Les arboviroses (Dengue, Chikungunya, Zikavirus)
d’importation
Introduction
Les arboviroses sont en expansion. La dengue, initialement présente en Asie du Sud-Est, a vu son incidence multipliée par 30 en 50 ans. En 2013 (1), on rapportait 390 million d’infections par un virus dengue (96 millions de cas) dans 100 pays. L’OMS estime actuellement que 40 % de la population mondiale serait exposée dans 128 pays. La dengue peut occasionner des formes sévères ou hémorragiques. En 2005-2006, une épidémie de chikungunya touchait l’île de la réunion, et près d’un tiers de la population était infectée (2). Ce virus était alors peu connu, et cette épidémie, qui s’est ensuite répandue dans l’Océan Indien, le sous-continent indien, puis dans l’ensemble des zones inter-tropicales, a permis la description nosologique de la maladie et la découverte d’une particulière gravité neurologique chez les nouveau-nés infectés par voie materno-fœtale lors de l’accouchement. Le chikungunya peut aussi induire des polyarthropathies invalidantes. Entre 2013 et 2016, une nouvelle arbovirose a pris le devant de la scène. L’infection à zika virus était jusqu’alors considérée comme une curiosité tropicale, mais la survenue d’épidémies en Polynésie française, puis au Brésil et dans les Caraïbes, a permis la caractérisation d’un risque neurologique particulier de ce virus, avec des cas de syndrome de Guillain-Barré, et des foeto-pathie très graves. De plus, il existe un risque de transmission sexuelle du zika-virus, et la persistance parfois prolongée du virus dans le sperme peut faire différer le début d’une grossesse (afin d’éviter une contamination de la partenaire, et un risque d’infection fœtale) (3). Ces différentes maladies ont plusieurs points communs. Elles sont transmises par des moustiques du genre Aedes (A. aegypti et A. albopictus essentiellement), endémiques des zones tropicales et sub-tropicales, mais dont le territoire géographique s’étend au fil des années. Aedes albopictus, en pleine expansion sur le territoire métropolitain, rend possible une transmission autochtone de ces maladies, dont quelques cas métropolitains sont décrits chaque année. De plus, ces arboviroses s’expriment par des signes cliniques peu spécifiques qui ne permettent souvent pas de les différencier les unes des autres. Beaucoup d’infections sont également asymptomatiques. Ainsi, lorsqu’un voyageur en zone inter- 4 tropicale présente, sur place ou peu après son retour, une symptomatologie éruptive fébrile, une recherche d’arbovirus par RT-PCR et/ou sérologie est souvent requise. Certains couples, non symptomatiques mais désireux de débuter une grossesse, peuvent être amenés à consulter au décours d’un voyage pour exclure un risque d’infection à zikavirus. Dans ce travail, nous avons repris de façon rétrospective, la base de données du laboratoire de virologie du CHU de Marseille concernant ces 3 arboviroses (dengue, chikungunya, zika). Une première partie s’exercera à présenter ces maladies de façon simple pour nous les rendre plus familières. Dans un second temps, nous présenterons les données cliniques, biologiques et d’évolution des patients considérés comme ayant une dengue, un chikungunya ou un zikavirus au CHU de Marseille entre 2013 et 2017 L’objectif était de démontrer que les formes pédiatriques clinique et biologique sont comparables aux formes adultes
Les arboviroses
Les arbovirus sont spécifiques des vertébrés. Ils infectent des arthropodes hématophages, qui deviennent leur réservoir et leur vecteur. Leur répartition géographique concerne principalement les zones intertropicales. Famille Genre Principaux arbovirus africains Principaux arbovirus Asie du SudPacifique
Les virus
Le virus de la dengue est du genre Flavivirus, de la famille de Flaviviridae, qui regroupe entre autres, les virus de la fièvre jaune et de l’encéphalite japonaise. Il existe 4 sérotypes de virus de la dengue (DENV1 à 4), sans protection hétérotypique, et dont la répartition dans les zones tropicales et subtropicales est variable selon le temps (épidémies) et l’espace (4). Une infection avec un sérotype donné de DENV pourrait entraîner un risque de forme sévère en cas d’infection secondaire par un autre sérotype. C’est la théorie des anticorps facilitants : la production d’anticorps non neutralisants à la suite d’une première infection par sérotype donné n’empêche pas l’infection par un autre sérotype, puisqu’il n’y a pas de protection hétérotypique croisée. Au contraire, les anticorps dirigés contre le premier sérotype, fixés sur le nouveau virus mais ne permettant pas sa destruction par le système immunitaire, faciliterait l’invasion cellulaire et, par làmême, la sévérité clinique. En théorie une personne vivant en zone endémique pourrait contracter quatre fois la dengue (5). Le Zikavirus est du genre Flavivirus, comme les virus de la dengue. Il s’agit d’un virus enveloppé à ARN simple brin. Il y a deux lignages de zikavirus, avec une protection croisée a priori (3). Le virus du chikungunya est du genre Alphavirus, de la famille des Togaviridae (6). C’est un virus à ARN linéaire, monocaténaire, d’un diamètre de 60-70 nanomètres, possédant une enveloppe. Son nom se traduit par «marcher courbé» en Makondé, langue parlé en Afrique de l’est (7). Cette appellation fait référence à un des principaux symptômes de la maladie, les douleurs articulaires, qui peuvent gêner la marche et durer plusieurs mois. Les souches d’origine africaine proviennent d’un ancêtre commun. L’étude phylogénétique les classe en deux sous-groupes ou lignage, un ouest africain et un asiatique-Est africain.
La transmission
Vectorielle
Les vecteurs de ces arboviroses sont essentiellement des moustiques du genre Aedes, qui sont présents dans les zones inter-tropicales. Leur territoire géographique ne cesse de croître. Souvent anthropophiles, ils sont capables de s’adapter en milieu urbain. Seules les femelles piquent, essentiellement au lever du jour ou en fin de journée. La capacité du moustique à transmettre le virus dépend de plusieurs paramètres : leur capacité d’amplification du virus, leur durée moyenne de vie (capacité de résistance et adaptabilité en milieu urbain, capacité de résistance pour les larves), leur densité, le nombre de piqûres par moustique et le taux d’infection. Ces paramètres varient aussi en fonction de l’environnement et du climat (4, 8) Il existe une transmission verticale de la femelle moustique à sa descendance. Les œufs du moustique peuvent contenir le virus. Le moustique reste infectant toute sa vie. Aedes aegypti vecteur principal de ces arbovirose, est présent dans les départements français de l’océan indien et d’Amérique (Antilles, Guyane). Aedes albopictus aussi nommé « moustique tigre », est présent dans les départements français de l’océan indien. Très anthropophile, il s’adapte au milieu urbain et pond ses œufs dans tous les récipients qui contiennent de faibles quantités d’eau stagnante. Depuis 2004 (Figure 1), il est présent en métropole, dans le Sud Est et en Corse. On note une expansion géographique de la présence d’A. albopictus vers le nord de la France. En 2016, il est présent dans 30 départements et 8 régions en France métropolitaine (9). 9 Figure 1 : Département et année d’implantation du vecteur Aedes albopictus en France métropolitaine
Sexuelle
Une transmission sexuelle est avérée pour le virus zika seulement. La transmission est surtout retrouvée dans le sens homme-femme. En effet, le virus reste infectant plusieurs semaines après la fin des symptômes dans le sperme. Ainsi les hommes infectés devraient avoir des rapports sexuels protégés pendant plusieurs semaines (jusqu’à la négativité de deux PCR dans le sperme), pour éviter la contamination de leurs partenaires, surtout si celles-ci sont enceintes ou envisagent une grossesse. Comme l’infection est asymptomatique dans plus de la moitié des cas, (10), il faut parfois pratiquer une sérologie à un mois du retour pour s’assurer de l’absence d’infection durant un voyage à risque. La persistance du virus dans les sécrétions génitales féminines est plus courte et le risque d’infection du partenaire dans le sens femme-homme est plus faible.
Materno-foetale
Cette transmission a été observée pour les virus chikungunya et zika, mais pas pour les virus de la dengue. Il a été montré une transmission du virus du chikungunya de la mère au fœtus dans 50% des cas quand la mère présentait une virémie élevée au moment de l’accouchement. Il existe donc une transmission per-partum de chikungunya responsable d’infection néonatale sévère pouvant provoquer encéphalite et séquelles neurologiques (11, 12). Pour Zikavirus, la transmission peut se faire en cas d’infection périconceptionnelle et durant toute la grossesse (13). Des foetopathies sévères ont été observées avec un risque plus marqué en cas d’infection maternelle au 1er trimestre.
Introduction |