L’épargne
Fonds propres de la banque
On se souvient que dans notre modèle, le comportement d’épargne de la banque est gouverné par le paramètre (κ ∗ B) qui définit son objectif de fonds propres (de capital) par rapport à l’encours des crédits accordés par la banque. Nous rappelons que le capital de la banque est égal à l’excès des crédits accordés par la banque aux agents du secteur non bancaire sur les dépôts de ces mêmes agents auprès de la banque. Le capital de la banque est alimenté par les intérêts payés par les entreprises sur les crédits qui leur ont été accordés : c’est le revenu de la banque. Les dépenses de la banque sont constituées par les dividendes distribués à ses propriétaires et par d’éventuelles pertes consécutives aux faillites d’entreprises 3 . Le capital de la banque, formé par la différence entre un flux de revenu et un flux de dépenses, est donc un stock d’épargne. Il est constitué par la banque pour pouvoir faire face aux pertes causées par les faillites d’entreprises. On se souvient encore que dans les modèles classiques du circuit, le paiement de l’intérêt en monnaie est impossible 4 . Au mieux, il est payé en nature : « [. . . ] the firms have only two ways of paying interest to the banks, namely acknowledging the debt while letting it increase without limit over time, or paying it in kind. » (Graziani 2003b, p. 118) Dans le modèle de circuit de Zezza, si l’intérêt est effectivement payé en monnaie à la banque, c’est à la condition d’être immédiatement dépensé par les banquiers dans l’achat de biens de consommation 5 . En revanche, dans le scénario de base de notre modèle, la banque n’a eu aucune difficulté à constituer un stock de capital conforme à l’objectif que nous lui avons fixé : 10% de l’encours des crédits 6 . Quelle est l’influence de cet objectif d’épargne sur la dynamique macroéconomique du modèle ? C’est la question à laquelle nous allons essayer de répondre dans la présente section.
Analyse de sensibilité
On conduit une analyse locale de sensibilité du comportement macroéconomique du modèle au niveau de l’objectif de fonds propres de la banque (κ ∗ B). Paramètres On fait varier l’objectif de fonds propres entre 0 et 1. Comme d’habitude, tous les autres paramètres sont fixés aux valeurs du scénario de base, on exécute 10 simulations différentes avec 10 séries de nombres pseudo-aléatoires différentes pour chaque valeur du paramètre étudié, et chaque simulation est prévue pour durer 50 ans, durée au bout de laquelle les résultats sont enregistrés. Le tableau 8.1 présente les paramètres de l’analyse de sensibilité. Conjectures A la limite, si le capital de la banque est nul, elle n’est pas capable de faire face à la moindre défaillance d’entreprise 7 . On s’attend donc à ce que, en dessous d’un certain niveau de fonds propres, la fragilité financière de la banque débouche sur des crises systémiques venant interrompre prématurément les simulations : Conjecture 16 Il existe un niveau d’objectif de fonds propres en dessous duquel la banque n’est plus capable de faire face aux faillites des entreprises. Cependant, si l’augmentation du niveau de fonds propres de la banque vient renforcer sa stabilité, ces fonds propres constituent un « bassin de rétention » qui vient ralentir la circulation dans la sphère monétaire. On s’attend donc à un affaiblissement de la part des profits, une baisse de la demande et de l’activité, une augmentation des difficultés des entreprises : Conjecture . La part des profits décroît avec l’augmentation de l’objectif de fonds propres de la banque. Conjecture 18 La demande et l’activité s’affaiblissent avec l’augmentation de l’objectif de fonds propres de la banque. Conjecture 19 Les difficultés des entreprises croissent avec l’augmentation de l’objectif de fonds propres de la banque. A la limite, si le capital de la banque est égal à 100% de l’encours de la dette, il n’y a plus de monnaie dans l’économie. On s’attend donc à ce qu’un tel niveau ne puisse pas être atteint : Conjecture 20 Il existe un niveau au delà duquel l’augmentation de l’objectif de fonds propres de la banque conduit à une crise systémique.
Autofinancement des entreprises
Dans notre modèle, les entreprises ne cherchent pas à conserver sur leur compte un stock de monnaie inutilisée. Néanmoins elles épargnent dans le sens où une partie des revenus des entreprises n’est pas distribuée aux propriétaires mais conservée (« retained earnings ») pour former un stock de capital conforme aux objectifs de chacune. De même que pour la banque, cet objectif est proportionnel à l’actif de l’entreprise et le ratio objectif est un paramètre du modèle : le ratio objectif d’autonomie financière (κ ∗ F ) . Là encore, le modèle se distingue des modèles classiques du circuit de la monnaie, puisque dans ces modèles l’autofinancement de la production paraît impossible : « [. . . ] if we consider the initial financial requirement of the firms (namely the means of payment required for purchasing the means of production), self-financing can be ruled out, since initial finance can only come from bank debt. » (Graziani 2003b, p. 153) Il est vrai que dans les premières périodes de la simulation de base les entreprises se trouvent effectivement incapables de financer elles-mêmes les coûts de production. Cependant, ainsi que l’a montré l’analyse des matrices de bilan sectoriels, elles parviennent très rapidement à constituer des stocks de capital . La présente section a pour objet d’explorer la dynamique du modèle lorsqu’on fait varier le paramètre définissant l’objectif d’autonomie financière des entreprises.