au Québec, contre 1,6 en Colombie Britannique. Chaque année, environ 400 à 800 nourrissons canadiens naissent avec une malformation du tube neural (chiffre obtenu en appliquant le taux de natalité en 1991 à la prévalence de ces troubles). Bien que 90 à 95% des malformations du tube neural surviennent dans les familles n’ayant aucun antécédent de malformations semblables, les femmes enceintes qui ont de tels antécédents familiaux ou obstétricaux sont considérées comme à risque. Chez les femmes ayant déjà eu une grossesse avec une telle malformation, on estime que le risque de récurrence est de l’ordre de 2 à 3%, taux qui est 10 fois plus élevé que celui observé dans l’ensemble de la population. La fréquence du spina-bifida est sujette à des variations séculaires et géographiques. En France, elle a été estimée à 0,52‰, entre 1965 et 1975, taux à peu près équivalent à celui des anencéphales (0,50‰), mais l’incidence est plus forte dans certaines régions (Nord Finistère). 10 Dans le monde, les fréquences les plus élevées sont observées en Inde, en Irlande et au Pays de Galles où elles s’établissent entre 3 et 4‰. La malformation est plus fréquente chez les garçons mais en France, le taux de masculinité est comparable à celui de la population générale (0,52). Le rang de naissance et l’âge des parents ne paraissent pas jouer un rôle déterminant. En France, le risque de récurrence après un enfant porteur de spina-bifida ou, anencéphalie, est de l’ordre de 1,9%. La fréquence chez les germains de 2e et 3e degrés n’augmente pas significativement. La fréquence des cas familiaux conduit à évoquer une hérédité multifactorielle. Un des facteurs génétiques mis en cause dans les ATN d’origine multifactorielle concerne les variantes génétiques des enzymes utilisées dans le cycle métabolique de l’homocystéine, par exemple le méthylène tétrahydrofolate réductase (MTHFR). Comme la fréquence de variantes enzymatiques varie grandement dans la population, le rôle étiologique de ces variantes diffère d’un groupe ethnique à l’autre. Dans un tel contexte, la supplémentation en acide folique contribue à améliorer la fonction enzymatique. La plupart des bébés présentant une ATN à la naissance sont issus de couples qui n’avaient aucun problème obstétrical, sanitaire ou génétique particulier. Les membres d’une famille qui compte un proche parent atteint d’une ATN courent un risque accru d’avoir un enfant porteur d’une ATN. Ce risque dépend du taux d’ATN dans la population des couples qui ont déjà eu un enfant atteint d’une ATN. Il est de l’ordre de 2% à 5% et varie selon le risque de base dans la population (53, 57, 68). Le risque chez les frères, sœurs et les parents au deuxième degré d’un enfant porteur d’une ATN est de 1% à 2%. Chez les parents au troisième degré le risque est de 0,5% à 1% alors qu’il s’élève à 4% chez les personnes atteintes, quel que soit le risque sous-jacent dans la population.
INTRODUCTION |