L’EPILEPSIE A PAROXYSMES ROLANDIQUES
EVOLUTION-PRONOSTIC
Le pronostic médical et psychosocial de cette épilepsie est excellent avec une rémission spontanée à l’adolescence [1, 8] ; ce qui lui a valu le terme de « BENIGNE ». Cependant, plusieurs études durant les deux dernières décades ont montré la présence de déficits cognitifs chez les enfants avec EPR faisant du pronostic favorable de ce type d’épilepsie un challenge.
PRINCIPAUX TROUBLES COGNITIFS ASSOCIES A L’EPR D
epuis deux décennies, nombre d’auteurs ont étudié les troubles survenant au cours de l’EPR. D’ailleurs, même quand ces troubles ne sont pas présents au début de la maladie, on les retrouve à la phase active chez certains enfants, et peuvent persister après rémission [20, 21]. a. Les troubles de la sphère langagière Les troubles du langage retrouvés dans l’EPR sont variés et prédominent en fonction de l’âge de l’enfant et du caractère actif ou pas des crises. Verrotti et al. (2011) dans une étude portant sur 25 enfants avec EPR suivis pendant 2 ans, retrouvaient des troubles du langage chez ces patients pendant la phase active de l’épilepsie. Après la rémission les enfants étaient indemnes de troubles du langage [21]. Ainsi à la phase active de l’épilepsie, on retrouve plus de troubles dans le domaine du langage oral. Ces troubles concernent le vocabulaire, la fluence verbale, la compréhension, la phonologie, la morphosyntaxe, la conscience phonologique et le rappel d’un matériel verbal [22]. A la phase de rémission de l’épilepsie, les troubles de lecture, de compréhension de lecture et d’écriture sont les plus fréquents. Comme exemple, Papavasiliou et al. (2005) avaient évalué les habiletés de langage écrit chez un groupe de 32 enfants âgés de 7 à 16 ans avec EPR et un groupe d’enfants contrôles (N=36). Les sujets épileptiques avaient obtenu des performances significativement inférieures aux épreuves d’épellation, de lecture à voix haute et en compréhension de texte [23]. Les difficultés en compréhension de texte avaient aussi été rapportées par des questionnaires soumis aux enseignants (Lingren et al. 2004). Devant la chronologie de fréquences des troubles, Monjauze et al. (2007) suggérèrent que chez des enfants ayant une épilepsie à début précoce, ces déficits du langage écrit découleraient des difficultés antérieures du langage oral survenues durant l’enfance
Les troubles de la sphère perceptuelle et motrice
Danielsson & Petermann (2009) avaient remarqué des déficits en perception visuo-spatiale, une faiblesse des capacités visuo-constructives ou visuo-motrices chez des groupes de 16 à 40 enfants avec EPR, âgés entre 6 et 12 ans, comparés à un groupe contrôle [26]. Alors que d’autres auteurs (VölkKernstock, Willinger & Feutcha (2006) n’avaient pas retrouvé de difficultés concernant les fonctions perceptuelles de base, mais les résultats devenaient significatifs lorsque les tâches se complexifiaient : perception visuo-spatiale, combinaison de perception et de rotation spatiale . Ibrahim GM et al. (2012), en réalisant des stéréo-EEG à 15 patients épileptiques pour un bilan pré-chirurgical, avaient fait une corrélation positive entre l’ampleur de la désynchronisation ictale et la dégradation de la dextérité motrice [28]. Ainsi, des troubles visuo-spatiaux et visuo-moteurs étaient observés chez les enfants avec EPR, surtout lorsque le matériel devenait complexe. Cependant ces enfants tendaient à avoir des scores comparables à ceux du groupe contrôle lors de la rémission de l’épilepsie.0 La dextérité motrice est également altérée lorsque les décharges siègent dans des zones motrices. c. Les troubles mnésiques Des troubles mnésiques ont été répertoriés au niveau de la mémoire verbale, auditive et visuelle, à court terme et à long terme. Le rappel différé reste toutefois dans la norme, en comparaison avec le groupe contrôle, suggérant que les difficultés de ces enfants se situeraient davantage au niveau de l’encodage que du stockage ou de la restitution .Danielsson et al. (2009), en comparant 25 enfants affectés par une EPR, retrouvaient une association entre l’EPR et les troubles mnésiques [26]. d. Les troubles exécutifs et attentionnels Des difficultés attentionnelles sont retrouvées chez plus de la moitié des enfants ayant une EPR, surtout durant la phase active. Ces difficultés sont plus expressives au niveau de l’attention auditive . Kim EH et al. (2014) avaient recensé sur 198 enfants avec EPR, 74 enfants présentant des troubles de l’attention et hyperactivité [35]. De même, au niveau exécutif, Croona et al. (1999) avaient noté des difficultés de planification et de résolution de problèmes [36]. Miziara CS et al. (2013) avaient comparé 40 enfants avec EPR à un groupe témoin pour le test de Luria évaluant la programmation et la planification. Seuls 6 enfants avec EPR avaient réussi le test sans erreur
Les autres troubles associés
Il s’agit de : Comorbidités psychiatriques à type d’anxiété, troubles de l’estime de soi (austin et caplan, 2007) [38]. Troubles du comportement à type d’inattention, d’hyperactivité, d’agressivité, d’opposition (yung, park, cohen et garrison, 2000) [39]. Troubles du sommeil à type de réveils nocturnes multiples. En effet, les enfants avec EPR se réveillent en moyenne pendant 24 minutes alors que le temps moyen d’éveil des enfants contrôles était de 6 minutes (Clemens et Olàh, 1987) [40]. Altération de la qualité de vie. La qualité de vie peut être compromise chez les enfants atteints d’épilepsie rolandique bénigne ; ceci peut être lié à des variables cognitives et l’impact émotionnel de l’épilepsie sur le parent [41]. En effet, une étude au Nigéria sur 66 patients épileptiques avait retrouvé 20 enfants (30,3%) avec d’importantes déficiences dans la qualité de vie, avec un impact majeur dans les domaines de la santé en général, la vie familiale, scolaire et l’estime de soi .
HYPOTHESES PATHOGENIQUES DES TROUBLES COGNITIFS
Les causes mentionnées ci-dessous ne sont pas mutuellement exclusives, peuvent coexister chez un même patient, et varier dans leur impact respectif selon l’âge de survenue. a. La première hypothèse suggère un substratum génético-neurologique Elle sera responsable à la fois de l’épilepsie mais aussi du trouble cognitif initial associé, car plusieurs études pédiatriques étudiant le profil cognitif des enfants dès le diagnostic d’épilepsie avaient permis de mettre en évidence ces troubles initiaux . Des études récentes évoquent une hypothèse génétique expliquant la survenue des troubles neuropsychologiques au même titre que l’épilepsie. Dans cette lancée Lin et al. (2012) avaient réalisé, chez 13 enfants nouvellement diagnostiqués EPR, une Imagerie par Résonnance Magnétique morphologique et fonctionnelle. Ils avaient retrouvé une hypertrophie du striatum chez ces enfants comparativement au groupe témoin. Les auteurs avaient conclu d’une part sur la possibilité de développement ultérieur de troubles moteurs et des fonctions exécutives (sachant le rôle essentiel des noyaux sous corticaux dans ces désordres) et d’autre part avaient soulevé des interrogations sur la précocité des anomalies anatomiques précédant l’apparition de l’épilepsie ; Ceci ne pouvant s’expliquer que par un facteur existant déjà avant les crises épileptiques, probablement génétique [63]. Aussi, Verrotti et al. (2013) avaient comparé 9 enfants présentant une EPR avec leur fratrie. Ils avaient retrouvé des troubles de la compréhension verbale et de la mémoire de travail aussi bien chez les patients épileptiques que chez leurs frères
FACTEURS DE RISQUE DES TROUBLES ASSOCIES A L’EPR
pourtant n’ayant jamais présenté de crises. Les auteurs avaient conclu qu’une telle similitude du profil neuropsychologique des EPR auprès des patients et de leur fratrie (présentant des déficits dans les mêmes domaines) envisage forcément une hypothèse d’un phénotype neurocognitif spécifique dans les EPR [21]. Une transmission suivant un schéma mendélien dominant avec une pénétrance faible et une expressivité limitée par l’âge a été évoquée ; le gène est localisé sur le chromosome 15q14 [65]. Ainsi le caractère familial est important dans les EPR mais il ne s’agit pas, le plus souvent, d’une hérédité de type monogénique mais probablement plutôt multifactorielle. Plusieurs travaux récents ont suggéré l’implication de certains gènes ou de microremaniements chromosomiques dans la susceptibilité aux EPR [66, 67, 68]. b. La deuxième hypothèse est d’ordre «critique» Elle est relative à la récurrence des crises dans une zone fonctionnelle, pouvant ainsi entrainer l’altération des fonctions y logeant ; selon des études sur des modèles animaux et d’études cliniques prospectives, on a observé que l’épilepsie « chronique » peut entraîner des modifications dans le développement structurel et fonctionnel du cerveau, ce d’autant plus que les crises sont d’apparition précoce et le cerveau immature. Les mécanismes sont multiples (pertes neuronales, désordre de la maturation cérébrale, synaptogenèse altérée, expression anormale de récepteurs).
INTRODUCTION |