LES ADAPTATIONS AU CHANGEMENT CLIMATIQUE AU COURS DE LA TRANSHUMANCE

LES ADAPTATIONS AU CHANGEMENT CLIMATIQUE AU COURS DE LA TRANSHUMANCE

Forte variation des pluies avec un démarrage tardif 

A cette variabilité spatiale, s’ajoute une grande variabilité interannuelle. Selon Diop et al. (2009), une variation des dates de démarrage des pluies a été perçue surtout par les éleveurs de la ZSP et du Centre. L’hivernage débutait habituellement au cinquième mois en ZSP, mais certains éleveurs affirment que les pluies débutent très tardivement passant du cinquième au septième mois. Ce retard est parfois doublé d’un arrêt précoce qui réduit automatiquement la durée de l’hivernage à moins de 3 mois. 

Baisse de la quantité de rosée

 La rosée a lieu durant la saison des pluies appelée « nduungu » en Pulaar, mais elle est plus intense durant le Kawle (période de transition entre nduungu et saison sèche froide). En ZSP, la date de manifestation la plus importante est le mois d’octobre. Des variations annuelles ont été signalées; elles sont à l’origine de perturbation du bouclage du cycle de certaines cultures comme le niébé. Selon une étude, menée dans les communautés rurales de Tatki et Thiel, la plupart des éleveurs considèrent qu’elle a fortement diminué ou est absente (Diop, 2009). I

Les sols et la végétation 

Dégradation des sols 

Le changement climatique cause la dégradation des sols. En effet, la diminution de la pluviométrie cause la réduction du couvert végétal qui entraîne l’exposition du sol à l’érosion hydrique et éolienne. Ces causes de dégradation des sols s’amplifient avec la surexploitation des ressources forestières pour la satisfaction des besoins principaux des ménages et du cheptel (Gaye et al., 2011). 

Evolution de la biomasse

L’importance et la distribution du couvert végétal sont en grande partie liées à celles de la pluviométrie. En effet, la production primaire des parcours naturels du Sénégal est moyenne, voire faible, dans certaines localités du pays notamment au nord (Figure 4). Le démarrage tardif de l’hivernage et l’irrégularité de la répartition spatiale des pluies ne permettent pas d’obtenir une croissance régulière de la végétation dans les parties centrales (Ranérou et Linguère) et septentrionales (Podor et Matam). Dans les zones à prédominance pastorales (le centre du pays), le retour des transhumants en début d’hivernage ne donne pas le temps aux herbacées de se développer correctement et de boucler leur cycle à cause de la forte charge pastorale qui reste soutenue pendant toute la saison des pluies (CSE, 2011). Figure 4: Evolution de la production de biomasse (kg ms/ha) entre 2008 et 2011 (CSE, 2011) 

Les ressources hydriques 

Réduction des eaux de surface 

Les facteurs concourant à la réduction des eaux de surface sont multiples. Selon Diop et al. (2004), une quantité d’eau de 42 m3 est prélevée de 8h à 19h au mois de juillet du fait de l’abreuvement du cheptel et l’approvisionnement en eau des populations à partir d’une mare. A noter également qu’un tarissement précoce des mares a été signalé. Ce tarissement semble être lié à divers facteurs comme un défaut de remplissage, une forte fréquentation par un cheptel de plus en plus important, et des pertes par évaporation du fait des chaleurs de plus en plus intenses (Diop et al, 2011). 

Difficultés d’exploitation des eaux profondes

Après épuisement des eaux de surfaces d’accès plus aisé, les pasteurs s’orientent vers les eaux profondes (forages, puits). Ces eaux profondes assurent l’abreuvement du cheptel tout au long de la saison sèche. Dans la zone sylvopastorale, les profondeurs actuelles des puits, comprises entre 80 et 120 mètres, 12 traduisent une évolution de la nappe phréatique (Diop, 2009). A cela s’ajoute les pannes à répétition de forages vétustes et mal entretenus.

 Le cheptel

Le cheptel en transhumance est composé essentiellement des bovins et de petits ruminants (ovin, caprin). Les bovins sont composés de zébus Gobra ou Bos indicus. Il s’agit d’un animal adapté aux conditions difficiles de la zone sahélienne. Au niveau du cheptel ovin, la race Peul-Peul prédomine. Les caprins sont représentés par la chèvre du Sahel. L’impact du changement du climat sur le cheptel se mesure en termes de comportement et d’évolution des effectifs. En période de sécheresse, l’apathie, voire la docilité, et la placidité du cheptel sont les conséquences du manque d’eau et des pâturages qui font que les animaux se laissent conduire plus facilement au forage (Diop et al, 2011). L’évolution numérique du cheptel est fortement liée aux conditions de l’environnement, et en période de sécheresse les effectifs n’évolue que très faiblement (Figure 5). Les effectifs bovins n’ont pas connu les mêmes évolutions que les ovins et les caprins du fait de la différence des cycles de reproduction et donc de reconstruction des effectifs après les années de sécheresse. En outre, il faut souligner que durant les années difficiles, la plupart des éleveurs bovins se reconvertissent dans l’élevage des petits ruminants (Thiam, 2008). L’évolution du cheptel est illustrée par la figure 5. Figure 5: Evolution du cheptel bovin et ovin de 1970 à 2006 (AENRS, 2009) 

Les adaptations

La mobilité La mobilité a toujours été au centre des stratégies pastorales pour mieux exploiter les ressources du milieu pastoral. C’est ce qui a conduit à la réalisation des aménagements hydrauliques et agricoles du fleuve Sénégal et de la basse vallée du Ferlo (Dupire, 1957). 13 Les mobilités individuelles semblent chaotiques et difficiles à saisir, mais si on observe à des échelles géographiques suffisamment vastes et sur des durées suffisamment longues, ces mobilités se traduisent par des flux pouvant présenter de remarquables régularités (Sy et Leclerc, 2012). Ainsi, deux grands types de mouvements ont prédominé. Il s’agit du nord/sud à nord-est/sud-ouest et du centre/sud à centre/sud-est. Si le premier a lieu en fin de saison des pluies, le second, quant à lui, a lieu en période de soudure à la recherche des zones pourvues de pâturages ou des endroits avec début d’hivernage (Sy, 2003). De plus, la mobilité est bénéfique aux troupeaux vivant dans un écosystème instable. En effet, d’après Swallow (1994), lorsque les troupeaux sont déplacés de manière opportuniste pour suivre les pluies, ils bénéficient d’un approvisionnement en fourrages plus diversifié que s’ils restaient au même endroit.

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L’agropastoralisme 

Ce type d’activité a été décrit très tôt dans le nord du pays. En effet, les aménagements hydro-agricoles, de grande ampleur, ont entravé les déplacements du bétail. La conséquence est qu’il ne reste actuellement que quelques 3% d’éleveurs du Ferlo qui accompagnent encore leur troupeau dans la vallée du fleuve Sénégal. D’autres, environ 18%, y vont cultiver leurs parcelles du Walo, laissant le bétail autour des forages (Barral, 1983). De nos jours, l’agropastoralisme est pratiqué au sud du Ferlo. Selon Wane et al. (2012) le sud, plus arrosé, est à la fois un espace agro-pastoral où certains éleveurs cultivent, de plus en plus, le mil et l’arachide, une zone de déplacements locaux autour des forages, et une zone d’accueil pour les pasteurs d’horizons plus lointains. Selon une étude de l’ISRA (2003), le système agropastoral intéresse 50 % du cheptel, et il est caractérisé par une certaine sédentarisation et des relations un peu plus marquées avec les activités agricoles. Ce système est caractéristique du domaine soudano-sahélien. Par rapport à l’accès aux ressources des parcours, les systèmes agropastoraux ont généralement le mérite d’augmenter la diversité des aliments à disposition du bétail (les résidus de culture, les sous produits agro-alimentaires). De plus, le fourrage herbacé et ligneux des parcours et des bordures de champs constitue une large gamme d’aliments alternatifs pour le bétail (Scoones, 1999).

La complémentation du cheptel 

Elle n’est pratiquée qu’en période de soudure lorsque les pâturages se font rares. Au fil du temps, la complémentation se développe de plus en plus. La pratique semble plus courante en ZSP qu’au centre et au nord. En ZSP, les graines de coton, les résidus de poisson, le tourteau d’arachide ont été les plus cités, suivi des pierres à lécher, du son de riz, du sel, des aliments à base de son de blé, et des tiges de mil. Ces aliments ont remplacé les feuilles et fruits de 14 ligneux qui constituaient, autrefois, la base de la complémentation (Diop et al, 2011). Les graines de coton constituent l’aliment de complément le plus utilisé suivies du foin, des tiges de céréales, du tourteau d’arachide et du son de blé. Quant au Sud, le foin est la première source citée suivie des graines de coton, des tiges de maïs et de mil, de la paille de riz, des fanes de niébé et du sel. 

La diversification des activités 

La diversification observée dans les activités économiques des pasteurs du Ferlo ne se reflète pas au niveau de la commercialisation des produits pastoraux du fait que les recettes générées sont réinvesties dans le cheptel (Mbengue, 2005). Certaines productions de diversification, notamment celles agricoles, restent encore, à l’instar des productions laitières, largement destinées à l’autoconsommation contribuant ainsi à assurer la sécurité alimentaire des populations pastorales (CSE, 2009).

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : ETUDE EXPERIMENTALE
Chapitre I : la transhumance au Sénégal
I.1 Rappel historique .
I.1.1 La période d’avant les forages
I.1.1.1 Le peuplement
I.1.1.2 Pratique de l’élevage
I.1.2 La période des aménagements hydrauliques
I.1.3 Les années sécheresse
I.1.4 Les unités pastorales
I.2 Aspects socio-économiques de la transhumance
I.2.1 Aspects sociaux
I.2.2 Aspects économiques
I.3 Les limites de la transhumance
I.3.1 Le parcours
I.3.2 La gestion des parcours
I.3.3 Les itinéraires
I.3.4 Les conflits
I.3.5 Les ressources en eau
I.3.6 Les pathologies animales
Chapitre II : Impacts des changements climatiques sur les bases écologiques de la transhumance
II.1 La pluviométrie
1 Forte variation des pluies avec un démarrage tardif
2 Baisse de la quantité de rosée
II.2 Les sols et la végétation
II.2.1 Dégradation des sols
II.2.2 Evolution de la biomasse
II.3 Les ressources hydriques
II.3.1 Réduction des eaux de surface
II.3.2 Difficultés d’exploitation des eaux profondes
II.4 Le cheptel
Chapitre III : Les adaptations
III.1 La mobilité
III.2 L’agropastoralisme
III.3 La complémentation du cheptel
III.4 La diversification des activités
DEUXIEME PARTIE : ETUDE EXPERIMENTALE
Chapitre I : Matériels et Méthodes
I.1Zone et période d’étude
I.1.1 Zone d’étude
I.1.2 Période d’étude
I.2 Matériel de terrain et de traitement
I.2.1 Matériel de terrain
I.2.2 Le matériel de traitement
I.3 L’échantillonnage
I.4 L’enquête
I.5 Traitement des données
Chapitre II : Les résultats
II.1 Données générales
1 Personnes enquêtées
2 Origines des éleveurs (pasteurs) transhumants
3 Les localités d’accueil
4 Les itinéraires
4.1 Les axes de transhumance
4.2 Emissivité et attractivité
5 La période de transhumance
5.1 Chez les transhumants Peuls
5.2 Chez les transhumants Sérères
II.2 Changement climatique et zone d’étude
II.2.1 Une région caractérisée par les incertitudes
II.2.1.1 L’accès aux ressources
II.2.1.2 Le foncier
Chapitre III : Discussion
Conclusion et Recommandations
Références biliographiques

 

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