Les Apports de l’Entomologie dans la Criminologie
Origine de l’entomologie médico-légale
Le véritable premier cas d‟entomologie forensique remonte au dix-huitième siècle, reporté dans un ouvrage de médecine légale chinois. L‟auteur de cet ouvrage, un certain Sun T‟zu, rapporte aussi avoir vu des quantités de larves sur un cadavre et pense que leur présence pourrait être utile pour une investigation criminelle. Cependant il faut attendre la fin du XIXe siècle avec les travaux de Jean Pierre Megnin (1894) pour que la première base scientifique de l‟utilisation des insectes nécrophages soit publiée. Au cours du XXe siècle de nombreuses contributions apportent des éléments utiles à la médecine légale dans l‟utilisation de ces insectes pour donner une estimation du moment de la mort. C‟est en1986 que K G V Smith du département d‟entomologie du British Muséum of Natural history de Londres publie le premier manuel d‟entomologie forensique. Il se base notamment sur les travaux d‟autres entomologistes comme Marcel Leclercq en Belgique Nuorteva en Finlande et Marchenko en Russie pour ne citer que les plus importants. Il faudra encore attendre quelques années pour que l‟entomologie médico-légale fasse son entrée dans des institutions comme la FBI (Fédéral Bureau Investigation) aux USA ou la Gendarmerie en France. C‟est en 1993 que l‟entomologie forensique a débuté à la police criminelle du canton de Vaud sous la responsabilité de Claude Wyss, en collaboration avec les Institutions universitaires d‟écologie et de médecine légale de l‟Université de Lausanne et musée cantonal de zoologie. Ainsi de nos jours, le rôle de l‟entomologie médico-légale est devenu de plus en plus solliciter lors des grandes enquêtes criminelles .Et ceci pour la détermination du délai post-mortem qui se base sur deux principes fondamentaux : il s‟agit de la datation à court terme et de la datation à long terme. La datation à court terme repose sur une connaissance des cycles de développement des espèces nécrophages et des facteurs qui influencent ce développement. Pour la dotation à long terme il s‟agit de reconstituer l‟histoire de la colonisation du corps par les insectes. Différentes tentatives de schématisation existent ; elles consistent à diviser la communauté d‟insectes nécrophiles en vagues ou escouades se succédant dans des conditions normales sur le cadavre. C‟est ainsi que Megnin, en 1894 a réparti les arthropodes rencontrés sur les cadavres humains en huit escouades colonisant le corps au fur et à mesure de sa décomposition. Il existe cependant des chevauchements d‟escouades, leur activité étant dépendante des modifications du substrat, des conditions météorologiques, de la taille et de la situation du corps. De même certaines escouades peuvent manquer, ce qui apporte d‟autres informations aux enquêteurs
Généralités sur l’évolution des cadavres humains
La mort est un arrêt de la circulation et de la respiration. Cependant cette définition n‟est plus suffisante aujourd‟hui. En effet en cas de coma dépassé la personne respire, son cœur bat, une circulation sanguine existe mais la personne est morte en raison d‟un problème intracrânien. Dans tous les cas, le cadavre subit durant son évolution un certain nombre de modifications accompagnées de signes caractéristiques observables. Un refroidissement de la température du cadavre : cet écroulement de la température du cadavre découle de l‟arrêt de la circulation sanguine et de l‟arrêt du métabolisme qui est le producteur de chaleur. Durant la période qui suit le décès, la température ne varie pas. Ensuite elle diminue de façon plus ou moins linéaire puis de façon plus ou moins exponentielle jusqu‟à harmonisation avec la température ambiante. Les lividités cadavériques : se sont les colorations rouges, violacées au niveau de la peau des régions les plus déclives (facteur de la gravité). La localisation de ces lividités dépend de la position du cadavre. Par exemple au niveau des compressions ces lividités n‟apparaissent pas. Outre, ces lividités débutent 2 à 3 heures après les moments qui suivent le décès .Cependant le moment de l‟apparition des lividités dépend aussi des causes du décès. Leurs couleurs peuvent varier au rouge (intoxication au CO, empoisonnement au cyanure, corps exposé dès le décès au froid etc.…) ou au rose (submersion dans certains cas). La rigidité cadavérique : l‟actine et la myosine constituent les composantes essentielles des muscles. Durant la période post-mortem, le milieu intérieur du cadavre devient plus acide du fait d‟une accumulation de produits issus du métabolisme. Ensuite le milieu devient gélatineux et l‟engrenage devient irréversible. Ce phénomène de durcissement apparait 6 heures environ. La rigidité atteint son apogée c’est-à-dire atteint tous les muscles autour de la 24e heure. La décomposition : Elle est essentiellement bactérienne. Dans cette phase on peut constater un phénomène de déshydratation du cadavre (10 à 20 gr /jr) qui se manifeste par un brunissement du blanc de l‟œil si la paupière est ouverte ainsi qu‟une voile sur la cornée (jusqu‟à ne plus voir le blanc de l‟œil). La peau se rétracte sous l‟effet de la déshydratation. La manifestation de la putréfaction est une tâche verte au niveau de l‟abdomen (coecum). C‟est durant cette dernière phase de l‟évolution du cadavre 11 qu‟interviennent diverses catégories d‟insectes et d‟acariens dont leur effet sur le cadavre est l‟objet de cette étude.
L’entomofaune des cadavres humains
Des lors et au fur et à mesure qu‟interviennent les altérations cadavériques, les différentes espèces nécrophages sont attirés par le substrat. Elles peuvent être regroupées en quatre catégories dont les nécrophages, les nécrophiles, les omnivores et enfin les opportunistes. La composition spécifique de chaque groupe et son temps de présence sur le cadavre peuvent varier suivant les facteurs influençant la faune entomologique locale et les processus d‟altérations du corps (ville, campagne, dans une habitation ou à l‟extérieur, saison, données climatiques et métrologique, volume des cadavres, conditions dans lesquelles se trouve le corps : air libre, inhumé, immergé). Les activités des insectes, la durée de leur cycle évolutif (ponte, incubation des œufs, croissance des larves, nymphose, ou pupaison, émergence des adultes) doivent être connues et en tenant des conditions climatiques. L‟entomologie forensique consiste à étudier les liens entre la présence d‟insectes et l‟état de décomposition d‟un cadavre humain. Cette science trouve des applications importantes en matière d‟enquête judiciaire, l‟aspect essentiel étant la détermination de l‟intervalle post-mortem (IPM). Les facteurs déterminant sont notamment la température et l‟accessibilité des insectes aux cadavres. Comme les insectes réagissent directement et même spécifiquement aux conditions climatiques, surtout les températures ambiantes, ils deviennent des indicateurs potentiels, dans l‟estimation de l‟IPM. Les insectes que l‟on trouve dans l‟environnement des cadavres forment une catégorie spéciale. Ils ont des organes chimiorécepteurs extrêmement développés et sont aptes à détecter des cadavres à des dizaines de kilomètres de distance. Ces insectes et acariens trouvés sur un cadavre humain deviennent alors des indicateurs policiers. D‟où l‟intérêt pour l‟enquêteur de les connaître (physiologie, écologie, systématique, etc…) Les espèces nécrophages : elles arrivent les premières sur les lieux du crime et utilisent le cadavre comme nourriture. Elles se succèdent selon le stade biochimique de sa décomposition (Diptères : Calliphoridae, Sarcophagidae, muscidae, fannidae, piophilidae ; Coléoptères : Dermestidae, Silfidae). Les espèces nécrophiles : elles sont des prédateurs ou parasites se nourrissant de nécrophages. Les omnivores : cette troisième catégorie d‟espèce se nourrit du cadavre et de ses habitants (nécrophages, nécrophiles). Les espèces opportunistes : quant à elles, la recherche d‟abri, de chaleur (pour se réchauffer), d‟endroits pour hiberner et parfois se nourrir dans le cadavre sont leurs principales préoccupations, d‟où la notion de spécialisation pour chacune de ces catégories.
La succession de l’entomofaune des cadavres humains
L‟arrivée d‟insectes ou d‟acariens sur le cadavre ne se fait pas de manière hasardeuse. Elle obéit à une chronologie qui a été déjà établie par Megnin en 1894 et revue par Leclercq en 1978.
CHAPITRE I SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE |