Les acides nucléiques
Les acides nucléiques sont constitués par l’enchaînement d’éléments chimiques, les nucléotides (figure 1.1.). Un nucléotide est composé d’une base aromatique hétérocyclique reliée par une liaison N-glycosidique à la position 1’ d’un sucre pentose cyclique (β-D-2’-désoxyribose pour l’ADN et βD-ribose pour l’ARN), phosphorylé en position 5’. Les bases classiquement rencontrées sont classées en deux catégories : – les purines : adénine (A) et guanine (G) – les pyrimidines : cytosine (C) et thymine (T) (ou uracile (U) pour l’ARN).Dans le cas des purines, c’est l’azote N9 qui participe à la liaison N-glycosidique et dans le cas des pyrimidines, l’atome N1. Les sucres possèdent plusieurs degrés de liberté autour de différentes liaisons, et les angles dièdres définis par ces liaisons dépendent les uns des autres. Les conformations des sucres sont essentiellement C2’-endo et C3’-endo pour les doubles hélices d’ADN et d’ARN respectivement (figure 1.2.).La base peut tourner autour de la liaison N-glycosidique. L’espace conformationnel se réduit principalement à deux orientations, appelées syn et anti définies par l’angle χ, par suite de contrainte d’encombrement stérique (figure 1.3.). Les acides nucléiques ont un caractère polyanionique dû à la présence de phosphates. Ceci permet des interactions avec des cations, modifie le pKa apparent des groupements acido-basiques et intervient dans les phénomènes de répulsion électrostatique.
Structures de l’ADN
Maximisant les interactions hydrophobes et réduisant au minimum le nombre de molécules d’eau en son cœur, la structure de l’ADN est constituée d’un empilement hélicoïdal de plateaux de bases (nature aromatique des bases, molécules planes, hydrophobes et rigides). Les bases s’égrainent donc le long de la chaîne sucre-phosphate, colonne vertébrale de l’ADN. Classiquement, le sens de lecture d’une séquence d’ADN s’effectue de l’extrémité 5’ vers l’extrémité 3’ de cette chaîne (figure 1.1.). La structure de l’ADN se caractérise par l’existence de deux chaînes polynucléotidiques appariées antiparallèlement l’une à l’autre en une structure hélicoïdale régulière. La forme dite « ADN B » découverte en 1953 par Watson et Crick (Watson & Crick, 1953 a et b) (figure 1.4.), est la structure stable la plus fréquemment rencontrée dans les conditions naturelles. Dans cette structure, une base pyrimidique est appariée à une purine (figure 1.5.).Deux autres configurations, l’ADN A et l’ADN Z ont été observées par cristallographie. Les conformations A et B montrent une forme hélicoïdale avec pas à droite, alors que l’hélice d’ADN Z (figure 1.4.) tourne dans l’autre sens. Des variations structurales dépendant de la séquence ont été découvertes, par exemple une courbure de l’hélice d’ADN (cas de l’ADN B’). Il existe encore d’autres structures dites non canoniques de l’ADN : ces structures ne s’appuient pas sur les paires de bases classiques Watson-Crick ou ne sont pas en double hélice anti-parallèle. Citons l’ADN π, un duplexe parallèle, les repliements en épingle à cheveux, et enfin les structures d’ADN à plusieurs brins telles que les hélices triples ou encore les quadruplexes de guanines et le motif i.
Les quadruplexes de guanines
Quatre guanines provenant de quatre brins distincts peuvent s’associer et former un plateau de guanines ou « tétrade de G » (figure 1.6.a.). La structure obtenue est appelée quadruplexe de guanines (figure 1.6.b.).L’empilement de tétrades est favorisé par la présence de cations monovalents s’insérant entre les plateaux (Patel et al., 1999), entraînant une dépendance de l’architecture du quadruplexe en fonction de la nature du cation inséré (Sen & Gilbert, 1990; Miura et al., 1999). Les structures les plus stables ont été observées quand des cations K + s’insèrent entre les tétrades de G. Cette structure peut être formée de quatre brins pouvant provenir de fragments différents (quadruplexes dimériques et tétramériques) ou d’un seul (quadruplexe monomérique). Plusieurs orientations des brins sont possibles. Les brins d’un quadruplexe tétramérique sont orientés parallèlement, alors qu’il existe plusieurs conformations possibles pour les quadruplexes formés par repliement de un ou deux brins.
Le motif i
Première structure de l’ADN découverte par la RMN, le motif i est une structure reposant sur l’intercalation tête-bêche de deux duplexes parallèles formés de paires de bases C⋅CH + (figure 1.7.a. et 1.7.b.) (Gehring et al., 1993). Ses caractéristiques structurales principales peuvent se résumer ainsi : les 2 brins d’un même duplexe sont parallèles et reliés entre eux par des paires C⋅CH + la distance entre deux paires de bases intercalées est de ~ 0.31 nm, soit 0.62 nm entre deux bases consécutives d’un même brin (contre 0.34 nm dans le cas de l’ADN B) l’angle de rotation de l’hélice est compris entre 12° et 23° (contre 36° dans le cas de l’ADN B) le motif i présente deux sillons étroits et deux sillons larges l’angle de torsion glycosidique est toujours anti (figure 1.3.) la conformation des sucres est C3’-endo Deux topologies d’intercalation sont possibles selon que les désoxycytidines situées à l’extérieur du motif i sont localisées à l’extrémité 3’ ou à l’extrémité 5’. Comme dans le cas des quadruplexes de guanines, le motif i peut être intermoléculaire (motif tétramérique ou dimérique) ou intramoléculaire (motif i monomérique), mais l’orientation des brins doit obéir à l’intercalation têtebêche des deux duplexes. La stabilité du motif i dépend des conditions expérimentales : pH, température, concentration en brins (pour les formes multimériques) et force ionique.Malgré l’obligation d’hémi-protonation des paires C·CH + , le motif i intramoléculaire formé par la séquence naturelle télomérique humaine, d[(CCCTAA)3CCCT] persiste à pH 7 (Phan et al., 2000), et celui formé par la séquence d(CCTTTCCTTTACCTTTCC) persiste même à pH 7.4 (Han et al., 1997 ; Guéron & Leroy, 2000 pour revue). Ces observations laissent supposer une existence possible du motif i in vivo. Depuis la découverte du motif i, plusieurs études par cristallographie sont venues confirmer ces caractéristiques structurales (Berger et al., 1995 ; Chen et al., 1994 ; Kang et al., 1994 ; Kang et al., 1995).