LES ARTIFICES DE LA CONSERVATION
DU POUVOIR CHEZ MACHIAVEL
La constitution : un rempart contre la corruption
Au fil du discours machiavélien, on se rend compte de plus en plus de l’importance des lois dans l’Etat et de leur articulation par rapport à la dans son ensemble. Ainsi, en parlant vie sociale des villes indépendantes, Machiavel analyse, en les comparant d’ailleurs, les modèles de Sparte et de Rome. Mais ce sur quoi il insiste, c’est la sagesse du législateur, sagesse qui est la seule condition pour inscrire la solidité de l’Etat dans la durée. Cette sagesse est d’autant plus nécessaire qu’il y a trois bons modes de gouvernements (le principat, les gouvernement des Optimates et le gouvernement populaire) qui peuvent aisément se corrompre et se muer respectivement en tyrannie, en oligarchie et en licence. « En sorte, avertit Machiavel, qu’un législateur qui donne à l’Etat qu’il fonde un de ces trois gouvernements le constitue pour peu de temps ; car nulle précaution ne peut empêcher que chacune de ces espèces réputées bonnes, quelle qu’elle soit, ne dégénère dans son espèce correspondante : tant en pareille matière bien et mal peuvent avoir de similitude.» Il y a donc chez Machiavel, un cycle fermé qui fait que c’est à partir de la dégradation d’une forme de gouvernement qu’une autre est générée : « Tel est, précise—t-il, le cercle que sont destinés à parcourir tous les Etats » C’est d’ailleurs cette métamorphose aussi bien des bons que des mauvais qui pousse le florentin à dire qu’ils sont tous défectueux. Ainsi, le mérite d’un bon législateur est d’avoir l’intelligence des limites des uns et des autres pour inscrire son entreprise dans la juste mesure de l’équilibre des forces sociales. « Ainsi, écrit l’auteu•, les législateurs prudents, ayant connu les vices de chacun de ces modes pris séparément, en ont choisi un qui participât de tous les autres, et l’ont jugé plus solide et plus stable. En effet, quand, dans la même Constitution, vous réunissez un prince, des grands et la puissance du peuple, chacun pouvoirs surveille les autres. de ces trois » Il se manifeste à travers cette position de Machiavel, la nécessité pour le législateur d’instaurer un rapport équilibré entre les différeras acteurs de la société politique.nous semble fondamental de retenir ici, la modernité du discours machiavélien . En effet, presque un siècle avant Montesquieu, il avait déjà pensé ic principe de la séparation des pouvoirs pour toute société politique harmonieuse.’ Elle est la condition pour toute stabilité de l’Eut et par conséquent du pouvoir dans toute république. C’est peut-être la raison pour laquelle l’on n’est pas surpris de l’hommage qu’il a rendu à Lycurgue. législateur de la ville de Sparte. Celui-ci, en effet, par son intelligence, a réussi cette forme de constitution en conférant à Sparte des lois qui lui ont permis de se conserver pendant huit siècles.’ Mais, ce qui fondamentalement est à souligner, c’est la tournure que prend l’argumentation de Machiavel lorsqu’il s’agit d’examiner le cas romain. Ainsi, selon lui-même, ce que Sparte a gagné par le biais de son législateur, Rome l’a eu grâce au conflit permanent entre la plèbe et le sénat. En effet, il pense qu’au-delà de ce qui est habituellement admis comme division de la société à propos de querelles entre le sénat et la plèbe, il y a en réalité, les germes de l’éclosion de la liberté dans cette république. Cela s’explique par le fait que « Dans toute république, il y a deux partis : celui des grands et celui du peuple ; et toutes les lois favorables à la liberté ne naissent que de leur opposition . 3» Ce qu’il faut entendre par là, c’est que l’ordre chez Machiavel, est une résultante du conflit social. Celui-ci donc, loin d’être un facteur de corruption, reste le véritable soubassement de la liberté. C’est qu’ « …il y a dans k désordre même, souligne Lefort, de quoi produire un ordre ; les appétits de classe ne sont pas nécessairement mauvais, puisque de leur entrechoc peut naître la puissance de la cité ; l’histoire n’est pas seulement dégradation d’une bonne forme primitive, puisqu’elle porte à titre de possible la création romaine. ‘» Ainsi, c’est dans la société politique qu’il s’agit de chercher l’origine de la loi et, « …tout à la fois, les conditions dans lesquelles elle se fait et se défait 5,> De ce point de vue, le mérite d’un bon législateur est de pouvoir Faire en sorte que l’Etat soit solidement structuré à l’intérieur pour permettre lt,iSleitiellt ia préservationde cette liberté. « Tous les législateurs qui ont donné des Constitutions sages à des républiques, écrit rvlachiavel, ont regardé comme une précaution essentielle d’établir une garde à la liberté ; et suivant que cette garde a été plus ou moins bien placée, la liberté a duré plus ou moins longtemps. 6 » l-Telle est la position de G.Namer dans son ouvrage :Machiavel ou les origines de la sociologie de la connaissance ,ed. l’U1’,1979, série « Nos recherches » Ainsi, on se rend compte que les lois, pour être efficaces par rapport à cette ultime fonction à savoir la conservation de la liberté, requièrent d’abord la sagesse du législateur et ensuite la position équidistante qu’elles — les lois – occupent par rapport aux deux grandes classes sociales dont il est question dans la société. C’est d’ailleurs cette problématique de l’équidistance des lois qui motive l’équation que Machiavel cherche à résoudre. I Dès lors, en tant qu’il se présente comme le résultat des oppositions de classes et l’expression effective du désir de liberté du peuple, on ne peut plus se contenter de prendre le désordre suivant son sens immédiat, c’est-à-dire comme facteur de division. Il est au contraire fécond car son véritable prolongement est la cohésion sociale. 2 Machiavel d’ailleurs fustige l’étroitesse de la vision et l’approche réductionniste de ceux qui considèrent ces divisions entre la plèbe et le sénat comme source de tous les malheurs de Rome. Ainsi, toujours dans cette perspective, en déplaçant l’enjeu de l’alternative — de l’opposition entre la plèbe et le sénat à celle du gardien idéal — Machiavel nous donne à penser que la véritable réponse dépend de la finalité de l’Etat lui-même. Il s’agit de voir, en effet, si l’Etat dans ses fondements, s’inspire ou du modèle romain ou du modèle de Sparte. Machiavel écrit en ce sens : « … je pense qu’il est nécessaire de prendre plutôt pour modèle Rome que les autres républiques. Trouver un terme moyen entre ces deux formes me paraît impossible. 3» Cela nous autorise à nous interroger sur la légitimité de l’hommage rendu à Sparte et à son législateur. En effet, l’image de la ville grecque est vite disqualifiée par l’auteur qui nous suggère en lieu et place le modèle romain. C’est dire tont simplement que la stabilité conférée par les lois de Lycurgue cachait mal une fragilité politique. Cela est d’autant plus vrai qu’en examinant cette dualité entre Sparte et Rome, Machiavel cherche, par- delà, à déterminer lequel est le plus apte à entreprendre une conquête sans se ruiner. Le résultat de l’enquête nous édifie davantage car, si Rome pouvait se permettre d’entreprendre une conquête, il n’en est pas de même pour Sparte qui, à la moindre tentative de conquête, est condamnée à la décadence. La préférence de Rome se manifeste ainsi comme la volonté de Machiavel de sceller définitivement la fécondité des oppositions entre la plèbe et le sénat faisant de la liberté du peuple le véritable soubassement des institutions. S’il en est ainsi, c’est-à-dire si c’est le refus de l’oppression, le désir de liberté qui constitue l’aspiration fondamentale du peuple, il ne serait pas tout à fait inutile de cerner cette notion. Ce qui nous amène à nous poser cette question éminemment philosophique à savoir : qu’est ce que la liberté au sens où l’entend le florentin ? Pour Paul Valadier, elle est « l’autonomie de la cité, de son indépendance, de son privilège de se donner ses propres lois et institutions, de défendre par conséquent sa manière d’être et de vivre. La liberté concerne la cité elle-même, non directement les droits des citoyens au sens où nous l’entendons de nos jours. »
La légalité face à la question de la raison d’Etat
Pour lever toute équivoque dans cette présente section, nous sommes tenu de préciser que la paternité du concept de raison d’Etat n’est pas de Machiavel. C’est en effet, à partir d’une certaine lecture du florentin que certains ont essayé de l’intégrer dans son discours politique. Il va sans dire que de telles interprétations ne sont pas sans passion si l’on en croit Hélène Védrine. 4 C’est pourquoi, il serait intéressant de faire preuve de discernement quand il s’agit d’employer cette expression dans le cadre du machiavélisme. « La raison d’Etat — l’expression date du Xi/lègue siècle — est la nécessité pour les hommes de gouvernement de prendre des mesures propres à assurer la continuité du pouvoir et, dans les périodes de crise, le salut de l’Etat. 5 » « philosophes de tous les temps » : «En tant qu’indice, la passionnante histoire du machiavélisme relève plus des fantasmes que de la réflexion sérieuse. » Ainsi donc, elle est le plus souvent évoquée dans des moments de crise politique majeure. Mais ce qu’il faut peut-être remarquer, c’est qu’elle est si importante que son invocation pour justifier mensonges, meurtres, trahisons et autres scélératesses, n’est pas du seul ressort des gouvernants. i< Si les hommesau pouvoir prétendent justifier, par la raison d’Etat, certains de leurs actes, et notamment la condamnation de ceux qui veulent les renverser, le principe se retourne contre eux. Ceux qui veulent renverser les hommes au pouvoir, parce qu’ils estiment leur présence contraire à l’intérêt de l’Etat, peuvent également invoquer la raison d’Etat pour les abattre.» Ce qui pose donc problème, c’est la récupération politique de ce principe au profit d’un particulier, de l’ambition personnelle et de la passion du pouvoir. Il s’agit donc de définir ses contours et ses critères de validité. Cela revient à ffiire la distinction au sein de l’exercice du pouvoir, entre ce qui est du privé et qui relève du public. C’est sous ce rapport d’ailleurs que nous nous proposons de revenir à Machiavel pour voir comment nous pouvons entendre ce concept dans le cadre de sa théorie politique. Signalons, avant tout, qu’un certain nombre d’affirmations chez Machiavel sont susceptibles d’être interprétées connue une justification de la raison d’Etat ou un appel à l’institution d’un pouvoir fort. Mais il faudrait les comprendre selon leur esprit. Machiavel pose en effet, la sécurité de l’Etat et par conséquent celle du prince, comme un impératif. C’est dans cette perspective qu’il nous semble très intéressant de noter la manière dont ii aborde la question du pouvoir solitaire comme un maillon indispensable dans la mise en oeuvre de cet impératif de sécurité. L’exclusivité de l’autorité du prince répond donc non seulement à un souci de préserver le bien et la sécurité de l’Eut( mais aussi et surtout demeure la condition pour une fondation durable. « li faut établir connue règle générale que jamais, ou bien rarement du moins, on n’a vu une république ni une monarchie être bien constituées dès l’origine, ou totalement réformées depuis, si ce n’est par un seul individu ; il lui est même nécessaire que celui qui a conçu le plan fournisse lui seul les moyens d’exécution» Aussi, c’est à partir du principe de fondation de l’Etat comme finalité exclusive de l’action du prince qu’on pourrait comprendre voire tolérer les meurtres de Romulus Niais il faudrait préciser que si Machiavel pose la nécessité pour le fondateur ou le législateur d’être seul dans son entreprise fondatrice, il estime en revanche que l’exécution des lois et règlements doit revenir à une assemblée car une personne est plus encline à imposer sa position ce qui, à long terme, est susceptible d’entraîner la tyrannie. «En effet, autant une assemblée est peu propre à bien ibnder un au, vu la diversité des avis sur ce qui est le bien de cet I itou, aumut, ce bien une Ibis connu, est el le unanime à ne pas le laisser échapper. »■ Celle-ci est d’ailleurs condamnée par Machiavel alors qu’elle utilise les mêmes moyens souvent amoraux que les fondateurs ou les restaurateurs. Comment, à partir de ce moment, distinguer le fondateur du tyran ? Seul le résultat compte car, il reste finalement le seul critère de jugement comme l’écrit le florentin: « Un esprit sage ne condamnera jamais quelqu’un pour avoir usé d’un moyen hors des règles ordinaires pour régler une monarchie ou fonder une république. Ce qui est à désirer, c’est que si le fait l’accuse, le résultat l’excuse ; si le résultat est bon, il est acquitté ; tel est le cas de Romulus. Ce n’est pas la violence qui restaure, mais la violence qui ruine qu’il faut condamner. I » Il faut préciser ici que ce jugement de Machiavel est éminemment politique et historique et non moral. Ce qui reste fondamentalement mis en exergue, c’est le caractère public de la fondation. De ce point de vue, on se rend compte que l’auteur a mis en place un certain nombre de garde-fous pour verrouiller cette entreprise fondatrice ou restauratrice. Ainsi, s’attirer soi-même le pouvoir en vue de la fondation est une nécessité mais 7 une fois le bien de l’Etat consolidé, il s’agit de s’ouvrir à d’autres pour qu’ils participent à l’exercice du pouvoir. Si donc on peut parler de raison d’Etat dans la pensée machiavélienne, elle ne peut être que symbolique parce que s’exerçant au profit de l’Etat. « Il n’y a donc pas de raison d’Etat, dans le sens où ce ternie suppose un pouvoir organisé pour se perpétuer sans changement. Avec Machiavel, l’Etat se crée ; tout est en mouvement, en gestation, dans son oeuvre. S’il y a « raison », c’est la raison de la nation italienne entrevue comme terre promise et en vue de laquelle on va travailler à corps perdu, et presque en perdant son fine. Il y a ainsi du provisoire dans Le Prince, une sorte de sombre enthousiasme qui emporte le fondateur au-delà du bien et du mal. 2 » C’est donc sur le terrain du patriotisme qu’il faut s’inscrire dès l’instant qu’il s’agit de penser certaines affirmations de Machiavel. C’est dire tout simplement qu’il pose le sort de l’Etat comme la fin de toute action politique et ce faisant, il ne saurait dépendre d’aucune préoccupation d’ordre moral ou humaniste. « S’il s’agit de délibérer sur son salut, il ne doit être arrêté par aucune considération de justice ou d’injustice, d’humanité ou de cruauté, d’ignominie ou de gloire. Le point essentiel qui doit l’emporter sur tous les autres, c’est d’assurer son salut et sa liberté. »
De l’usage de la Joyce
Nous avons ci-dessus montré, à la suite de Machiavel d’ailleurs. que le Centaure Chiron symbolisait le pouvoir. Cela ne signifiant rien d’autre que la nature du politique est double ; elle est en effet, mi-homme et incarne ainsi la loi, mi-bête, symbole de la force et de la puissance. C’est d’ailleurs cette dimension du politique qu’il s’agit pour nous d’examiner et de voir comment concomitamment à la loi, elle est une des assises du pouvoir politique chez le florentin. Ainsi, après avoir analysé la problématique de la puissance du prince, nous tenterons de démontrer comment l’art de la guerre constitue aussi un levier pour le pouvoir princier.
La question de la puissance du Prince
« L’épreuve du pouvoir », pour reprendre l’expression de R. Naves, impose au prince, qu’il le veuille ou non, l’usage de certains moyens pour pouvoir être à même de jouer pleinement sa partie sur l’échiquier politique. Parmi ces moyens la ruse et la force occupent une place de choix. Cette dernière qui nous intéresse pour le moment est particulièrement importante au point que certains auteurs n’ont pas hésité à la considérer comme le seul moyen spécifique du politique, la ruse n’étant qu’une manière de l’appliquer. Mais avant d’en arriver à l’analyse de ce moyen fondamental du politique dans le cadre spécifique de la pensée machiavélienne, essayons d’abord de le cerner. ll s’agit avant tout de préciser ici que contrairement à l’approche qui en est traditionnellement faite, elle n’est pas méprisable ou condamnable. Elle est au contraire consubstantielle à la politique. Pour Julien Freund, « la politique ne peut s’en passer du fait de sa nature » Dès lors, on pourrait affirmer sans risque de se tromper qu’elle n’est pas extérieure à l’homme puisque celui-ci est en même temps « lion » si l’on en croit Machiavel. Ainsi, pour de nombreuses raisons, la force est un moyen indéniable qui sous-tend le fondement de tout Etat fort. En effet, la faiblesse, contrairement à la force, attire mépris et insolence des adversaires. De ce point de vue, et sans plus tarder, essayons de déterminer ce qu’on pourrait entendre par ce concept pour éviter toute ambiguïté. J. Freund s’est livré à cet exercice lorsqu’il tente de définir le concept de force. « Nous appelons force, écrit-il, l’ensemble des moyens de pression, de coercition, de destruction et de construction que la volonté et l’intelligence politiques, fondées sur des institutions et des groupements, mettent en oeuvre pour contenir d’autres forces dans le respect d’un ordre conventionnel ou bien pour briser une résistance ou menace, conibaitre des forces adverses ou encore trouver un compromis ou un équilibre entre les forces en présence 3 . » Ainsi donc, loin d’être l’élément méchant et perturbateur de la politique, la force est un moyen de construction en ce qu’elle permet d’assurer la stabilité et l’ordre dans la cité. C’est dire tout simplement qu’on ne saurait l’isoler au seul motif d’être quelque chose de démoniaque. Par ailleurs, cette explicitation du concept de force, en plus de nous faire découvrir sa consubstantialité avec la nature du politique, nous permet en même temps, dans une certaine mesure lde l’articuler avec la puissance pour voir leur possible rapport. Contrairement en eflèt à une conception qui la considère comme potentialité, virtualité, la force est actualité, c’est – à – dire qu’elle est disponibilité. Cela veut dire pour J. Freund « …qu’elle existe, qu’elle est présente et prête mais inemployée, inerte, tel le nombre de soldats dans les casernes ou de tanks ou d’avions dans les hangars. Les forces disponibles d’un pays se laissent énumérer, comptabiliser, calculer et permettent de faire des prévisions. La force n’a rien de mystérieux, au contraire de la puissance qui est imprévisible, occulte parfois, parce qu’elle est illimitée.» Ainsi donc, si la force est matérielle, palpable et dans une certaine mesure comptable et par conséquent concrète, la puissance, elle, est plus immatérielle, moins détectable. Elle est de ce point de vue, virtuelle, ce qui fait d’ailleurs qu’on la craint la plus. Cependant, ce qu’il ne faut pas perdre de vue,c’est le fait que la force et la puissance ne sont pas antagoniques. «Au contraire, il n’y a pas de puissance sans forcee imais la puissance ajoute aux moyens matériels et mesurables, l’intelligence, l’autorité, le prestige, le sens de la décision, la fermeté • etc 2» Notons quand même au passage que l’élément, le facteur catalyseur qui permet cette transformation de la force disponible en une puissance, c’est la volonté du sujet politique. Dans tous les cas, dans le cadre spécifique de la pensée du Secrétaire florentin, on ne saurait parler de la force sans évoquer le rôle et l’utilité de la violence dans l’exercice du pouvoir. Mais il ne faut surtout pas manquer de signaler que l’usage de la force répond à des modalités de déploiement, à une logique d’exécution et à des limites quant à son efficacité. Ainsi, pour mieux la cerner, il faut partir du postulat de départ de Machiavel, postulat qui « … relève simultanément du constat d’expérience et du présupposé, ce qui peut se trouver vérifié et ce dont on n’a pas à attendre l’entière vérification pour en décider.» Ce postulat de la philosophie machiavélienne n’est rien d’autre que sa conception de la nature humaine et de la méchanceté des hommes qui en est le centre de gravité.
INTRODUCTION GENERALE |